ENCYCLOPEDIE DES DAMES. IMPRERIE DE FAIN, PLACE DE L'ODEON. ESSAI SUR LA DANSE ANTIQUE ET MODERNE. Terpsichore, voici l'instant de tes mysteres; Ils naissent du plaisir, je dois les respecter: Viens, ta harpe a la main, m'apprendre a les chanter! ( Dorat , Poeme de la Danse .) PAR M me . Elise VOIART. PARIS, AUDOT, LIBRAIRE-EDITEUR, RUE DES MACONS-SORBONNE, N . 11. 1823. AVANT-PROPOS. "Commencons per celebrer les Muses, nees sur la "haute montagne d'Helicon; leurs pieds delicats s'agitent "en cadence autour de l'autel du fils de Saturne, "pres d'une fontaine dont la profondeur noircit l'onde "limpide: leur danse legere, voluptueuse, couronne les "sommets de l'Helicon." ( Hesiode ). Que mes lecteurs ne s'effraient point de ce debut poetique, je ne l'emploie que comme une sorte de charme; et de meme que ces graves auteurs qui placaient un verset de la Bible au haut de leurs doctes ecrits, afin d'en eloigner toute influence maligne, je dis avec Hesiode: Commencons par invoquer les Muses, et puissent leurs riantes inspirations ecarter de cet onvrage la monotonic et l'ennui! J'ai entrepris, je le sais, une tache difficile en m'engageant a faire un livre sur un sujet leger, frivole meme, et dont l'utilite reelle est plus que douteuse: cette idee est capable de glacer l'imagination la plus feconde; il me semble que je commence une de ces danses perilleuses, ou le pied craintif n'a pour toute arene qu'une corde tendue. Le hardi funambule a du moins, pour fournir sa carriere, son experience, son adresse et son balancier. Tout cela me manque; je ne me dissimule point la difficulte de mon travail, et pourtaut j'ose l'entreprendre. L'editeur de l'Encyclopedie des dames a voulu donner un cours complet de l'instruction a l'usage des femmes, et je me trouve flattee d'avoir ete choisie pour remplir cette page dedaignee, et de contribuer ainsi a l'accomplissement d'un projet forme par la plus douce philanthropie. C'est donc nonseulement a mes compatriotes, mais aux femmes que jem'adresse, quelle que soit d'ailleurs la langue qu'elles parlent, la maniere dont elles tournent leurs chevelures, ou les modes qu'elles reverent. De quel prix seraient mes recherches pour ceux qui, possedant les langues anciennes, out moissonne le champ avec moi? Je ne puis que m'appuyer des assertions des autres, ramasser peut-etre quelques fleurs oubliees, et les offrir a mon sexe. Je dirai comment, apres avoir ete l'expression naive d'une joie naturelle, fort independante des idees intellectuelles, la danse est devenue celle d'une pieuse reconnaissance; comment, apres avoir perdu ses plus nobles prerogatives, elle n'a plus servi que les interets de la volupte et de la licence. Je chercherai a presenter, en peu de mots, les opinions diverses qui ont partage les philosophes au sujet de la danse, opinions qui regnent encore et qui inspirent, presque a leur insu, une trop grande severite a nos moralistes et une tendre indulgence aux amis de notre sexe. Je ne suivrai print la marche de ceux qui m'ont precedee dans cette carriere; presque tous se sont pricipalement occupes de la danse sacree, de la danse theatrale, et non de ce qu'on peut regarder comme son essence, le plaisir de l'homme chez toutes les nations de la terre, et l'expression la plus vraie de son caractere. C'est sous ce double aspect que j'examinerai d'abord cet exercice dont nous avons fait un art, et que je chercherai les rapports qui existent entre les danses nationales et le caractere des peuples auxquels elles sont familieres: soit que, modifie par la civilisation, ou altere par la barbarie, ce caractere ne soit, plus reconnaissable; soit que la danse, ramenant l'homme a son naturel, devienne l'interprete de ses sensations intimes, et revele tout a coup, aux yeux de l'observateur attentif, des coutumes antiques, entierement oubliees, des penchans natifs ou des inclinations en opposition avec ses moeurs nouvelles. Sous ce rapport mon travail peut n'etre pas denue d'interet. Les femmes artistes dont notre patrie voit avec orgueil le nombre s'augmenter chaque jour, y trouveront des recherches curieuses sur les moeurs des anciens, moeurs taut de fois decrites et cependant si neuves encore pour nous; les autres et surtout celles qui aiment a reflechir puiseront dans ces contrastes et ces divers rapprochemens, un aliment a de studieux loisirs , et peut-etre des motifs d'aimer mieux encore cette patrie, ou le plaisir s'unit a la decence, ou la politesse regne avec la liberte, la France enfin, dont elles font a la fois l'ornement et le bonheur. ESSAI SUR LA DANSE ANTIQUE ET MODERNE. PREMIERE PARTIE. ORIGINE DE LA DANSE. La danse naturelle ou primitive est cette action franche et vive qui excite l'enfant a sauter an bruit qu'il produit, soit en frappant sur un corps sonore, soit au son de sa propre voix. Ce mouvement est instinctif a l'homme comme celui de rechercher la lumiere; plus tard, le temperament, l'education, les moeurs, l'influence du climat qu'il habite, developpent cet instinct, l'assujettissent a des lois, ou le repriment et l'aneantissent entierement: c'est ainsi que l'on voit des hommes et des peuples danseurs, et d'autres auxquels le plaisir de la danse est totalement inconnu. Selon M. Moreau de St.-Merry, on pourrait presque compter par les degres de latitude quels sont les peuples chez lesquels le gout de la danse est le plus developpe. Un climat rigoureux, un sol sterile, imposent a l'homme la necessite de ne songer qu'a ses besoins. L'habitant des cotes desolees du Groenland ne danse point, tandis que cet exercice est une passion violente pour les heureux insulaires de la mer du Sud, auxquels une nature riante et feconde prodigue tous ses dons. Il est probable que dans l'enfance des peuples la danse peu savante ne fut, comme elle des enfans, qu'une obeissance passive a une impulsion exterieure; mais, comme elle procura du plaisir, l'homme chercha a le fixer par tous les moyens possibles. Il repeta ses mouvemens les assujettit a un rhythme, et voulut peindre les sensations par des attitudes variees. Plus souvent, entraine par les transports d'une joie soudaine, il prit la main de ceux qui l'entouraient et se mit a bondir en formant un cercle. La ronde est evidemment la danse primitive; elle est l'heureux embleme de la concorde et le premier pas de la civilisation. Dans cette danse, chaque personne est liee au cercle, et le mouvement des bras, qui forme cette chaine flexible, devient le regulateur des danseurs. Bientot la melodie vint au secours de la danse: elle s'exhala de la voix douce et pure d'une jeune fille; la voix plus grave des jeunes hommes en forma la basse; le choc des corps sonores marqua la cadence; des ce moment la danse naquit, et Terpsichore recut des autels. La plupart de ceux qui ont ecrit sur la danse lui ont attribue une destination primitive dont le motif, noble et moral sans doute, ne nous parait pas fonde. "Les "hommes, dit M. Cahusac (auteur d'un traite "de la danse), sortaient a peine des mains "du Createur que la voute azuree des cieux, "la lumiere, les astres de la nuit, l'immense "variete des productions de la terre, tous "les etres vivans et inanimes, etaient pour "les premiers humains des signes de la toute puissance de l'etre supreme, et des motifs "touchans de reconnaissance. Il est donc "vraisemblable que les hommes chanterent "d'abord les louanges de Dieu, et qu'ils danserent "ensuite pour exprimer leur respect, "et leur gratitude." Cette opinion repetee par plusieurs auteurs nous semble denuee de justesse. La danse, expression d'une joie naive et passagere, a du exister avant le developpement des facultes intellectuelles de l'homme; et, pour ne pas sortir de la comparaison que nous avons deja employee, nous dirons que l'enfant chante et danse avant d'avoir aucune notion distincte. Quand sa mere lui accorde l'objet qu'appellent ses jeunes desirs, il saute de plaisir, et ce mouvement naturel est independant du sentiment de la reconnaissance. La consecration du plaisir a une action salute suppose une maturite dans le jugement, dont l'enfance des nations ne parait pas susceptible. D'ailleurs il a fallu un haut degre de civilisation parmi les hommes pour que, libres des soins de l'existence, ils pussent se livrer a la contemplation des phenomenes de la nature, et les retracer par d'ingenieuses allegories. La multitude n'observe point. Il a fallu que des hommes d'une nature superieure, inities d'une maniere, pour ainsi dire, instinctive aux mysteres de la creation, en eussent demele le beau, le bon, l'utile, et eussent invite les hommes a en celebrer l'auteur par des actes exterieurs et publics de reconnaissance. Dans les climats favorises par la nature, ou l'homme trouvait sans peine a satisfaire ses besoins, il ne dut voir dans le maitre de l'univers qu'une divinite bienfaisante, qui se plait au spectacle du bonheur des etres qu'elle a formes; cette opinion donna sans doute naissance aux danses sacrees. "L'Amour, "dit Hesiode, naquit le premier des "dieux." Ce sentiment naturel au coeeur de l'homme recut un culte, et tout ce que la creature a vait de plus doux a offrir, tel que les fleurs, les parfums, les chants et les danses, lui furent sans donte consacres; mais il s'ecoula peut-etre bien des siecles avant que l'expression de la joie devint specialement celle du respect. A insi la danse grave, reguliere et mesuree, faisant partie du culte, annonce toujours chez un peuple les progres on le souvenir d'une antique civilisation. Le nom de la muse qui preside a la danse peut encore fournir une induction favorable a notre opinion; le genie de la langue d'Homere permettait aux Grecs de donner des noms expressifs a cheque objet; Terpsichore chez eux signifiait la divertissante ; ils l'eussent appelee la sainte , si la danse avait ete originairement consacree aux autels. N'est-il pas a presumer que les premiers legislateurs, ayant vudans le plaisir un moyen certain d'enchainer les hommes aux pratiques du culte, auront sanctifie les danses primitives en les faisant servir a l'appareil religieux: de meme que plus tard les premiers chretiens s'emparerent de la plupart des ceremonies du paganisme, afin d'amener sans efforts les peuples a l'observance de la religion nouvelle? Les anciens aveient deux sortes de danse: la dense sacree ou tragique, la danse profane ou comique. La premiere, lente, grave, paisible, guerriere, selon la divinite ou le mystere qu'on celebrait, s'executait autour des autels des dieux, terminait les sacrifices et pretait de la majeste aux grandes ceremonies publiques. Cette danse, au dire des historiens, produisait sur les acteurs et les spectateurs des impressions qui nous paraissent incroyables, parce que nous n'avons pas l'intelligence de ce qu'elle exprimait. Elle etait pour les anciens une poesie plus eloquente que la peinture, plus mysterieuse que la musique, a laquelle cependant elle empruntait une partie de son charme. Elle peignait aux yeux de la Grece ravie les merveilleuses histoires de ses heros, de ses dieux, les saints mysteres de Delos, et ceux plus sublimes encore de la divine harmonie des spheres celestes. La danse profane, vive, legere, badine et quelqufois grotesque, paraissait dans les festins, a la fin des travaux des champs, et aux fetes de l'hymenee, ou souvent la gaiete degenere en licence; mais l'origine de toutes deux est commune, et Terpsichore preside seule aux danses des dieux et a celles des hommes. C'est elle qui, tantot sous les traits d'une Menade couronnee de pampres, agite le thyrse, et crie Evoe, eu frappant le tambour aux fetes dionysiaques, et tantot sous ceux d'une pudique canephore, le front ceint des bandelettes sacrees, porte avec respect l'arche d'Iacchus, les saintes offrandes et le van mysterieux. Parmi les republiques de la Grece, Sparte fut celebre par ses danses. Helene jeune encore, executait la danse de l'innocence, lorsque Thesee la vit et s'enflamma d'amour pour elle. Le sage Lyeurgue avait mis la danse au nombre de ses lois saintes, et il inventa l'hormus , danse pleine de grace, qui offrait l'image de la force et de l'audace unie au charme de la pudeur. Mais a Sparte les femmes comptaient pour quelque chose, et l'on peut remarquer que partout ou elles furent condamnees a l'isolement, on ne connut pus la dense la plus naturelle, celle qui, juste intermediare entre la danse tragique et la danse comique, participe a la fois de la noblesse de la premiere et de l'enjouement de la seconde. Partout ou la femme n'est point admise a partager avec l'homme les douceurs de la vie sociale, on voit fuir les graces, la decence et le plaisir: la licence et le caprice, enfans d'une imagination sans frein, les remplacent. Nous pourrons appliquer ce principe en examinant les differens, caracteres des danses europeennes. Les Egyptiens furent les premiers qui donnerent a la danse ce caractere de sublimite qui l'a rendue digne des eloges des poetes et des sages. Inventeurs du langage mysterieux dont les images decorent encore leurs venerables monumens, ils avaient fait de leurs danses des hieroglyphes d'actions; sur un mode grave et solennel ils composaient des danses severes, qui peignaient par des mouvemens regles les revolutions des astres, l'odre immuable et l'harmonie de l'univers. Ils avaient institue en l'honneur du dieu Apis, symbole sous lequel ils adoraient le soleil, des danses par lesquelles ils exprimaient successivement et la douleur de l'avoir perdu, et la joie de l'avoir retrouve. Chez ce peuple la danse fut toujours liee aux ceremonies religieuses: les lois fondamentales du culte en avaient regle l'usage et determine le caractere. Orphee parmi les Grecs fut l'inventeur des danses sacrees, ou plutot il fur le premier qui, rapportant dans sa patrie un culte et des notions religieuses recueillis dans ses longs voyage, osa consacrer l'expression du plaisir au culte de la Divinite. Aux danses naturelles et familieres a la jeunesse il ajouta des evolutions empruntees aux pretres de Sais ou de Colchide. Les sublimes accens de sa lyre leur imprimerent un caractere plus grave et tout-a-fait en rapport avec les hautes verites que son genie revelaitaux peuples. Des cet instant la danse fut la compagne inseparable de toutes les ceremonies saintes, et chaque divinite nouvelle fut honoree par des cantiques et des danses particulieres, joints aux rites qui lui etaient affectes. Les theosophes feignirent que ces danses et leurs divers caracteres etaient inspires par la divinite a laquelle elles etaient consacrees; et la superstition d'une part et la credulite de l'autre se reunirent pour admettre cette croyance. Toutes les idees religienses etaient alors enveloppes de mysteres; plus l'empire de la danse s'etendit, plus elle devint allegorique; on peut dire que des l'instant ou la danse fit partie du culte, elle perdit son veritable caractere; elle devint grave, sublime, heroique, mais la gaiete en fur bannie: les nombreuses allegories qu'elle retracait, occupant uniquement l'esprit des danseurs, chacun ne se livra plus a ses impulsions naturelles; on joua un role avec plus ou moins de perfection, mais on ne dansa plus. Par la suite, les Grecs, charmes de l'ordre et de l'harmonie que les danses apportaient dans leurs ceremonies religieuses, les introduisirent dans les divertissemens les moins susceptibles de les recevoir. Les choeurs, qui servaient d'intermedes dans les representations theatrales, repetaient sur la scene les roles qu'ils avaient deja joues autour des autels. Ils danserent d'abord en rond, de droite a gauche, pour exprimer le mouvement du ciel, qui se fait du levant au couchant; ils appelaient cette danse strophes ou tours . Ils retournaient ensuite de gauche a droite pour representer le cours des planetes, et nommerent ces mouvemens antistrophes ou retours . Apres ces deux danses ils s'arretainet pur chanter. Ce repos, accompagne d'harmonie, peignait, selon eux, l'immobilite de la terre, qu'ils croyaient fixe et immuable. Il est a remarquer que les anciens appelaient danse tous les mouvemens mesures. C'est de cette maniere qu'il faut entendre cette inscription rapportee par Lucien. "Le "peuple a fait elever cette statue a Ilation "parce qu'il avait bien danse au combat." Il en est de meme de cette autre phrase: "Les Spartiates allaient en dansant a l'ennemi." C'est-a-dire qu'ils marchaient au son des flutes, et accelerent ou ralentissant leurs pas, obeissaient au rhythme de la musique. Cet usage etait celui de tous les peuples guerriers; le son des harpes et des trompes d'airain reglait ou excitait la belliqueuse ardeur des Gaulois nos ancetres. Les enfans n'ont pas degenere de leurs peres: "De nos jours ces danses guerrieres "ont porte au plus haut point l'enthousiasme "de la gloire, et l'on vit il y a quelques "annees les Franccais parcourir l'Europe "et voler en dansant de victoire en "victoire." La danse faisait autrefois partie de la musique; ces deux arts furent en honneur chez toutes les nations instruites et policees. Polybe dit que les Arcadiens se vantaient de les avoir cultives les premiers. Quoique de moeurs severes, ils faisaient etudier a leurs enfans la danse et la musique des leurs premieres annees. Nous reviendrons avec plus de detail sur ce sujet en parlant des danses antiques. La danse est, comme le chant, l'expression vague du plaisir: c'est un mouvement analogue a la situation de notre ame. On danse pour obeir a l'activite naturelle que donnent la jeunesse, la joie, la sante, et que vient encore exciter le son d'un instrument. Bientot les pas suivent une cadence reguliere; la danse est mesuree; pour la rendre plus agreable on en diversifie les figures, et le desir de plaire y ajoute un charme nouveau. Les yeux jouissent alors de tous les developpemens de la beaute qui se montre dans mille attitudes gracieuses, en formant des tableaux ingenieusement composes. La noblesse, la legerete, la souplesse des mouvemens, les graces naturelles, brillent dans cet exercice agreable; il sait peindre d'une part la gaiete, la surprise, le desir de vaincre; de l'autre ce que la pudeur et l'amour ont de plus doux, c'est en quelque sorte la ceinture mysterieuse de Venus. Mais il ne faut pas chercher dans cette danse, simple et naturelle, les grands effets decrits par les poetes et les historiens. Il y avait dans la danse antique deux parties bien distinctes dont on a presque tonjours confondu les resultats: la partie mimique et celle qui etait purement gymnastique. C'est de la premiere qu'il faut entendre ces merveilles rapportees par les anciens auteurs, et si exagerees par les modernes. Acet egard nous ne partageons point l'opinion de ceux qui ont ecrit sur la danse, et nous ajoutons pen de foi aux prodiges cites par l'auteur de la Theorie des beaux-arts. "La danse, dit M. Sulzer, est celui de tous les arts ou l'expression est le plus facile a rendre, parce que les mouvemens et les pas sont autant de mots qui nous disent ce qui se passe dans l'ame." Cette assertion nous semble peu fondee; ce ne sont point les pieds, les bras, le corps, qui sont destines a nous reveler ces mysteres: une cabriole, un jete-battu, un entrechat, ne diront jamais rien au coeur. Avec quelque perfection qu'ils soient executes, ils ne peuvent rendre qu'un petit nombre de sentimens ou d'affections: ils peindront la gaiete, le caprice, le dedain, la seduction, la malice, en un mot, tout ce qui necessite des mouvemens prompts et varies; mais la fierte, la colere, l'indignation de la verta, la douleur de l'ame, sont du ressort de la pantomime; et pour peindre ces effets passionnes, il faut le concours du regard et de toute la physionomie. La pantomime n'est point une danse primitive, c'est une espece d'enigme on plutot de langage de convention imagine pour peindre les passions, soit que les moyens manquasseut pour en exprimer la violence; soit qu'une sorte de pudeur, qui n'appartient point a l'enfance des nations, ordonnat d'en voiler l'energie; soit enfin que la crainte obligeat les acteurs d'en dissimuler les accens. On dit que la pantomime fut inventee a Syracuse, et qu'elle preceda le triomphe de la liberte. Quelques auteurs pretendent que le tyran cruel et defiant qui y regnait, ayant defendu aux Syracusains de se parler dans les reunions publiques de peur qu'ils ne conspirassent contre lui, la haine et la necessite leur suggererent une danse figuree ou la combinaison des pas, les gestes et les mouvemens du corps leur servirent a se communiquer leur projet de vengeance. Quelque noble que soit cette pretendue origine, la pantomime n'a point rendu service aux beaux-arts: partout ou elle a paru les productions dramatiques lui ont ete sacrifiees; en ne parlant qu'aux yeux elle eveille les passions et corrompt les moeurs. Ce fut la pantomime qui chassa de Rome les chefs-d'oeuvre de Sophocle et d'Euripide; et la fureur insensee avec laquelle les Romains du siecle d'Auguste s'y adonnerent a peut-etre prive cette ville celebre d'un poete tragique. Apres avoir parle de l'origine de la danse, de son, essence, nous dirons un mot de son utilite. Consideree physiquement, la danse a particulierement l'avantage de placer le corps dans l'etat d'equilibre le plus favorable a la souplesse et a la legerete des mouvemens. Cet exercice convient a la sante; diverses maladies ont ete gueries par son usage, et les medecins l'ont plus d'une fois conseillee dans des cas particuliers. La danse, dit un anteur allemand, egaie le coeur et retablit l'equilibre dans toutes les fonctions animales; c'est un moyen certain de conserver la sante, de rendre la beaute plus piquante, parce qu'elle donne au developpement du corps une aisance pleine de grace, souvent plus attrayante que la beaute elle-meme. Dans plusieurs cantons de la Suisse, les jeunes gens se rassemblent chaque soir; on danse une heure ou deux, en ete sous un tilleul, en hiver dans la salle commune. Cet exercice, pris moderement, fortifie le corps, le delasse des travaux du jour et le dispose doucement au sommeil. Il parait qu'en Allemagne il n'en est pas de meme, et, selon l'ecrivain auquel nous empruntons cet extrait, le plaisir de la danse est aussi nuisible a la sante qu'a la beaute. Les societes toujours trop hombreuses pour le lieu ou elles se reunissent, les yapeurs empestees d'un eclairage mal combine, celles non moins pernicieuses des parfums que portent les femmes, sont une partie des reproches que cet auteur adresse aux danses de son pays. "Dans ces assemblees tumultueuses, dit-il, les poumons desseches absorbent un air vicie, et souvent telle femme, entree au bal fraiche et pleine de sante, en sort avec le germe d'une maladie qui la conduira au tombeau. Mille dangers attaquent les danseuses: un corset trop serre, des epaules decouvertes, une walse sauvage, des quadrilles sans repos, le vent d'une porte ou d'une croisee; je ne m'etonne point qu'apres trois jours on ne puisse reconnaitre une jeune fille qui a passe la nuit au bal. Comment une organisation aussi faible que celle de la femme pourrait-elle resister a de telles fatigues? Je ne compte point ici, ajoute le moraliste, l'ennui, le depit, les joies immoderees du triomphe, le desespoir de la coquetterie decue; toutes ces emotions quittent peu les femmes, mais elles sont bien plus vives dans ces jours solennels." Nons ajoutons que les veilles prolongees passees au bal epuisent les forces tres-promptement, causent la maigreur, la paleur, et compromettent la vie. Ces reflexions, quoique tristes, sont vraies, et nons invitons nos jeunes compatriotes a les mediter; non pas qu'il soit necessaire de leur adresser de semblables reproches, mais afin de les premunir contre les dangers dans lesquels pourrait les entrainer le gout immodere de la danse, si elles le satisfaisaient sans precaution. DE LA DANSE CHEZ LES ANCIENS. Les philosophes les plus celebres de l'antiquite ayant senti la necessite de reunir les hommes par l'attrait du plaisir, placerent la danse au premier rang des institutions nationales. La musique et la danse furent en effet les premiers liens des societes naissantes. On fit plus; en sanctifiant ces elans d'une joie naturelle, les legislateurs parvinrent a faire tourner au profit de la morale des transports genereux, quelquefois sublimes, qui eussent ete perdus avec les emotions passageres qui les avaient causes. "Louez le Seigneur au son des trompettes," dit l'Ecriture, "louez-le en harpe et psalterion, louez-le en multitude de chants harmonieux, louez-le par des choeurs et des danses." Le peuple de Moise, a sa sortie d'Egypte, avait des danses sacrees et regulieres; temoin les choeurs a la tete desquels se trouvait Marie, soeur du chef legislateur. Elle celebra par des chants et des danses le passage miraculeux de la met Rouge et la defaite des oppresseurs de sa nation. Ces danses mysterieuses, empruntees aux pretres de l'antique Egypte, faisaient partie du culte hebreu; et les transports de ce peuple ingrat autour du veau d'or dans le desert en sont une nouvelle preuve. En promulguant la loi divine, Moise posa les bases de la legislation, et fixa d'une maniere invariable les ceremonies publiques. Les levites, tribu sacree parmi laquelle se trouvait le plus de merite et d'instruction, furent charges de tout ce qui interessait la majeste des autels. Ils avaient une grande variete d'instrumens a vent et a cordes, et leurs chants etaient accompagnes de danses. Le mot choeur signifiait chez eux une troupe de danseurs revetus des memes ornemens. "Ils chantaient et dansaient ensemble, dit M. de Fleury; leurs choeurs, assortis selon l'age et le sexe, etaient composes de jeunes garcons, de jeunes filles, de femmes et de vieillards; et chacune de ces troupes executait les danses sacrees, selon le caractere qui leur etait propre, sans jamais se meler." Outre les danses religieuses, les Hebreux en avaient d'autres aussi nobles et moins severes, que les vierges d'Israel executaient dans les ceremonies publiques pour celebrer les evenemens heureux, les victoires remportees sur les ennemis et la gloire des heros de la patrie. "Et la fille unique de Jephte, qui nommait Zeila, vint au-devant de lui quand il retournait en Maspha avec tambourins et danses." ( Juges .) "Et quand David retourna apres qu'il eut tue le Philistin, dit encore la Bible, les femmes de toutes les cites d'Israel sortirent en chantant et dansant au-devant du victorieux, avec cythares, flutes et tambourins de liesse." ( Rois .) A la campagne la danse faisait partie des plaisirs de la jeunesse. Toutefois il parait qu'elle etait specialement affectee aux femmes, car dans les danses familieres que cite l'Ecriture, on ne voit les jeunes hommes y prendre part que comme spectateurs, et plus souvent comme ravisseurs, temoin l'enlevement de la jeune Dina aux fetes de Sichem, et celui des filles de Silo. "Et quand vous verrez les vierges venir, selon la coutume, pour mener les danses, sortez promptement des vignes, et ravissez d'icelles chacun une, et vous en allez avec en la terre de Benjamin." Il est a remarquer que les danses serieuses furent seules en honneur parmi les Hebreux. Ils avaient bien comme les autres nations des saltimbanques, ou des plaisanteurs , comme dit la Bible; mais leur profession n'avait rien d'honorable, et leurs exercices etaient peu en rapport aver la gravite naturelle an peuple de Dieu. Aussi, dans une circonstance importance, David, pour les avoirimites, fut-il vivement blame par les femmes qui avaient commence sa reputation; et la meme qui, a la tete des choeurs d'Israel, avait chante, "Saul en a tue mille, David en a tue dix mille;" cette meme femme le voyant danser et sauter devant l'arche le meprisa en son coeur . "Et Michol s'en vint au-devant de lui, et dit en le raillant: Le roi d'Israel a ete bien glorieux aujourd'hui, en se decouvrant devant les servantes de ses serviteurs, et se demenant comme un de nos plaisanteurs ." La danse de David n'etait donc point une saltation sacree; elle n'etait pas meme dans les convenances recues. Il est a presumer que dans la joie de son coeur, le bon roi, qui dansait de toutes ses forces, fit quelques cabrioles un peu trop lestes ou trop semblables a celles des plaisanteurs , auxquels le comparait Michol. Si des recits de nos anteurs sacres nous passons a ceux des legislateurs des peuples contemporains de ces epoques reculees, nous verrons que partout les hordes les plus saurages furent reunies et civilisees par les acceus de la musique et les charmes de la danse. "Jamais les lumieres de la raison, dit Anacharsis, n'opererent dans les moeurs une revolution plus prompte et plus generale. Parmi les peuples de la Grece, les Arcadiens furent les premiers a se soumettre a ce doux empire, et leurs magistrats etaient persuades que l'etude de ces arts enchanteurs pouvait seule garantir la nation de l'influence d'un climat rude et sauvage." Ce principe philanthropique s'etendit dans toute la Grece. Ces peuples, celebres par tant de genres de gloire, faisaient de la musique et de la danse la base de l'education publique. Ils pensaient par-la former le jugement de leurs enfans, les habituer a ne rien faire pour ainsi dire qu'en mesure. La musique etais pour eux non-seulement un art utile et agreable, mais encore une science profonde, une branche essentielle des mathematiques. La danse contribuait a rendre lent corps plus agile, plus robuste, et, chez des peuples ou la force physique etait consideree comme d'une haute importance, on concoit combien tout ce qui pouvait servir a la developper acquerait de prix a leurs yeux. Ce que la religion et la philosophie avaient consacre devint bientot un objet d'emulation pour les arts; les poetes chanterent la danse, et lui attribuerent une origine celeste. C'est aut mouvement des cieux et a l'harmonie des astres, disent-ils, que cet art dut sanaissance. La mere des dieux, la puissante Rhea, fut la premiere qui se plut a cet exercice; elle l'enseigna a ses pretres, et, sur le mont Ida, les danses guerrieres des corybantes egayerent l'enfance de Jupiter. Simonide definit la danse une poesie muette; Pindare remercie Apollon de nous avoir enseigne la danse, et dit que ce bienfait surpasse tous les autres. Athenee pense que ce bel art est ne avec l'Amour, son premier auteur, et que les dieux, au commencemente du monde, s'introduisirent a la faveur des danses parmiles mortles. Au nombre des consolations que la bonte des dieux accorde aux malheureux mortels, Homere place la danse avec l'amour, la musique et le sommeil. Il lui donne le titre d' irreprehensible , et atribue la douceur de l'harmonie a ce que la danse (ou plutot la mesure) en est la compagne inseparable, Elle est pour le prince de la poesie grecque le trait caracteristique a l'aide duquel il peint la felicite des humains. Les Pheaciens, peuple heureux et sage, s'adonnent a la danse. "O deese auguste et prodique de tous biens! dit-il encore, dans son hymne a la terre, les enfans de ceux que tu proteges sont brillans de jeunesse et de joie, et leurs filles, jeunes vierges couronnees de roses, se plaisent a former des choeurs de danse, au sein des prairies emaillees de fleurs." Quand il se plait a decrire le merveilleux bouclier forge des mains du dieu de Lemnos, l'e sujet sur lequel son imagination riche et gracieuse parait s'arretter avec le plus de complaisance est celui qui represente les danses celebrees par un peuple heureux et paisible. "Le divin boiteux representa sur le bouclier d'Achille une danse semblable a celle que jadis Dedale fit connaitre dans Cnossus, et qu'il inventa pour Ariane a la belle chevelure. On y voyait de jeunes hommes et de jeunes vierges, les mains fermees l'une dans l'autre, former avec art des pas cadences. Celles-ci n'avaient pour vetement qu'une etoffe legere; les jeunes gens, tout brillans de l'huile du gymnase, portaient des tuniques plus solides; des epees d'oor etaient suspendues a leurs baudriers d'argent, et leurs compagnes avaient le front couronne de fleurs. Tous dansaient en fond et formaient un mouvement semblable a la roue du potier, lorsqu'assis sur une escabelle il l'essaie pour la faire tourner avec rapidite. Suspendant cette ronde, ils composaient ensuite entre eux diverses figures. Un peuple nombreux les entourait, et au centre deux saltateurs, etudiant leurs gestes, executaient une danse particuliere entremelee de chants." Si la danse est le delassement le plus naturel, aux hommes, elle est aussi le plus doux plaisir des dieux. "Les filles de Mnemosine, unies par les noeuds de la concorde, chassant loin d'elles de penibles soucis, s'occupent d'agreables concerts. Les brillans palais, theatres de leurs danses legeres, sont assis non loin de la cime elevee de l'Olympe que couvre une neige eternelle. Pres d'elles habitent dans des bois toujours verts, les Graces, les Desirs et l'Amour." ( Hesiode .) "Apres la chasse, Diane livre son coeur a la joie; elle detend son arc, se rend aupres de son frere le brillant Phebus, et dans le temple de Delphes conduit elle-meme les choeurs des Muses et des Graces. C'est la que revetue d'une parure ecla tante, elle preside aux danses des nymphes. qui d'une voix melodieuse chantent des hymnes en l'honneur de la blonde Latone."( Homere .) L'Amour, les Plaissirs et la plus belle des deesses presidaient a la dense. Les jeunes danseurs invitaient Venus a se meler a leurs jeux; elle conduit le choeur des nymphes, disent les poetes: elle danse aux banquets des dieux. "Venus rassemble plusieurs groupes de jeunes filles au lever de la lune; los Graces, ses compagnes, la Joie et l'Amour se tenant par la main, dansent autour d'elle sur l'herbe tendre." ( Horace .) Il semblait que des dieux seuls avaient pu enseigner cet art charmant aux mortels. Les Spartiates se vantaient de l'avoir recu des Dioscures; sans doute que les jeunes demidieux, au retour de leurs longs voyages, avaient rapporte quelque danse particuliere. Quoi qu'il en soit, elle acquit sous Lycurgue une preponderance tres-remarquable; les fils de Lacedemone admirent la danse au hombre de leurs exercices favoris: elle les commencait et les terminait. " Une flute a donne le signal et la plus belle des muses les conduit a la victoire." A l'epoque la plus brillante de la gloire athenienne, la poesie, la musique et la danse concoururent a celle des grands hommes; et l'on vit Sophocle, apres la bataille de Salamine, danser autour des trophees du vainqueur en s'accompagnant de la lyre. L'enthousiasme des Grecs pour la danse s'accrut rapidement. Bientot les arts, tributaires du genie, s'empresserent de lui rendre hominage. Le peintre saisit les graces fugitives, pudiques, enivrantes, que developpent sous ses yeux tantot les chastes et les saintes theories de Delos, tantot les folatres pretresses du dieu des vendanges; ils retracent ces tableaux enchanteurs sur les murs des temples, sous les portiques et jusque dans les salles des festins. Inspire par le genie qui jetait alors ses vives clartes sur cette terre aimee des dieux, le statuaire fixe sur le marbre les formes celestes, la molle langueur ou les voluptueux balancemens des vierges d'Ionie. Ces chefs-d'oeuvre voues a l'immortalite instruisent a leur tour les saltatrices des siecles qui leur succedent: elles les consultent avec soin, et se modelent sur les nobles, productions des Praxiteles et des Scopass, de peur de perdre ce caractere de pudeur, charme puissant de la danse antique, dont le marbre conservait les precieuses traditions. 1 La danse passa des autels au theatre; elle devint le plaisir le plus vif et l'indispensable ornement des festins. Le divin Platon trace ses lois; les generaux, les philosophes, les orateurs, tels que Pericles, Xenophon, Epaminondas, Socrate, s'y adonnent sans croire deroger a leur caractere. Elle etait entree dans les moeurs avec tant d'autorite, que Theophraste, le La Bruyere d'Athenes, qui vivait quatre siecles avant notre ere, en peignant le caractere de l'homme incivil, ajoute pour dernier trait: "Dans un festin, lorsque c'est a son tour a chanter il s'y refuse, et rien ne peut le forcer a danser avec ses convives." Rien alors n'etait epargne pour donner le plus grand developpement a l'art de la danse. Les Thessaliens, les Thebains, et les nations de l'Asie mineure, presque peuplee de colonies grecques, avaient tant d'estime pour la saltation, qu'ils appliquaient les formes de cet art aux usages los plus nobles, et que dans plusieurs de leurs rilles, les generaux et les magistrats se nommaient chefs de la danse. Le soin qu'on avait a Athenes de choisir les choreges parmi les premiers citoyens de la republique, est encore une preuve de l'importance qu'on attachait a cet art. Les choeurs de danses faisaient partie dess frequentes solennites celebrees en l'honneur des dieux et des heros; ces choeurs, prepares et exerces a l'avance, se livraient entre eux de gracieux et brillans combats, et l'on couronnait le vainqueur avec toute la pompe imaginable. Quand la danse fut introduite en Italie, elle excita des transports plus vifs encore. Tour a tour objet de l'amour et de la haine des sages, l'autorite d'un empereur, fut necessaire pour empecher le sang humain de souiller sa paisible gloire et les brillantes arenes ou elle etalait ses merveilles. Auguste, en s'immiscant dans les demeles de Bathylle et de Pylade, la mit encore plus en faveur, et justifia, par cette etonnante protection, l'enthousssiasme que Rome eprouvait deja pour la danse et les saltateurs. DANSES GRECQUES. Parmi les peuples antiques on peut citer les Grecs comme celui pour lequel la danse eutt plus de charmes. Un genie a la fois vif et tendre, sublime et passionne; un caractere flexible, une imagination riante, ingenieuse a donner un tour gracieux aux choses les plus indifferentes; tout se reunissait pour lent faire aimer la danse avec passion et en hater le perfectionnement: aussi devint-elle un gout national que vingt siecles d'abaissement et de malheurs n'ont pu detruire. Le mot danse n'exprime que d'une maniere imparfaite l'idee que les anciens, et les Grecs surtout, avaient de cet art. Chez les modernes, ce terme ne se dit que du mouvement mesure et assujetti au rhythme de la musique. Chez les Grecs la danse etait l'art regulateur des expressions du geste; elle n'ordonnait point seulement les pas, mais l'habitude generale du corps et ses diverses, attitudes; le repos meme etait soumis a ses lois ainsi que ta demarche. "Elle embrassait tous les mouvemens, renfermait tous les rhythmes, depuis le plus simple jusqu'au compose, du plus lent jusqu'au plus vif; elle devanait ainsi la langue universelle, l'interprete eloquent de toutes les passions, depuis la plus douce jusqu'a la plus terrible." Platon distingue deux sortes de danses. Il nomme l'une orchestrique , et l'autre palestrique . Des graces modestes, des gestes moderes, un corps bien dessine, des pas justes et mesures, caracterisaient la premiere; la seconde se distinguait par des mouvemens vifs, rapides, ondoyans, pleins de feu; elle servait a assouplir les membres et a les fortifier pour les exercices de la guerre. Il n'est pas facile de preciser le genre des danses primitives, c'est-a-dire de celles qui, par les progres de la civilisation et des beaux-arts, par l'agrandissement de l'esprit humain, produisirent toutes les danses dont Pollux, Lucien et tant d'autres nous ont laisse les noms. Bien que ces danses diverses aient une commune origine, elles different et en meme temps participent tellement l'une de l'autre, qu'il est aussi difficile de les separer que de les reunir. Ce sont les rilles de Mnemosyne qui, toutes egalement savantes, aimables belles, empruntent, sous le nom generique de Muses, les attributs divins les unes des autres. L'auteuv de l'ouvrage intitule: Fetes et Courtisanes de la Grece , qui a rassemble avec autant de gout que de soin les notions les plus precieuses sur les danses antiques, en donne une ample nomenclature; mais ses divisions multipliees en tendent la classification presque impossible. Il reconnait desdanses sacrees, dramatiques, tragiques, comiques, satiriques, lyriques, guerrieres, domestiques; d'autres enfin dont la licence est le principal caractere, et qu'il nomme lascives. Sans entrer dans un detail qui tient au systeme de l'auteur, nous dirons qu'il est vraisemblable que la danse sacree, simple, grave et sublime dans son origine, en produisit deux autres que l'on a souvent confondues: l'une est la danse allegorique , dont la poesie muette parlait vivement a l'ame des spectateurs, ett qui donna elle-meme naissance a la pantomime; l'autre est la danse dramatique , qui, s'appropriant avec hardiesse et bonheur les divers caracteres des deux autres, sut en creer un qui lui etait propre, et finit bientot par enlever tous les suffrages, parce qu'elle satisfaisait tousles gouts. Sans nous attacher a cette division naturelle, nous dirons que les Grecs avaient trois sortes de danses distinctes; ils donnaient a chacune un nom qui en caracterissait le genre. Au premier rant etait la noble et severe emmeleia , danse sacree, destinee a retracer les actions des dieux ou les mysteres de la nature. Toutes les parties de cette danse, la plus grave de toutes, etaient parfaitement liees. C'est ce qu'exprime le nom d' emmeleia , qui designe un heureux accord de mouvemens nobles et elegans, qu'on pourrait appeler une belle modulation dans tout le jeu des personnages. Venait ensuite le cordax , danse vive, legere, licencieuse, bouffonne, ainsi que l'indique son nom: car le verbe de ce mot signifie danser d'une maniere ridicule . C'est a cette espece de danse que peuvent se rapporter celles que les nautoniers executaient chaque annee autour de l'autel de Delos pour celebrer la naissance d'Apollon, et dont le pieux Callimaque a conserve le souvenir dans ses hymnes. "Asterie, ile sainte, ile ou l'on a dresse mille autels! quel nocher traversa jamais la mer Egee sans s'arreter sur tes cotes? Quelque favorise qu'il soit des vents, quelque soin qui le presse, soudain il abat ses voiles, descent sur tes rivages et ne remonte sur son bord qu'apres avoir mordu le tronc sacre de ton olivier et fait le tour de ton autel les mains liees derriyre le dos, s'offrant lui-meme au fouet de tes pretres, en memoire de ce jeu qu'une nymphe de Delos inventa jadis pour amuser Penfance d'Apolon". ( Callimaque , 130.) Anacharsis rapporte aussi ces danses en parlant des fetes de Delos. "On celebra le jour suivant la naissance d'Apollon. Parmi les ballets qu'on executa, nous vimes des nautoniers danser autour d'un autel et se frapper a grands coups de fouets. Apres cette ceremonie bizarre, dont nous ne pumes deviner le sens mysterieux, ils voulurent figurer les jeux innocens qui amusaient le dieu dans sa plus tendre enfance. Il fallait, en dansant les mains derriere le dos, mordre l'ecorce d'un olivier que la religion a consaere. Leurs chutes frequentes et leurs pas irreguliers excitaient parmi les spectateurs les transports eclatans d'une joie qui paraissait indecente, mais dont ils disaient que la majeste des dieux n'etait point blessee." Au theatre, la cordace libre, familiere, ignoble meme, etait quelquefois deshonoree par une licence si grossiere, qu'elle revoltait tait les spectateurs, et qu'Aristophane se vante de l'avoir bannie de plusieurs de ses pieces. Abandonnee a son veritable caractere, elle n'exprimait que la joie innocente, la douce hilarite qui preside aux travaux des champs. C'est ainsi qu'elle entrait dans les fetes de famille, dans les festins: on dit meme que c'est a l'aide de cette danse vive et enjouee que Bacchus soumit les Indes. La troisieme espece de danse portait le nom de sikinnis , ou satirique 1 . Cette saltation particuliere aux peuples de l'Attique, et dont aucune danse moderne ne peut donner l'idee exacte, etait vive, bruyante et extremement variee en mouvemens et en attitudes; elle etait en usage dans les pompes triomphales, et ceux qui l'executaient semblaient affecter par leurs imitations burlesques et leurs gestes etudies, de faire la critique des triomphateurs et des personnages qui decernaient les honneurs du triomphe. Les danseurs etaient vetus d'ume tunique et d'un petit manteau tissu de fleurs de toute espece. Ils s'etudiaient a imiter d'une maniere ridicule les danses serieuses des autres saltateurs. Il y avait encore une sorte de sikinnis qui ressemblait a une pastorale. Elle s'executait apres la tragedie. Les danseurs etaient vetus de peaux de boucs, ou deguises en satyres, en silenes, en menades; et leurs chansons libres, leurs bona mots, leurs danses grotesques, paraissaient destinees a dissiper l'impression de terreur qui devait resulter d'un spectacle aussi imposant que celui des tragedies grecques. La danse etant devenue un langage, les Grecs s'en servirent des lors pour peindre d'une maniere poetique et animee l'histoire des objets de leur culte. A l'aide des danses, on representait le cours des astres, la marche des saisons, les combats des dieux, leurs triomphes sur les Titans, orgueilleux enfans de la terre, ou plutot la lutte eternelle du bon et du mauvais principe. Pretant aux dieux leurs propres passions, les Grecs les representaient apres cet evenement memorable, occupes a des danses nobles qui devaient rappeler et conserver a jamais le souvenir de leur victoire; ils attribuaient a la protectrice d'Athenes, la redoutable Pallas, l'invention de la memphitique , danse belliqueuse qui s'executait avec le glaive, le javelot et le bouclier. Cette danse peut etre regardee comme le type des danses guerrieres, qui presque toutes representaient les evolutions militaires en usage a l'epoque ou ces danses furent inventees; elles etaient destinees a conserver des souvenirs chers a la patrie et glorieux a ses heros. Dans la crainte d'alterer la verite historique, on en conservait precieusement la tradition sans se permettre d'y rien ajouter. Telles etaient la dionysiaque, la kallinique, la danse de Cnosse, les danses orphiques, celles des Dioscures, etc. La dionysiaque etait consacree a Bacchus. La kallinique , danse accompagnee de chants, dans lesquels on celebrait la victoire d'Hercule sur le gardien des enfers. La danse inventee par Dedale etait particuliere aux Cnossiens; celles que Castor et Pollux rapporterent de leurs expeditions lointaines figuraient les perils de la divine Argo, le courage de ces hardis navigateurs, et leurs courses aventureuses sur des mers inconnues. Le vainqueur du minotaure, pour perpetuer le souvenir de sa victoire, inventa une espece de danse appelee la grue , dans laquelle les saltateurs representaient les divers detours du labyrinthe de Crete. Le heros l'executa lui-meme avec la jeunesse de Delos. "On y voit chargee de couronnes la statue "celebre que Thesee et les enfans d'Athenes "consacrerent jadis a Venus, echappes "a la rage du monstre enfante par la fille "de Minos; degages du tortueux labyrinthe, "ils danserent au son des cythares harmonieuses "autour de ses autels, et Thesee "lui-meme ordonnait ces danses." ( Callimaque .) La pyrrhigue , dont l'origine douteuse est attribuee tantot aux dieux, tantot aux heros, etait une danse serieuse et sacree. Les uns font honneur del l'invention a un certain Pyrrichus de Crete; d'autres l'accordent a Pyrrhus, fils d'Achille, qui le premier dansa tout arme pour honorer les funerailles de son pere D'autres, enfin, regardent le vainqueur d'Hector comme l'inventeur de cette danse, qu'il executa lui-meme author du bucher de Patrocle. Il est interessant de remarquer que la pyrrhique, qui semblait etre le partage exclusif des hommes et des peuples les plus belliqueux, a ete la danse dans laquelle les femmes ont acquis le plus de reputation. Plus d'un historien vante l'habilete des Argiennes a danser la pyrrhique. Lycurgue avait ordonne par une loi que toutes les jeunes Spartiates y fussent exercees des leur septieme annee. C'etait la danse des peuples de la Thrace et de ceux de la Thessalie, ce berceau des grands hommes. Xenophon donne la description de cette danse guerriere. "Les Paphlagoniens, dit-il, s'etonnaient de voir toutes nos danses s'executer sous les armes; ils en admiraient la difficulte. Aussitot on fit entrer une jeune danseuse arcadienne, qui, paree avec soin et armee d'une lance et d'un bouclier, dansa la pyrrhique avec beaucoup 'd'agilite et de grace. On la couvre d'applaudissemens, et les Paphlagoniens ravis demandent si nos femmes vont a la guerre. Oui, repond fierement l'Arcadienne; ce sont elles qui ont chasse le roi de Perse de son camp." La pyrrhique etait la danse cherie des amazones; Callimaque l'atteste quand il dit dans son hymme a Diane: " C'est a toi que jadis aux rivages d'Ephese les amazones erigerent une statue sur le tronc d'un hetre; la, tandis que leur reine t'offrait un sacrifice, ces femmes amies de la guerre danserent d'abord avec leur bouclier la danse des armes, puis se reunirent en choeur autour de ton autel; leurs mouvemens agiles falsaient resonner leur carquois et retentir la terre sous leurs pieds. La flute n'etait pas encore inventee, mais le son des chalumeaux leur marquait la cadence, et l'echo le repetait dans Sardes et dans Berecynthe." Les amazones avaient encore une autre danse appelee la danse du peigne , dans laquelle les bras des danseuses s'enlacaient comme on entrelace les doigts en joignant les mains. De meme que les autres danses sacrees, la pyrrhique conserva pendant des siecles sa purete primitive; mais le temps, qui altere tout, vint enfin modifier son caractere severe; et les moeurs, adoucies par Ies progres de la civilisation, l'embellirent de'graces moins austeres. Consacree par la suite au culte dionysiaque, elle servit a peindre les douces victoires de Bacchus; et ses saltateurs echangeerent les lances meurtrieres contre de legers roseaux, des thyrses ornes de pampres, ou des torches enflammees. Les Thessaliens avaient encore une sorte de pyrrhique qui, par une ingenieuse allegorie, rappelait au peuple le double devoir que la patrie impose a ses enfans, celui de cultiver la terre natale et de'savoir la defendre. 3 "L'un d'eux, dit Xenophon, imitant le laboureur, depose ses armes et feint de labourer et d'ensemencer Ies sillons; il tourne souvent la tete, comme un homme qui en temps de guerre craint quelque surprise. Un guerrier accourt; le laboureur reprend ses armes et combat en cadence au son de la flute devant sa charrue. Souvent le guerrier victorieux finit par emmener la charrue et son conducteur; souvent aussi le laboureur a l'avantage: alors il attache le vaincu avec ses boeufs, et le chasse devant lui les mains liees derriere le dos." Les nombreuses fetes religieuses et patriotiques celebrees dans toute la Grece etaient pour ses heureux habitans autant d'occasions de se livre a leur gout pour la danse. On ne s'etonnera plus du nombre et de la diversite de ces fetes, quand on songera que non-seulement chaque province, mais encove chaque bourg, avait les siennes propres, qui toutes etaient accompagnees de chants, de danses, et de jeux particuliers. On trouvait a Lacedemone la danse des enfans nus, espece de pyrrhique; la castoreenne , que les guerriers executaient avant de marcher au combat; les danses des fetes d'Hyacinthe, dans lesquelles les coryphees portaient des contonnes de palmes, en memoire des victoires remportees en Messenie; ou, selon qu elques auteurs, pour honorer les manes des heros morts aux Thermopyles; la marche , danse des jeunes hommes et des jeunes filles auxquels on proposait des prix de saltation; la caryatis , que les vierges de Laconie se vantaient d'avoir apprise de Pollux lui-meme; c'etait la danse de l'innocence. Les filles de Lacedemone, parees de leur seule beaute, sans autre voile que la pudeur, l'executaient autour de l'autel de Diane avec les jeunes Spartiates, qui n'avaient eux-memes d'autre parure que les belles proportions dont ils etaient redevables a la nature. Helene faisait le principal ornement de ces danses, et ce fut dans une fete semblable que le fils de Priam s'enflamma d'amour pour elle, comme quelques annees auparavant, Thesee avait ressenti la dangereuse influence de sa naissante beaute. La danse appelee laconienne etait composee de trois choeurs. Elle representait d'une maniere ingeniense le passe, le present et l'avenir. Le premier, compose de vieillards, chantait: Nous avons ete jadis Jeunes, vaillans et hardis. Le second choeur, forme d'hommes faits, repondait: Nous le sommes maintenant, A l'epreuve a tout venant. La voix des tendres enfans, qui composaient le troisieme, ajoutait: Et un jour nous le serons, Qui bien vous surpasserons. Dans l' hormus , danse inventee par Lycurgue, les adolescens et les vierges se croisent: leurs divers entrelacemens figurent les anneaux d'une chaine qui s'etend ou se resserre. Un jeune homme conduit le choeur du pas belliqueux dont il doit marcher au combat. Une vierge le suit, imprimant aux siens la decence et la grace, de maniere quela force et la modestie semblent former les anneaux de cette chaine onduleuse et flexible. L'hormus etait en honneur a Athenes aussi bien qu'a Sparte. Les exercices du gymnase, auxquels les jeunes filles etaient admises, avaient donne naissance a la bibasis , autre danse lacedemonienne, dans laquelle la danseuse, par des sauts vifs et presses, devait battre avec le talon les formes qui distinguent Venus callipige. Souvent, faisant preuve de plus de souplesse encore, elle courbait mollement son corps en arriere, et par un mouvement rapide et toujours mesure, son pied leger atteignait jusqu'a ses epaules. La danse alors prenait le nom d' eclatisma . Parroi les precieuses peintures que l'on a trouvees dans les ruines d'Herenlanum, on distingue une figure toute aerienne, dont l'elegance et les graces voluptueuses rappellent la maniere des artistes grecs, et donnent l'idee de ces danses a la fois seduisantes et singulieres. Il y avait des danses grecques qui prenaient leur nom des divinites auxquelles elles etaient consacrees, du lieu ou elles avaient ete inventees, des objets que portaient les danseurs en les executant, quelquefois de leur parure, et meme, dit M. de Launay, du nombre de bourgades qua s'assemblaient pour danser. Au premier rang etaient les danses de Jupiter, d'Apollon, de Venus, de Mercure, de Bacchus, de Ceres; la danse de Cybele, qui s'executait an bruit des tambours et des cymbales; celles des nymphes, des satyres: cette derniere etait appelee les tourbilions de poussiere , parce qu'elle etait fort tumultueuse. Il n'en etait pas ainsi de la danse des Graces; de jeunes filles sans voiles, parees de leur seule pudeur, se tenant par la main, faisaient des pas et des gestes gracieux. Cette danse etait particuliere aux Beotiens qui, les premiers, avaient voue un culte a ces aimables divinites. Les fetes instituees en leur honneur portaient le nom de charisies . Une singularite de ces fetes, c'est qu'on dansait pendant toute la nuit, et que celui qui resistait le plus long-temps a la fatigue et au sommeil recevait une guirlande de fleurs et un gateau de miel, qu'on nommait charisio . Nous ajouterons ici le nom de quelques autres de ces danses, caracterisees par les attributs des danseurs. La danse des vases sacres ; celle du hibou , consacree a Minerve; celle du lion , a la fois terrible et ridicule; la danse des flutes , des batons , des javelots , de la coupe de verre , des corbeilles, etaient a peu pres du meme genre; ainsi que la pourpree , danse en l'honneur de Diane, et dans laquelle les danseuses etaient vetues de robes de pourpre; la danse noble et grave, nommee diademe 1 par les Arcadiens, parce que ceux qui l'executaient avaient le front ceint de cet ornement. La danse angelique etait ainsi nommee, du nom d' angelos , messager, dont les danseurs portaient le costume Nos lecteurs sont peut-etre deja fatigues de cette longue nomenclature. Nous ne devons cependant pas omettre les bruyantes anagogies , ou danses consacrees a la joie; la danse des femmes , d'ou les vierges etaient exclues. Celle des fetes d'Hyacinthe : les esclaves y prenaient part, et dans ces jours de rejouissance, les affranchis suspendaient leurs chaines a des arbres sacres. Nous nommerons encore Ies danses du voleur , du combat , de la fuite ; celles du retour , de la chevelure , de la porte d'or , qui toutes etaient probablement des danses dramatiques, des especes de ballets, comme celui de l' incendie du monde , des heures , des elemens , et des saisons . Pourrions-nous oublier les danses populaires qui s'executaient spontanement, soit au miliea des places publiques, soit a la fin des travaux champetres? on cite la bucolique , espece de sikinnis ; la danse des fleurs , ou l'on repetait ce refrain: Ou sont les violettes, ou sont les roses ? la danse des moissons , des des vendanges ; la danse du pressoir , dont Longus nous a donne la description dans sa pastorale de Daphnis et Chloe . Voici comme il s'exprime: " Dryas se leve; il commande qu'on lui joue un air bachique; il execute la danse da pressoir , imitant successivement les vendangeurs, ceux qui portent la hotte, ceux qui foulent le raisin, ceux qui emplissent les tonneaux, et ceux qui boivent le vin doux. Les mouvemens du danseur expriment toutes ces choses avec tant d'art, que l'on croit effectivement voit des vignes, un pressoir, des tonneaux; on croit meme que Dryas bolt veritablement." Les Grecs avaient aussi des danses domestiques, par lesquelles on celebrait les evenemens heureux arrives dans la famille: la naissance d'un enfant, le retour du pere dans ses foyers, la venue d'un hote illustre, les fetes de l'hymenee: celles-ci recevaient dela danse une partie de leur eclat. Une troupe legere de jeunes filles et d'adolescens, le front pare de fleurs, paraissaient au milleu du festin, et commencaient sur un mode doux et tendre une danse graciense et mesuree. Peu a peu le mouvement devenait plus rapide; des pas presses, des figures animees, peignaient aux yeux des convives les transports et l'ivresse de la plus douce des passions. Ces danses de l'hymen sont du hombre de celles qu'Homere a chantees. Dans les festins les danses etaient executees par les convives, et souvent par de jeunes auletrides , dont la triple profession etait de servir la danse, la musique et l'amour. "Callicles, Nicostrates et d'autres jeunes gens entrerent. Ils nons amenaient des danseuses et des joueuses de flute, avec lesquelles ils avaient soupe. Aussitot la plupart des convives sortirent de table et se mirent a danser; car les Atheniens aiment cet exercice avec rant de passion, qu'ils regardent comme une impolitesse de ne pas s'y livrer lorsque l'occasion s'en presente." ( Anacharsis .) Nous ne parlerons point de ces danses perilleuses connues sous le nom de cybistiques , ou les saltateurs, appuyes sur les poignets et la tete en bas, imitaient avec leurs pieds tous les gestes qu'on faisait avec les mains. La danse des douze cerceaux d'airain , celle des epees nues, la roue , et tous ces exercices abandonnes aujourd'hui a nos saltimbanques, etaient de ce genre; ils appartenaient specialement aux danseurs de profession appeles cybisteres ; et quelque estime qu'eussent les Grecs pour la danse, ils se seraient crus deshonores si, dans l'ivresse d'une orgie, ils eussent voulu rivaliser avec cette espece de danseurs. On doit distinguer dans les danses grecques celles qui suivaient le rhythme impose par la musique instrumentale, et celles que reglaient sculement la voix d'une ou de plusieurs chanteuses. Ces dernieres ont beaucoup de rapport avec les ballets-pantomimes; on dit que l'amour malheureux leur donna naissance. Une jeune fille du bourg d'Anthela, la belle Eryphanis, aimait un chasseur nomme Menalque; elle n'avait pu toucher son coeur: entrainee par sa passion, elle le suivait dans les bois et sur les montagnes, en chantant a demi-voix des vers qu'elle avait composes, et dans lesquels elle se plaignait de l'indifference du beau chasseur. La malheureuse amante mourut enfin de douleur et d'amour, Ses jeunes compagnes avaient retenu ses chansons si souvent repetees; elles se plurent a les redire; et, tandis qu'elles les chantaient, l'une d'elles, par une espece de danse accompagnee de gestes, representait les courses d'Eryphanis suivant l'insensible Menalque; la douleur de la jeune fille et sa mort prematuree. Ce genre se perfectionna. Il parut si agreable aux Grecs qu'ils l'introduisirent jusque dans leurs danses sacrees. Une poesie sublime rehaussa encore la gloire de la dause; on composa des poemes touchans, qui, chantes par des voix harmonieuses, determinaient les pas, les attitudes et l'expression des danseurs. Nous emprunterons encore a l'eloquent auteur des Voyages d'Anacharsis une description pleine de grace de ces ballets aux chansons: "Les filles de Delos, dit-il, couronnees de fleurs, vetues de robes eclatantes, etaient reunies dans le temple, et parees de tous les attraits de la jeunesse et de la beaute. Ismene a leur tete executa le ballet des malheurs de Latone; ses compagnes accordaient a ses pas les sons de leur voix et de leur lyre: mais on etait insensible a leurs accords, elles-memes les suspendaient pour admirer Ismene. Quelquefois elle semblait se derober a la colere de Junon: alors elle ne faisait qu'effleurer la terre; d'autres fois elle restait immobile, et son repos peignait encore mieux le trouble de son ame." Rien n'etait epargne pour decorer les aimables acteurs de ces scenes ravissantes. Pollux nous apprend que les danseuses grecques ne faisaient usage que de vetemens souples et diaphanes, tissus avec une espece de darer de laine qu'il appelle lana pena , et que l'on pourrait computer a nos cachemires. Ces vetemens portaient des noms analogues a leur couleur; ils etaient affectes a certaines danses. Les principaux etaient, la krocota , ou tunique de couleur safranee, que Bacchus avait portee le premier, et que plus d'une femme enviait aux courtisanes; la krisopasos , ou robe enrichie d'or, et la phenicia , tunique teinte en pourpre tyrienne. Mais c'est dans les fetes consacrees au dieu der la lyre que les peuples de la Grece se plaisaient a deployer tout ce que le gout et la magnificence peuvent reunir de charmes et d'eclat. Chaque annee de brillantes theories, deputees de toutes les parties de la Grece, se rendaient a Delphes, a Delos, et dans tousles lieux ou s'elevaient les temples d'Apollon. Ces deputations, disent les historiens, arrivent au son des instrumens; le lin, la pourpre et l'or, contribuent a leur parure; les vaisseaux qui les amenent sont couverts de fleurs, et ceux qui les conduisent en couronnent leurs fronts. Partout on entend des chants harmonieux, partout on voit des danses gracieuses; la joie eclate de toutes parts; elle est d'autant plus expressive, que dans ces solennites chacun se fait un religieux devoir d'oublier les soins et les chagrins qui pourraient l'alterer. A Delos, pendant qu'un choeur d'adolescens chante des hymnes en l'honneur de Diane, de jeunes filles executent des danses rives et legeres. Elles tiennent des guirlandes de fleurs et les attachent d'une main tremblante a l'antique statue de Venus que Thesee consacra dans le temple. D'autres forment diverses evolutions, dans lesquelles elles representent courses et les mouvemens de l'ile sainte pendant qu'elle roulait au gre des vents sur les flots de la mer. Asterie etait le nom de l'errante Delos, avant que Phebus y vit le jour et la rendit stable: "Asterie! s'ecrie le poete Callimaque, ile parfumee d'encens, les Cyclades semblent former autour de toi une elegante ceinture! Jamais Hesperus aux longs cheveux n'a vu la solitude et le silence regner sur tes bords; mais toujours il y entend resonner des concerts; les jeunes hommes y chantent l'hymne fameux que le vieillard de Lycie,le divin Olen , rapporta des rives du Xante, et les jeunes filles y font retentir la terre de leurs pas cadences." Sur les rives fleuries du Ladon les vierges d'Arcadie dansent autour du laurier sacre elles y suspendent des bandelettes et des couronnes, tandis que l'une d'elles s'accompagnant de la lyre, chante sur un mode doux et melancolique les amours malheureuses de Daphne et de Leucippe, les vaines poursuites d'Apollon, sa colere, son desespoir; enfin, le sort funeste de la nymphe qui couta des pleurs au dieu lui-meme. Pres de Thebes en Beotie, on celebrait avec pompe les solennites d'Apollon Ismenien. La, sous d'ingenieux emblemes, le fils de Latone etait revere comme roi des astres et dieu du jour: le ministre de son temple devait etre jeune, noble et beau; il paraissait dans les pompes sacrees, vetu d'une robe magnifique, les cheveux flottans sur les epaules, une couronne d'or sur le front: il etait suivi d'un choeur de jeunes filles, qui portaient talent ainsi que lui des lauriers a la main, et qui dansaient en chantant des hymnes. Les jeux solennels qui, a des epoques fixes ouvraient une carriere glorieuse aux talens comme au courage, s'embellissaient encore du spectacle des danses civiles et religieuses. Partout enfin ou la piete, la politique que, ou le plaisir rassemblaient les hommes, on vit la danse devenir l'ame et l'ornement de ces reunions; et ce bel art, soumis au genie inventif d'un peuple spirituel et sensible, acquit de jour en jour un nouveau degre de perfection. Les Grecs avaient approfondi les mysteres de la danse, ils en avaient etabli les principes rians ou severes; dans la suite, ces principes servirent de base aux autres nations; et les lyriques de Rome, pour instituer leurs danses, n'eurent qu'a composer des chants en rapport avec les creations gracieuses dont le bronze, le marbre et la toile conservaient le souvenir, quand depuis long-temps le genie qui les avait inspirees n'existait plus. DANSES ROMAINES. Tandis que la Grece, brillant de l'eclat que repandait sur elle la renommee de ses grands hommes, celebrait a Thespies, sur les rives de l'Alphee, dans l'Elide, au pied de l'Helicon, les fetes enchanteresses de l'Amour, de la Gloire et des Muses, decernait des prix eclatans a la beaute, au courage, aux talens, au genie; tandis que dans toutes ces solennites, l'elegance des mouvemens, la grace du maintien, la danse enfin, recevait de nouveaux hommages, Rome pauvre et sauvage ne comptait encore pour toute illustration que les vertus de ses enfans et les pressentimens de sa grandeur future. La danse, produit charmant d'une longue civilisation, enrichie du tribut des beaux-arts, la danse etait presque inconnue en Italie. La lyre harmonieuse de Therpandre et de Timothee, les chants gracieux d'Aletas et d'Aleman, les hymnes terribles et passionnes de Tyrtee, avaient depuis long-temps porte la danse au plus haut point de perfection dans la Grece, que les fils de Romulus ne connaissaient encore que les danses belliqueuses instituees par le fondateur de la ville eternelle, et par le pieux Numa, son successeur. Romulus avait invente la belli crepa ; les guerriers la dansaient tout armes; ses mouvemens brusques, et meme un peu sauvages, peignaient la joie grossiere des ravisseurs des Sabines, et le caractere primitif de cette nation destinee a asservir le monde. Le chef de cet empire naissant avait jete les fondemens de la religion et des lois; Numa vint achever son ouvrage par des fetes, des sacrifices et des danses qu'il regla lui-meme. Il chercha a donner des moeurs plus douces au peuple sur lequel il avait ete appele a regner, et voulut, par le frequent spectacle des ceremonies publiques et religieuses, civiliser cette jeune cite, que Platon appelait bouillante et furieuse . Numa etait Sabin, et cette nation etant une colonie lacedemonienne, les moeurs introduites par ce legislateur se ressentirent de cette origine. Pythagore avait ete son maitre, et la gravite des institutions fur la consequence des principes puises a cette double source. Des danses graves et mesurees, instituees par l'ordre d'une deesse ou par les inspirations des Muses, donnaient aux fetes romaines un appareil imposant. La plus remarquable de ces danses fut celle des pretres saliens, a laquelle une revelation mysterieuse de la nymphe egerie avait donne lieu. Un bouclier d'une forme extraordinaire tomba entre les mains de Numa; il publia que cette arme venait du ciel, et que la prosperite de Rome etait attachee a sa conservation. Pour le mettre a l'abri d'un enlevement sacrilege, il en fit faire onze autres exactement semblables, et les deposant dans le temple de Mars, il institua douze pretres appeles saliens , pour veiller a leur surete et honorer ce depot sacre par des sacrifices, des choeurs et des danses. Ces pretres portaient de longues robes de pourpre, un baudrier d'airain s'attachait a leurs epaules; a l'exemple du dieu qu'ils servaient, leur front etait couvert d'un casque ombrage d'aigrettes; la main droite, armee de courtes epees, frappait en cadence sur leur bouclier. "Ils vont ainsi dans tous les quartiers de la ville, dit Plutarque, et dansent d'une maniere fort agreable, faisant plusieurs tours et retours d'un mouvement rapide avec beaucoup de force et d'agilite." Cette danse qui parait derivee de la pyrrhique etait d'origine grecque; car quelques auteurs attribuent le nom de saliens a ceux qui l'executaient, non pour exprimer la saltation de ces danseurs sacres, mais en memoire d'un certain Salius de Mantinee, qui leur apprit a danser ainsi tout armes. Les chants qui accompagnaient cette danse avaient pour sujet les dieux et les heros. Le premier de ces poemes fut compose par Numa. Toutes les danses qui dans la suite furent instituees a Rome et dans l'Italie participerent plus ou moins de celle de Numa; et chacune des divinites que Rome adopta eut comme Mars un temple, des pretres et des danses. Mais peut-on honorer du nom de danse des processions monotones, et peut-on croire que Terpsichore ait preside a leur composition? Uniquement affectee au service des autels, la danse etait loin d'etre chez le peuple romain, comme chez les autres nations, un exercice favorable au developpement des forces physiques; elle n'etait pour lui qu'un spectacle, moral sans doute, mais auquel l'esprit seul prenait part. La danse proprement dite n'etait point dans le genie primitif des Romains, et des siecles s'ecoulerent avant qu'ils en connussent les charmes. A l'epoque ou Platon en meditait les lois, ou Socrate et les plus sages des hommes admiraient les graces de la danse d'Aspasie, ou tout un peuple s'enivrait des nobles jeux du theatre, Rome, heroique et barbare, conservait religieusement le souvenir du premier des Brutus, applaudissait au desespoir de Virginius, et devouait la tete du decemvir aux dieux infernaux. Livree tout entiere a ces grands evenemens, la cite reine ne connaissait pas encore ces distractions fastueuses mais necessaires aux peuples depuis long-temps civilises. Une circonstance funeste engagea cependant les legislateurs a emprunter leur secours. L'an 390 de Rome, la peste se declara dans cette ville et moissonna une partie de ses habitans. Aucune puissance humaine ne pouvant arreter ce fleau, on imagina pour apaiser les dieux et distraire le peuple, de lui donner le spectacle de jeux sceniques. On appela des etrangers; et les Ludions , sortis de l'Etrurie, accordant leurs gestes au son des flutes, representerent divers sujets a la maniere de leur pays. Mais l'introduction de la danse chez les Romains n'eut pas le meme resultat que chez les Grecs. La danse romaine, sacree dans son origine, etait noble et severe comme les objets qu'elle etait destinee a representer. Les Etrusques, en faisant connaitre a Rome les danses passionnees de la molle Ionie, porterent un coup funeste a l'antique austerite des moeurs des fils de Mars. Ce n'etait que par degres que les Grecs avaient passe des danses allegoriques aux danses voluptueuses: chez eux les fetes de Bacchus et de Ceres, symboles des plus saints mysteres, liees au culte du soleil et de la reproduction, etaient devenues successivement celle de l'amour, du plaisir et de la licence, dont elles offraient le tableau le plus energique le plus seduisant. Les Romains, moins delicats et peut-etre plus ardens pour le plaisir, commencerent par ou les Grecs avaient fini. La danse ne conserva son veritable caractere que chez les peuples ou les femmes furent admises au partage des amusemens de la vie sociale; ce qui en fait le charme, c'est l'assemblage des deux sexes s'unissant pour partager les plaisirs qui succedent aux travaux des champs, les joies de la victoire, ou pour celebrer les douceurs de la paix des foyers. A Rome, a appela sur la scene de jeunes hommes pour remplacer les femmes. Mais les voiles et les bandelettes virginales ne donnent point la pudeur; le masque meme ne peut l'imiter. Prives de cette sainte gardienne des moeurs, les acteurs, depasserent la mesure que les femmes seules savent conserver. Le gout des spectateurs se blasa, et les uns et les autres s'adonnerent aux plus deplorables exces. De la l'origine du mepris attache a la profession de danseur 1 . La mediocrite de la musique, et en general celle des beaux-arts a Rome, fut d'abord un obstacle aux progres de la danse. Les Romains ne croyaient point aux effets miraculeux de la musique, ils la cultivaient peu, et leur danse devait se ressentir de ce denuement d'harmonie. Ce ne fut que lorsque la Grece eut perdu sa liberte, que les arts, qui veulent une patrie libre, se refugiant a Rome, apporterent avec eux des idees nouvelles. Des lors on vit plus de douceur dans les moeurs, plus d'elegance dans les usages. Les Romains adopterent peu a peu les coutomes et les opinions du peuple dont la renommee devait balancer la leur 1 , et lui survivre dans la posterite. La gymnastique fut mise au nombre des exercises journaliers de la jeunesse; et le mot de saltation fut specialement affecte a l'art de la danse, qui pour eux n'etait que l'art du geste, en prenant ce mot dans l'acception la plus generale. Mais en quittant le sol natal, les danses grecques semblaient avoir perdu leur divin caractere. La danse, que les fils de Tyndare avaientjadis enseignee aux vierges de Laconie, depouillee de son expression pudique, se celebrait alors au milieu des festins; elle s'etait tellement eloignee de sa decence primitive, qu'elle excita la colere d'un poete doux et facile 1 . La danse de Lycurgue, le noble et gracieux Hormus , oubliant son origine, etait devenu belliqueux et sauvage, ainsi que le prouve ce passage d'Apulee: "Minerve s'approche. A ses cotes marchent la Terreur et la Crainte, armees de glaives nus, compagnes ordinaires de la deesse des combats. Derriere elle, un joueur de flute fait entendre l'hormus belliqueux; et melant aux tous sourds de son instrument des sons aigus semblables a ceux de la trompette, il donne au chant qu'il module un caractere plus male et plus anime." A Rome, on connaissait aussi la grue ; mais bien loin d'etre, comme au temps des heros d'Hesiode et d'Homere, une danse noble et sacree, elle etait releguee a la campagne et abandonnee aux villageois "que l'on voit, dit Lucien, sauter et gambader au son d'une aigre flute." Les Romains eurent peu de danses particulieres; on ne cite que la Pyladeios , appellee ainsi du nom de Pylade, le plus celebre pantomime de son temps 1 ; et l' Italique dont Bathyle partagea l'invention avec lui. L'Italique se composait de la Cordax , de l' Emmeleia et de la Sikinnis : non que cette saltation fut simplement un melange de ces trois danses; mais plus tendre, plus variee, plus energique, elle en reunissait les divers caracteres, et se pretair egalement a toutes les passions et a toutes les affections de l'ame. La danse romaine la plus remarquable, fur celle qu'on institua en l'honneur de Flore. Cette danse, simple et naive dans son origine, peignait la joie que causait a la jeunesses le retour du printemps; mais le peuple roi ne pouvait long-temps conserver dans ses plaisirs la moderation qui en assure la duree. Bientot la fete de Flore degenera en une licence effrenee; des femmes paraissaient nues sur le theatre, et l'obscenite de leurs danses rendait ce spectacle revoltant. Valere Maxime nous a conserve a ce sujet une anecdote precieuse pour la morale, et qui prouve quele torrent de ta corruption peut s'arreter quand il se rencontre des hommes assez courageux pour lui opposer des bornes. Caton assistait aux jeux floraux que l'edile Metius faisait celebrer; le peuple attendait avec impatience l'instant ou les danseuses paraitraient; mais une vertu austere exerce toujours un pouvoir irresistible sur les coeurs les plus corrompus: les courtisanes n'oserent point se montrer devant Caton, taut ce grand homme leur inspirait de respect. Son ami, Favonius, l'ayant averti de l'embarras que causait sa presence, il se leva pour ne pas priver le peuple de ses plaisirs, et ne point souiller ses regards d'un spectacle aussi immoral; la multitude le suivit avec de grandes acclamations; et des ce moment les jeux furent retablis dans leur primitive purete. Malheureusement cette reforme dura trop peu; car avec l'illustre censeur la pudeur romaine expira sans retour. Outre les danses theatrales et licencieuses, les Romains avaient, comme les Grecs, des danses consacrees aux festins, dont les images, retracees par d'habiles pinceaux et par la sculpture, decoraient les lieux ou les Atticus, les Lucullus, se livraient aux plaisirs de la table. Les ruines d'Herculanum et de Pompeia out conserve des restes precieux de ces elegantes decorations. Dans les festins, excepte aux banquets des savans et des sages, on introduisait des femmes qui par leurs danses egayaient les convives: elles suivaient immediatement le choeur des musiciens, les unes en habits de Nereides, les autres deguisees en nymphes, d'autres enfin parees de leurs propres attraits. Un poete nons peint ainsi l'une de ces femmes voluptueuses: "Sa beaute ingenue lui faisait donner le nom de Candide; les tresses de ses cheveax etaient divisees avec art; les cymbales retentissaient entre ses mains agiles et leur eclat se reflechissait sur tout son corps; je la vis danser et fus epris d'amour." C'etait aussi de jeunes filles qui servaient a table. Martial et Seneque font mention d'une sorte de danse executee par elles. Le son des flutes reglait tous leurs mouvemens; les unes portaient des disques charges de mets ou des corbeilles de fruits; les autres versaient le vin et l'onde limpide dans les coupes des buveurs. La sixieme danseuse d'Herculanum, couronnee de roseaux et portant un vase d'or, representait peut-etre une de ces dernieres: et ces deux vers d'Horace y font sans doute allusion. "Bacchus cherit aussi le cristal des Naiades: "Temperons dans leurs flots la liqueur des Menades." Ces scenes gracieuses sont frequemment repetees dans les souvenirs que nous a laisses la peinture antique. On a decouvert dans les fouilles faites a Pompeia, sur les murs d'un atrium, lieu destine aux festins, quatre figures dansantes qui rappellent les mysteres de Bacchus et de Ceres. L'une d'elles par l'agencement de ses amples draperies, la pose gracieuse, mais etudiee, de ses bras, l'espece de complaisance avec laquelle elle observe l'effet de sa danse, designe une danseuse de profession. La seconde, dans le role de Menade qu'elle semble avoir adopte, commence a ressentir l'influence du dieu qu'elle sert; elle porte la couronne de lierre, ses blonds cheveux sont abandonnes aux vents, et le mouvement de sa tete renversee sur ses epaules exprime la fureur sacree qui saisit les bacchantes au cri d' evoe . La troisieme danseuse, toute dionysiaque, porte dans ses mains l' acerra on coffret d'or contenant les parfums destines aux sacrifices. Elle est presque entierement voilee d'une draperie transparente, dont la couleur est vert d'eau de mer, a travers laquelle on apercoit ses formes souples et gracieuses. La quatrieme, portant un thyrse d'une main, et soutenant de l'autre, sur sa tete, une corbeille doree, remplie de feuillage et a demi couverte d'une draperie, indique par ces attributs les mysteres des dieux nourriciers. On suppose que ces quatre figures executent la danse des canephores, pretresses portant les offrandes ou les instrumens des sacrifices. Ces peintures, et celles connues sous le nom des sept danseuses d'Herculanum, offrent la plus fidele image des moeurs et des usages du temps. Nous nous abstiendrions de parler de ces dernieres deja trop connues pour avoir besoin d'etre decrites, si leur reunion dans un lien qu'on presume avoir servi de salle a manger, ne suggerait l'idee que ces ravissantes figures representaient d'une maniere ingenieuse les differens caracteres qui accompagnaient les festins et meme les divinites qui y presidaient. Le premier tableau presente un couple de danseuses drapees; c'etait ainsi qu'elles commencaient leurs exercices. Elles se depouillaient peu a peu de leurs vetemens ainsi que de leur pudeur. Ces figures semblent caracteriser la danse elle-meme, ou l'heureux accord des mouvemens. Le second tableau offre Venus, la mere des amours, l'aimable reine des Graces. Les cygnes du bas-relief, les bracelets et l'attitude divine, ne laissent aucun doute a cet egard: cette deesse ainsi que les nymphes et les Heures etaient toujours representees sans chaussure, et, quand la peinture voulait retracer leurs images, la blancheur remarquable de leurs pieds etait une indication tion consacree. La troisieme figure porte un disque d'argent, symbole de ses fonctions; et le bas-relief, qui offre des paons qui mangent des raisins, denote encore qu'elle etait employee au service de la table. La quatrieme a demi nue, les cheveux epars, eleve de la main gauche un tambour garni de grelots, qu'elle est prete a frapper de l'autre main pour marquer la cadence. L'expression de son visage et la vivacite de son mouvement offrent l'embleme de la joie qui doit animer les repas. La cinquieme, par sa couronne de lierre et ses cymbales, annonce la celebration d'une fete bachique. Le lierre etait cher a Bacchus, et la nymphe qui eleva son enfance le cacha sous les touffes de cet arbrisseau, pour le soustraire aux regards de la jalouse Junon. La sixieme, dont nous avons parle plus haut, portant une urne d'or et des figues, decele par ces attributs des fonctions bachiques. La septieme, jeune pretresse de Ceres, distribuait sans doute ses doux presens aux convives. Son front couronne de tiges de ble, son disque et sa corbeille, rappellent le souvenir de ces jeunes esclaves decrites avec tant de grace par les poetes, et qui servaient les heros dans leurs banquets. Enfin la derniere, noble et superbe figure, represente la paix; la blancheur de son vetement, le sceptre d'or qu'elle porte, la caracterisent, et peut-etre les fruits qu'elle offre, sont-ils les grenades mysterieuses, symboles de l'union et de la concorde qui doivent presider aux festins. On voyait, sur les murs d'un autre atrium, sept funambules en action, plusieurs scenes relatives aux plaisirs de la table, et, au milieu de toutes ces peintures, la figure de l'Amour entoure d'emblemes. Les monumens de l'art et les recits des historiens prouvent que si la danse eut de nombreux detracteurs, elle trouva aussi d'ardens apologistes. Lucien fut de ce nombre. Il a ecrit un petit traite sur la danse, qui, tout en nous faisant connaitre les motifs des antagonistes de cet art, peut nous donner la mesure de l'importance qu'on attachait a la saltation, et plus encore a la pantomime. On ne peut s'empecher de sourire en lisant la longue enumeration qu'il fait de tout ce que doit savoir le danseur. "La musique, la geometrie, la philosophie, la rhetorique qui traite des moeurs et des passions; toutes ces connaissances doivent etre son etude habituelle. Il doit aussi emprunter l'art du peintre et da statuaire, et se rendre faciles et naturelles l'elegance, la precision, l'expression des attitudes. Avant tout, il doit se rendre propices Mnemosyne et sa fille Polymnie; sa vaste intelligence doit, comme celle du Calchas d'Homere, embrasser le passe, le present et l'avenir." La pantomime etait aux yeux des Romains le plus grand effort du genie de l'homme; quoiqu'on puisse la considerer comme une extension de la danse, la pantomime est reellement un art particulier, qui, empruntant le secours de tous les autres, nous affecte a son gre, par une magie qui lui est propre. Nous n'essaierons point de donner l'esquisse de l'etat et des progres de la pantomime chez les Romains; ces jeux que l'on peut appeler dramatiques, n'entrent pas dans le cadre que nous nous sommes trace. Julius Pollux, Lucien, Pylade, Cassiodore, chez les anciens; le pere Menetrier, l'abbe Dubos, Cahusat, Delaunay, Noverre et tant d'autres chez les modernes, en ont raconte les prodiges; mais ils n'auraient pas pour nous le meme interet, aujourd'hui que notre saltation enrichie des souvenirs de l'antiquite, du gout et des lumieres de notre siecle, a pris le meme essor que es arts auxquels elle est liee. Nous avons dit que la danse, introduite a Rome pour distraire et consoler un peuple malade, fut pendant quelque temps faible et languissante; ranimee par le genie des Grecs, elle etendit rapidement son empire et devint pour les hautes classes le spectacle le plus recherche: nous disons le spectacle, car la plupart des Romains aimaient passionnement a voir danser, mais ne dansaient point eux-memes. Quelques ambitieux seuls, pour plaire aux princes amateurs de la danse, quelques debauches sans respect pour les moeurs publiques, s'y adonnerent avec une sorte de fureur. Un des chefs du parti de Marc Antoine, nomme Plancus, executa des scenes pantomimes dans un festin que donna l'amant de Cleopatre. Plaucus, le front ceint de roseaux, le corps nu, trainant avec art une longue queue de poisson, representa la fable de Glaucus. A. Claudius, qui avait merite les honneurs du triomphe, se faisait une gloire de son talent pour la pantomime. Licinius, Crassus, Gabinius ennemi de Ciceron, Marcus Coelius, pour lequel cet orateur plaida, y excellaient aussi; le reste des citoyens regardaient cette profession avec mepris. La danse fut long-temps pour les Romains comme une belle et ravissante courtisane que l'on adore, qu'on couvre de bijoux, mais que l'on n'estime point. L'anneau d'or et les cinq cent mille sesterces que Cesar donna au poete Laberius, pour effacer la tache dont il l'avait fletri, en le forcant a danser sur le theatre, prouve cette opinion, puisque la faveur du dictateur ne put lui rendre sa place au cirque parmi les chevaliers qui eussent rougi de voir dans leurs rangs un danseur. La danse, chez les Grecs, occupait la premiere place dans les institutions civiles, morales et religieuses. Les Romains avaient une maniere de penser bien differente; ils regardaient la danse "comme une espece de chasse honteuse et insensee, indigne de la gravite d'un homme, et de l'estime d'une femme honnete." Ciceron pretendait que personne ne dansait a jeun a moins qu'il ne fut attaque de folie. Horace met la danse au nombre des infamies qu'il reproche aux Romains 1 . C'etait parmi les esclaves qu'on prenait les danseurs de profession; l'exercice de l'art des Pylade et des Bathyle, comme de toutes les professions qui ne servent qu'a l'amusement des hommes, privait le chevalier de sa noblesse, et ne lui laissait pour dedommagement que les louanges effrenees de la multitude, un peu d'or et quelquefois une pierre sepulerale. Les argumens uqe le philosophe Craton oppose a Lucien, qui se plait a combattre son opinion dans le dialogue intitule la danse, donnent la juste mesure du mepris que les gens sages deversaient sur cet amusement qu'ils regardaient avec raison comme corrupteur des moeurs nationales 1 . Il en est peut-etre des plaisirs comme de ces liqueurs fortes necessaires a l'homme du Nord, et pernicieuses aux peuples d'un climat brulant. Il faut que les choses s'acclimatent ainsi que les hommes, et que les unes et les autres soient en rapport. Ainsi Rome, a l'aspect des danses d'Ionie, vit fuir les vertus austeres qui jusqu'alors lui avaient assure l'empire du monde. Ces danses molles et voluptueses, introduites sans transition; ces tableaux licencieux qui contrastaient avec le caractere de ces fiers republicains, en les depouillant brusquement de leur rudesse et de leur gravite naturelle, leur oterent en meme temps la vertu qui en etait compagne. Un homme habile dans l'art de gouverner, qui avait a faire oublier de sanglans souvenirs, trouva dans la danse un puissant auxiliaire pour asservir le peuple roi.-Auguste attira les danseurs a Rome, parut aimer cet art et le cultiva lui-meme. Il prit les danseurs sous sa protection immediate, et sa predilection pour eux fut poussee si loin, qu'elle le porta a entrer dans les querelles de Pylade et Bathyle. Les demeles de ces histrions occupaient les Romains autant que les affaires les plus importantes. Auguste reprimandant un jour Pylade sur ses rixes continuelles avec son rival, "Cesar, lui dit le saltateur, il est de ton interet que le peuple s'amuse de nos querelles, elles l'empechent de prendre garde a tes actions." Reponse hardie et qui prouve combien ces vaines disputes occupaient les citoyens. Ils furent meme pres de se revolter lorsqu'Auguste exila l'un des danseurs, pour mettre fin a leurs debats. Des troubles publics furent la suite de cette mesure, et, pour les apaiser, le maitre du monde fur contraint de rappeler le danseur cheri. De cet instant, apogee de la gloire de Terpsichore, les moeurs romaines, deja profondement alterees, acheverent de se corrompre 1 . Les theatres, livres a toute la fougue d'une imagination sans frein, devinrent des, ecoles de scandale. Les hommes sages en gemirent; plusieurs eleverent une voix courageuse, pour s'opposer a ces spectacles dangereux: faibles digues au torrent qui devait bientot entrainer la perte de l'empire! Les discours des Caton, des Ciceron, des Seneque, etc., avaient ete sans effet; quelques siecles plus tard ils furent repetes avec plus de vehemence peut-etre, mais aussi avec plus de succes, par les philosophes chretiens. SECONDE PARTIE. PASSAGE DE LA DANSE ANTIQUE A LA DANSE MODERNE. Nous avons vu la danse nee avec les societes, suivre les progres de la civilisation. Interprete tour a tour d'une joie innocente et d'un sentiment pieux, ses graces eloquentes lui meriterent le noble privilege de peindre aux yeux des peuples la majeste des dieux et les hauts faits des heros, et de conserver ainsi d'une maniere vivante les traditions sacrees ou glorieuses des nations. Nous avons suivi ses phases successives jusqu'a l'epoque de sa plus grande gloire; celle de sa decadence date de l'instant ou, renoncant a ses hautes prerogatives, elle s'abaissa a parler le langage da vice et a en retracer les tableaux indecens. Rome, en conquerant la Grace civilisee, s'etait approprie les arts et les moeurs des peuples vaincus. Mais elle n'eut pas le pouvoir voir d'imposer ce joug volontaire aux hordes sauvages qui a leur tour vinrent l'asservir. Le bel heritage que'lle avait recu de la Grece expirante tomba entre des mains inhabiles et grossieres, et la danse, que'lle avait elevee a un si haut degre de perfection, partagea le sort des beaux-arts. Les raffinemens du luxe ne peuvent s'enter sur la barbarie; les fetes licencieuses de l'empire romain, produit infame de moeurs corrompues, loin d'amollir les fiers dominateurs des Gaules et de l'Italie, revoltaient leur vertu sauvage. Vers l'an 546 de notre ere, lors de la ruine de Rome par Totilla , toutes les fetes, et meme celle de la victoire si chere aux Romains et si long-temps defendue par l'eloquence et les pleurs du senat, furent aneanties par un triple saccagement. Les dieux s'en vont , les temples sont detruits et avec eux le culte des muses. A Rome la danse tombe dans l'avilissement; mais dans la Gaule devenue romaine par un long esclavage, dans les villes qui devaient leur splendeur a la protection des empereurs, telles que Divodure, Bibracte, Lugdune, Tolosa, etc., qui avaient des cirques, des theatres et tout le luxe de la metropole, la danse et les plaisirs qui marchent a sa suite conserverent encore pendant quelque temps leur empire. Ces Gallo-Romains souriaient avec dedain a la vue des jeux importes par les nouveaux conquerans. Chaque peuplade avait les siens, et tous etaient empreints de ce caractere de force et d'adresse, vrai type de la danse antique et dont on avait alors perdu la tradition. Parmi ces nations qui, semblables a d'innombrables essaims, se repandaient sur la surface de l'Europe, s'etablissaient selon d'anciens souvenirs, dans les lieux habites jadis parleurs peres et forcaient nos contrees a les adopter sur la foi de leurs oracles, les Francs et les Goths furent celles qui fonderent les empires les plus florissans, et chez lesquels les arts eperdus trouverent une sorte d'asile. Ces peuples n'etaient point depourvus du genie de la civilisation; plus eclaires que les Sueves, les Alains et surtout les Vandales, ils laissaient aux nations soumises les jeux qui leur etaient chers, et se contentaient d'executer les leurs, qu'ils croyaient plus propres a entretenir le courage de l'homme et les forces du corps, Leurs ancetres avaient eu des danses guerrieres semblables aux pyrrhiques grecques; comme eux ils celebraient des fetes solennelles en l'honneur de leurs dieux et de leurs heros. On y voyait des mimes representant, en dansant au bruit de petites sonnettes d'airain, des scenes guerrieres. Olaus decrit ainsi les danses, les fetes nationales et les jeux belliqueux auxquels s'exercaient leur robuste jeunesse. "Dans ces jeux guerriers, les jeunes gens sautent par-dessus des epees nues et des glaives aiguises et dansent meme au son d'une musique chantee, au milieu de ces armes dispersees. Ils parviennent par l'habitude et l'age a un degre etonnant de force dans ce jeu perilleux: ils s'exercent d'abord sur des glaives dans leur fourreau, plantes en rond sur trois rangs; ensuite sur des epees nues, puis tenant ces glaives a main tendue, ils les rapprochent, les croisent en tournant doucement en cercle et en formant une figure qu'ils appellent rose , dont la circonference presente alternativement les pointes et les poignees des epees: les retirant et les elevant ensuite, ils rompent cette figure et forment une autre rose quadrangulaire sur la tete de chacun de leurs compagnons. Ils finissent en frappant leurs glaives les uns contre les autres avec beaucoup de force et en sautant en arriere avec une grande vitesse. Des chants, ou le son des flutes, reglent leurs mouvemens; la mesure est d'abord tente et grave, puis plus vive, et elle parvient en s'accelerant a la plus grande impetuosite." "Les deux sexes et tous les ages se reunissent en foule dans les places publiques ou dans les vastes plaines lorsque les bois et les champs sont pares de fleurs et de verdure. Au solstice d'ete, a l'equinoxe, de grands feux sont allumes dans les lieux choisis pour la fete. Tout en dansant on chante eu choeur les belles actions des heros antiques et les hauts faits qui font la gloire des familles et des nations. On y chante aussi les femmes celebres par leur conduite pudique et par les vertus qui leur acquierent des louanges eternelles. Parmi les chants nationaux accompagnes de danses qui s'executent au son des harpes et des flutes, il en est qui racontent les actions viles ou criminelles des nobles degeneres, des tyrans cruels et des femmes sans pudeurs. Instruites parleurs meres, les jeunes filles chantent des strophes dans lesquelles sont rappeles les vices des epoux, leur passion peur les jeux de hasard, leurs moeurs querelleuses dans tes festins, leur penchant a l'ivresse, leur gout pour le luxe des vetemens et la societe des desoeuvres. Les jeunes gens y repondent par d'autres chants, ou ils revelent les defauts des femmes. Ils leurs reprochent d'etre inactives, trompeuses, babillardes, capricieuses, avides de plaisirs, infideles, et donnant a leurs maris plus d'un sujet de plainte. Ils ont une fouie de petits poemes qui font la critique des mauvais citoyens, et devoilent les fourberies des artisans, les tromperies des marchands, les moeurs grossieres des gens de mer, la mauvaise foi des villageois et la cruelle avarice des intendans. Le but de ces chants est sans doute de faire connaitre a la jeunesse combien la vertu donne de droits a l'estime publique et a la celebrite, de lui apprendre a suivre les traces des gens de bien et a fuir la contagion du mauvais exemple." On nous pardonnera cette longue citation en faveur de son originalite et des reflexions qu'elle peut faire naitre. On voit par le recit d'Olaus, que ces nations qu'on a nommees barbares avaient su faire de leurs plaisirs un code de morale en rapport avec l'etat des moeurs; l'attrait que la danse avait pour eux devait recevoir une nouvelle force de l'hommage public qu'on rendait a la vertu et de l'anatheme dont on frappait le vice et les passions desordonnees. Peu a peu cependant la Gaule etait devenue chretienne; mais la superstition, que tant de cuites divers imposaient encore sur ces peuples, avait force les legislateurs religieux a conserver et sanctifier meme une foule d'usages. C'est ainsi que les pretres encouragerent ces danses qui se celebraient aux premiers jours du printemps autour des lieux consacres par le souvenir de quelque divinite. Les nombreuses fetes que le culte chretien savait diversifier, les vieilles croyances revetues de nouveaux symboles, reunissaient les paiens et les fideles. Ce fut presque sans interruption que les fontaines miraculeuses, les arbres sacres, les grottes mysterieuses, virent encore les danses egayer leurs rives, leurs ombrages et leurs profondeurs. Ces danses, que l'on nommait baladoires , avaient acquis un nouveau degre d'interet depuis que la religion chretienne s'etait etendue: a l'exemple des pretres et des levites, le sacerdoce de la nouvelle loi formait des danses sacrees, pour honorer les mysteres; lorsqu apres les persecutions il etablit les rites du culte nouveau, on disposa les temples de maniere a y introduire des danseurs, qui par leurs evolutions donnaient de la pompe et de l'eclat aux ceremonies. Ainsi dans toutes les premieres eglises on pratiqua un terrain eleve, auquel on donna le nom de choeur: c'etait une espece de theatre separe de l'autel, ou se placaient les danseurs; et quoique l'usage auquel il etait destine en soit depuis long - temps aboli, cette partie de nos temples en a conserve le nom. Alors chaque fete eut ses hymnes, son office et ses danses: tous les fideles dansaient en l'honneur de Dieu; et si l'on en croit Scaliger, le docte des doctes, les premiers eveques ne furent nommee praesules , que parce qu'ils menaient la danse dans les jours solennels. La veille des grandes fetes, les chretiens s'assemblaient autour des eglises et par des hymnes accompagnes de danses annoncaient le mystere qu'on devait celebrer le lendemain. Mais il est dans la destinee de toutes les institutions de s'alterer en s'eloignant de teur source. Ces danses, que les chefs de la religion avaient cherche a consacrer au service du culte, se ressentaient de leur origine profane: il y avait toujours dans leur expression quelque souvenir des mysteres d'Atis, de la bonne deesse ou des fetes isiaques; la dissolution et la debauche se glisserent dans ces solennites etablies pour reunir les chretiens quelle qu'eut ete leur croyance primitive. Malgre les efforts das vrais fideles, elles ne purent reprendre un caractere assez decent pour qu'il fut possible de les tolerer plus long-temps; l'eglise se ressouvint des discours vehemens des philosophes romains qui avaient marque la danse du sceau de leur reprobation. Les orateurs parlerent alors le langage severe des Caton, des Seneque, etc.; enfin un arret fatal fut porte contre la danse. En 744, le pape Zacharie fit un decret pour abolir les danses baladoires , que, sous pretexte de religion ou de plaisir, on executait autour des eglises, dans les carrefours ou dans les reunions publiques. Les ordonnances des rois, en rencherissant encore sur la severite ecclesiastique, defendirent les danses comme tendant a la corruption des moeurs. On prolongea cet anatheme pendant plusieurs siecles, et les peuples du monde connu, devenus chretiens, perdirent jusqu'au souvenir de ces danses savantes qui jadis avaient enchante leurs ancetres. Les pretres, en continuant a considerer la danse comme un reste du paganisme, en firent l'objet de leurs plus violentes declamations; ils la qualifierent d'oeuvre impie, de debauche, etc.; concus dans le meme esprit, les decrets des conciles, les ordonnances des papes, des eveques, de tous les princes, infligerent des penitences et meme des punitions aux danseurs 1 . Qui pourrait assurer que cette proscription rigoureuse n'ait pas contribue a la marche retrograde de l'esprit humain pendant dix siecles? Les nations europeennes, esclaves d'un petit nombre de privilegies, ne connurent plus les charmes de la joie. Le plaisir, la gaiete, bannis du sein des societes, laisserent la place a toutes les horreurs du sombre fanatisme et de la tyrannie; et l'ivresse seule qui inspire l'audace et la licence ne fut point proscrite. L'homme est fait de telle sorte que si vous touchez aux lois qu'il s'est faites, aux souverains qu'il s'est choisis, a sa maniere de vivre, il le supportera sans grande alteration: mais retranchez ou ajoutez a ses plaisirs, ses moers changent, se modifient, il devient meconnaissable. Il n'est pas probable que la proscription s'etendit tellement, qu'elle interdit la danse a toutes les classes de la societe; par suite de ces mesures severes, cet exercice dut au contraire revenir a sa destination primitive, celle de delasser l'homme de-son travail et de recreer son esprit en exercant ses facultes physiques. Bannie des villes et des cours, Terpsychore, rejetant leurs pompes fastueuses, courut aux champs, et, couronnee de fleurs comme dans son enfance, forma des pas sans art, mais non sans grace, au son de la doucine et du tambourin. L'ignorance, la barbarie feodale, les moeurs chevaleresques qui regnerent si long-temps sur la France, l'Espagne, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Italie, en occupant d'une maniere serieuse les grands de ces diverses nations, donnerent a leur caractere je ne sais quoi de melancolique, incompatible avec le plaisir pur de la danse. Les tournois, les festins, les processions, furent leurs seuls divertissemens. Les hauts barons, les nobles chevaliers, ces defenseurs de la beaute, menaient grande chere et beaux etats, se faisant souvent rompre bras et jambes en champ-clos , le tout pour l'amour et l'honneur des dames. Mais ces braves paladins, peu galans quoi qu'on en dise, se battaient bien et ne dansalent point. On laissait la gaiete et la danse aux vilains, aux pauvres serfs qui, de loin regardant ces tristes solennites, disaient entre eux, ce sont des jeux de princes . Le plaisir, effraye de ces grands coups de lance et d'epee, se refugiait au milieu des branles des farandoles et des rondes du village. Huit siecles s'ecoulerent ainsi. Apres ce laps de temps, par un retour singulier sur ses premieres resolutions, l'eglise qui avait ete la premiere a defendre les danses, suspendit un instant sa severite. A une epoque ou elle avait besoin de reunir tous les esprits, persuadee que des spectacles brillans serviraient mieux sa politique que de graves ceremonies, elle permit la danse, qui, de meme que la saltation antique, reprit d'abord un caractere religieux. Les Portugais imaginerent des especes de ballets appeles ballets ambulatoires , qui s'executaient dans les rues et au milieu des places publiques. Le plus memorable est celui qui se donna a Lisbonne, a l'occasion de la beatification de saint Ignace, fondateur de l'ordre des jesuites. Enfin, comme pour amnistier la danse de la maniere la plus eclatante, on vit un concile derogeant aux anciennes prohibitions, ordonner les apprets d'un bal et meme y prendre part. En 1562, les venerables prelats rassembles a Trente, dans la vue d'affermir les fondemens de la religion catholique, firent celebrer une messe solennelle pour invoquer les lumieres de l'esprit saint; et donnerent ensuite un festin somptueux suivi d'un bal, ou le severe Philippe II, les cardinaux, les eveques, danserent fort galamment avec les dames allemandes, espagnoles et italiennes, invitees pour la fete. Ce n'etait pas encore la la danse, mais c'etait au moins un grand pas de fait vers une heureuse amelioration. DANSES FRANCAISES. Dans les descriptions que nous ont laissees les vieux auteurs francais des divertissemens usites a la cour, on ne voit nullement paraitre la danse. Les minstrels chantaient la gloire et l'amour, la cruaute des belles et les ruses des amans; mais leur luth, consacre aux muses, ne s'abaissait point a regler la cadence d'une farandole ou d'un passepied. Les jougleurs et les farceurs faisaient des tours d'adresse, montaient sur la corde tendue, tenant en main des flambeaux allumes; mais leurs aigres buccines et leurs tambourins ne fuisaient danser que les ours et les singes. Il y avait pourtant des danses nationales ou plutot provinciales; on admettait quelquefois dans les fetes de la cour, des hommes du peuple qui executaient les danses de leurs provinces, dans le costume et avec les instrumens qui y etaient usites. Froissard, en decrivant les fetes qui eurent lieu aux noces d'Isabeau de Baviere, dit qu'il y eut entre autres choses, une machine eu forme de tigre. "Au cou de l'animal pendaient les armes du roi; il vomissait du feu et fut apporte par six Bearnais qui executerent une danse du pays, laquelle fut trouvee fort plaisante." Ces danses nationales etaient les rondes, les branles, les menuets, les bourrees d'Auvergue, les farandoles languedociennes, les bails catalans, etc. Apres la ronde, danse primitive que l'on retrouve chez toutes les nations, la danse la plus ancienne etait le branle. C'etait tout simplement la reunion de plusieurs personnes se tenant par la main et dansant en se donnant un mouvement continuel. Il y avait des branles particuliers a Chaque province de France. Dans le siecle de Louis XIV, il etait d'usage de commencer le bal par un grand branle qui s'executait ainsi. Un cavalier prenait la main d'une dame, faisait quelques pas avec elle en avant et en arriere sur an air grave et mesure, ensuite tous les danseurs se reunissant en cercle, et par le mouvement des bras, formaient ce qu'on appelle le branle. Il y avait des branles gais qui n'etaient veritablement que des danses de caractere, tels que le branle des sabotiers , le branle des lavandieres , ou l'on frappait dans les mains comme si on lavait du linge; (il nous reste une image assez fidele de ces deux danses dans la figure connue sous le nom de carillon de Dunkerque ;) le branle des chevaux, celui des oies, dans lesquels les danseurs imitaient par des mouvemens ou des poses grotesques, les sauts et les attitudes de ces animaux. Ces danses excitaient la gaiete au plus haut degre; elles avaient lieu aux noces et dans les reunions ou regnent l'enjouement et la liberte. Une autre espece de branle etait le branle a mener , ainsi nomme, parce que chacun le mene a son tour, et va se ranger a la suite des autres apres en avoir execute les diverses evolutions. Le rond de Ronchard , et la boulangere , que l'on danse encore a la fin des bals de famille, sont des branles a mener. Ordinairement c'etait aux chansons que l'on menait tes branles; il y en avait un consacre a terrainer la soiree, et que pour cette raison on nommait branle de sortie . Parmi ces differentes danses, la plus remarquable etait le branle aux flambeaux. Il avait lieu dans les grandes solennites, aux couronnemens, aux mariages des princes, etc. Les danseurs tenaient d'une main un flambeau allume, de l'autre ils conduisaient leur dame. Cette danse naquit en Italie; et la course du Moccolo , decrite par madame de Stael, en est peut-etre un souvenir. Il en est une autre dont l'origine, tout-a-fait gauloise, remonte a une epoque tres-reculee; c'est la danse nommee des brandons , parce quelle s'executait autour des feux qu'a de certains jours de fete on allumait dans les places publiques. Dans plusieurs villes de France, cette danse avait lieu le premier dimanche de careme; les jeunes gens portaient des torches de sapin, ou des flambeaux de paille allumes sous les fen etres des plus jolies filles de la ville; on y dansait au son des instrumens, et l'on proclamait a haute voix les charmes de ces jeunes beautes, le nom de leurs amans, ou de ceux qu'on jugeait dignes d'elles. Ces indiscretions, autorisees par l'usage, eurent souvent des suites diverses: elles servaient, il est vrai, de pretexte aux amans timides pour declarer leur amour; mais aussi la malignite y trouvait une occasion favorable pour nuire a la reputation des belles. Les rixes continuelles que faisaient naitre ces reunions nocturnes determinerent plus d'une fois les magistrats a les defendre, et la revolution les a fait totalement oublier. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, ces danses populaires n'etaient point en faveur parmi les grands, mais elles contribuaient a egayer les fetes domestiques de la partie laborieuse de la nation, qui, malgre ses malheurs, avait conserve son caractere de douceur et de gaiete. La rigueur que les autorites civiles et religieuses avaient deployee pendant tant de siecles contre la danse ayant prive l'Europe police d'un art charmant, source de plaisirs pour la societe, il fallait une impulsion bien puissante pour briser les entraves qui lui etaient imposees. Le genie, comme l'astre bienfaisant du jour, n'eclaire que tour a tour les nations du monde: mais, moins regulier dans sa marche que le soleil, il est des peuples pour lesquels un sombre hiver succede a des jours de splendeur; il en est d'autres auxquels presque en naissant le ciel et les beaux-arts accordent leurs plus cheres faveurs. Au quinzieme siecle, le feu sacre du genie, cache sous la poussiere amoncelee parle temps et l'ignorance, s'eleve tout a coup, et repand a son aurore les plus vives clartes. A cette epoque l'Italie se reveillle d'un long sommeil, et s'apprete a ressaisir le sceptre des beaux-arts, que le vandalisme avait jadis brise entreses mains debiles. Elle fur reine une seconde fois; et ses nouvelles victoires, douces et paisibles comme les Muses qui l'inspiraient, participerent de leur immortalite, et lui assurerent a jamais la reconnaissance des peuples. A la voix des Medicis, les souvenirs de l'antiquite furent evoques, les beaux-arts ressusciterent, les theatres se rouvrirent, et l'on vit naitre les premiers ballets 1 . Les princes admirent la danse a la cour, elle devint partie obligee de leurs divertissemens. On donna a Louis XII, roi de France, lors de son entree a Milan, une fete magnifique, ou l'on vit danser deux cardinaux avec toute l'elegance qui regnait alors. La danse de cette epoque etait bien la saltation grave, orgueilleuse et solennelle de pretres souverains, de dames altieres, de fiers monarques, qui, tout en dansant, ne voulaient rien perdre de leur dignite. On peut juger du caractere de cette danse par le nom qu'on lui donnait; on l'appelait pavane , nom derive de celui du plus orgueilleux de tous les oiseaux; et se pavaner signifie encore etaler avec complaisance et fierte les avantages qu'on tient de la nature, du hasard et de la fortune. Les vetemens que portaient alors les danseurs et les danseuses suffiraient seuls pour annoncer le caractere de la pavane . Dans un vieil ouvrage compose a cette epoque, et orne de figures et d'airs de danse, on voit les cavaliers le chapeau bas, une longue epee au cote, un ample manteau releve sur le bras, offrant avec toute la gravite possible la main droite a leur dame; celles-ci, bien raides et bien compassees, portent des robes si longues, si amples, si chargees d'or, de perles et de pierreries, qu'affublees de tels habits, il leur etait impossible de danser avec vivacite, sans risquer des chutes continuelles. La danse etant devenue en Italie le divertissement a la mode, elle suivit en France Catherine de Medicis. Cette femme intrigante et voluptueuse fit de la cour le theatre des plaisirs les plus recherches. Ce fut elle qui donna de la grace a la noble et ennuyeuse pavane . Une danse vive et animee amena un grand changement dans les modes; les longues et venerables robes des dames, les lourds manteaux des cavaliers, cederent la place a des habits legers, courts, justes aux formes qu'ils couvraient; et peut-etre cette revolution dans les vetemens en opera-t-elle une aussi marquee dans l'empire des idees. Un divertissement usite a la cour des rois et des princes etait le spectacle des machines mouvantes qu'on faisait promener dans les salles. Quelquefois c'etaient des animaux, le plus souvent un rocher en toile peinte, portant les plus belles femmes de la cour vetues en nymphes; a un signal donne le rocher s'arretait, les nymphes en descendaient, et apres avoir fait un compliment en vers, aux rois ou aux dames pour qui se donnait la fete, elles se prenaient toutes a danser, disent les auteurs du temps, et formaient ainsi les plus jolis ballets du monde. On avait vu un siecle auparavant le duc de Bourgogne, Philippe le Bon, donner a Lille une fete allegorique 1 , pour engager les grands seigneurs du temps a faire une nouvelle croisade contre Mahomet II, qui menacait de s'emparer de Constantinople. Le mauvais gout du temps presidait a cette fete; elle se termina par une entree de douze chevaliers et de douze dames, representant chacune une Vertu, qui executerent une danse emblematique. Ces fetes se nommaient entremets , parce qu'elles avaient lieu entre le diner et le souper. Les intermedes de Louis XIV derivent de la; les uns et les autres se composaient de machines mouvantes representant des montagnes, des chateaux, des forets, garnis d'hommes et d'animaux. Catherine de Medicis mit plus d'art et de gout dans ses fetes. La reine de Navarre raconte celles qui eurent lieu a Bayonne, lors de l'entrevue que Charles IX et sa mere eurent avec le sombre duc d'Albe, pour jeter les premiers plans de la ruine des protestans. "Le lieu de ces fetes, dit-elle, fut une petite ile situee sur la riviere de la Bidassoa. Les deux cours arriverent sur des bateaux magnifiques; ils etaient suivis d'une troupe de musiciens habilles en dieux marins, qui pendant la toute chanterent des vers composes pour la fete. A leur descente dans l'ile, une autre, troupe de bergers les recurent , et les conduisirent aux bosquets prepares. Les bergeres etaient vetues de toile d'or et de satin, mais chaque troupe portait le costume de quelqu'une de nos provinces. Charune executa une danse particuliere au canton qu'elle habitait, avec l'instrument qui y etait en usage. Les Bretonnes, un passepied et un branle gai; les Provencales, une , avec des cymbales; les Poitevins, avec la cornemuse; les Bourguignons, avec le petit haut-bois, le tambourin de village et le dessus de viole. Aux danses succeda le repas, qui fut servi par les bergers et bergeres." Ces essais, et les souvenirs empruntes a l'antiquite, echaufferent l'imagination des poetes et des musiciens de cette epoque. Pour celebrer la naissance, le mariage des rois, ou d'autres grands evenemens, on composa des ballets allegoriques, ou la peinture, la musique et la poesie, s'unirent pour concourir au triomphe de la danse. On les divisa en ballets allegoriques, poetiques, moraux et bouffons. Avec le temps ces fetes prirent un caractere plus regulier; un gout plus put les asservit a des regles, et posa ainsi les premieres bases de l'opera. Quoique cette partie de l'art dramatique soit essentiellement liee a la danse, nous n'en ferons pas l'historique; ce sujet trop vaste exige d'autres connaissances que les notres. Nous ferons seulement remarquer que l'opera, ainsi que tous les autres jeux sceniques que proscrivent les lois ecclesiastiques, est ne en Italie, et qu'un cardinal, neveu d'un pape, en fut l'inventeur 1 . La danse, qui n'avait ete jusqu'alors qu'un spectacle destine a l'amusement des classes privilegiees, devint un plaisir general. Expression naturelle de la gaiete chez le peuple, elle fut aussi celle de la malice, et servit a lancer les traits de la raillerie contre les grands et les oppresseurs du jour; elle devint une espece de satire muette, d'autant plus piquante qu'elle se cachait sous des formes enjouees. C'est a cette epoque que naquirent les danses macabres , especes de mascarades dans lesquelles etaient representes et ridiculises tousles etats de la vie, et ou chacun pouvait trouver la critique de ses moeurs et de sa profession. Le pinceau d'Albert Durer, du Giorgion et de Holbein, se plut a retracer des scenes de ce genre, et l'art d'imiter la nature a fait passer jusqu'a nous ces piquantes allegories. Restes des rites egyptiens et des divertissemens des Gaulois nos ancetres, les mascarades n'etaient point une invention nouvelle, mais on n'y dansait pas. Catherine de Medicis les anima par la danse, et inventa ainsi les bals masques. On varia de plus en plus les figures de la danse, et nous avons conserve plusieurs des pas usites a cette epoque. On dansait, dit l'auteur du vieil ouvrage que nons avons cite plus haut, des tordions , des jetes , des chasses , des coupes , des balances , etc. Le nom du menuet , et celui de l' allemande , qui se trovent aussi dans l'enumeration de ces danses, prouvent que celles-ci etaient deja familieres a la France et a l'Allemagne. Enfin peu a peu les danses nationales et champetres s'introduisirent a la cour, et la Terpsychore francaise, moins noble et moins severe, devint plus vive et plus aimable. La danse fat un des amusemens favoris d'Henri IV. Il semblair trouver dans les charmes de cet exercice, lorsqu'il fur parrenu an trone, le dedommagement d'une partie des travaux qu'il lui avait a coute a conquerir. Le brave Sully aimait la danse; et en parlant de Madame, soeur du roi: "Je me souviens, dit-il, qu'elle voulut bien m'apprendre elle-meme le pas d'un ballet qui fut danse avec beaucoup de magnificence." Le gout de la danse se repandit dans toutes les cours de l'Europe, parce que cet exercice etait a la mode a la cour de France. On trouve dans les memoires du temps que depuis 1589 jusqu'en 1608 on y executa plus de quatre-vingts ballets, beaucoup de bals masques magnifiques, et des mascarades singulieres. Sous Louis XIII la danse eut peu d'eclat, quoique Anne d'Autriche aimat et cultivat cet art; son maitre a danser, appele Boccane , inventa la danse de ce nom. Ce fut sous Louis XIV que la danse reprit toute sa splendeur. Le gout, la magnificence du jeune monarque, les beautes celebres qui brillerent a sa cour, les hommes de genie que son regne vit naitre, tout se reunit pour porter la saltation francaise a un haut degre de perfection. Toutefois taut de gloire ne put la sauver de la monotome qui lui etait comme inherente: il semble que la dignite soit incompatible avec cette aimable liberte qui seule fait naitre, entretient et varie le plaisir. Cette gravite etait peut-etre due a la musique de cette epoque, peut-etre provenaitelle d'autres causes. Il est a remarquer que depuis sa renaissance, la danse, malgre les allverses revolutions qu'elle avait subies, n'avait point perdu son caractere grave et serieux. Les courtisans de Henri II, les cruels compagnons de Charles IX, les mignons de Henri III, les nobles guerriers de Henri IV, les flatteurs du cardinal ministre, les grands hommes de Louis XIV, les compagnons des orgies de la regence, tous dansaient egalement la danse haute et severe. C'etait, disaiton, la danse noble: disons plutot que c'etait la danse des nobles, et qu'on lui conservait ce caractere grave, comme on garde encore aujourd'hui l'etiquette de cour. On s'emancipait a former des danses gaies a la fin des bals; mais avant de se livrer au plaisir il fallait avoir sacrifie a l'ennui. Nous n'entrerons point dans te detail des differentes danses en usage en France jusqu'au milieu du siecle dernier. Les documens nous manquent a cet egard; d'ailleurs, de quel interet serait pour nous la description choregraphique de la grave sarabande , de l'insipide chaconne , dont les mouvemens lents et uniformes furent, dit-on, inventes par un aveugle; de la courante , danse serieuse, malgre son nom, et toute remplie d'allees et de venues sans but et sans esprit. A l'epoque ou des fetes somptueuses charmaient les ennuis des cours, ou le grand roi faisait venir des violons d'Italie, pour donner plus d'eclat et de mesure a ses ballets, le peuple, fidele a ses aneiens usages, dansair sans art, au son de la musette, les rondes , les branles et le menuet , qu'il tenait de ses aieux. Ce dernier, quoique ne au village, a ete trop celebre et trop en faveur, pour que nous n'en donnions pas quelque idee aux jeunes femmes de notre temps, qui, ne le connaissant que par tradition, ou ne l'ayant vu danser que par leurs grand's meres aux fetes de famille, n'en out que des notions imparfaites. Le menuet est une danse francaise, originaire du Poitou, ou elle est encore en usage, ainsi que dans les hameaux de la Sologne. Cette danse, dans son principe, etait fort gaie, et d'un mouvement accelere; son caractere est une noble et elegante simplicite . On l'introduisit a la cour, et des lors il perdit son charme primitif; sa vivacite et son enjouement firent place a la lenteur et a la gravite. Le menuet devint cependant la danse a la mode; il dut cette faveur a la simplicite de sa composition, et a la facilite de son execution. Le celebre Pecour , danseur de la cour, contribua beaucoup aussi a sa vogue: on y mettait de la raideur, il y mit de la grace et de la mollesse, et remplaca la figure de l'S (sa premiere forme), par celle du Z, dans laquelle les pas comptes obligent les danseurs a conserver une regularite rigoureuse. Mais il n'est rien de stable. Apres un long et glorieux regne, cette danse grave fut oubliee, et l'on n'en parle meme aujourd'hui qu'avec une sorte de derision. Le joli menuet de la reine a seul echappe a la proscription: l'air a fourni l'introduction musicale d'une danse moderne, la gavotte ; qu'on pourrait considerer comme une sorte de variation savante et agreable, du menuet de nos grand's meres. La danse etait parvenue a reprendre son rang parmi les arts d'agrement. Elle n'excitait plus, comme chez les anciens, cet enthousiasme qui en faisait un art celeste, ayant des dieux pour auteurs, des sages pour protecteurs, et dont le berceau reposait parini les antiquites les plus venerables; elle etait devenue un plaisir, presque un besoin, pour la plupart des nations polies de l'Europe. Apres avoir charme les cours put ses graces nobles et variees, elle enchantait les villes, et se repandait dans toutes les classes de la societe. Elle etait aux yeux du philosophe la riante image de la prosperite publique, et l'un des bienfaits de la civilisation. On pouvait se procurer cet amusement a peu de frais. La danse devint l'ame de toutes les reunions de plaisir, et les bals, diminutifs des ballets de la cour, firent desormais partie necessaire d'une fete. Mais il manquait encore aux Francais une danse plus analogue a leur caractere que celles qui jusqu'alors avaient ete en usage; une danse qui fut un heureux intermediaire entre la danse champetre et la saltation heroique, digne du theatre et de la cour; une danse enfin, qui divertit a la fois les citadins et les habitans des campagnes. Il est facheux pour notre vanite nationale que nous soyons redevables aux etrangers de cette composition charmante, qui a pris a la danse noble sa grace et sa decence, a la danse villageoise sa gaiete et sa liberte. La contre-danse est d'origine anglaise. Country-danse , signifie en anglais, danse des champs ; et elle est ainsi nommee, parce qu'elle etait familiere aux habitans des campagnes. Nous pourrions, il est vrai, revendiquer les chasses , les traverses , empruntes a notre menuet , ainsi que les balances et les changemens de mains . Peut-etre meme la contre-danse n'est-elle qu'une ancienne danse francaise, introduite en Angleterre au temps de la conquete des Normands, et a laquelle on aurait ajoute la chaine , qui porte encore l'epithete d' anglaise , et a juste titre, car elle seule forme la base des danses ecossaises. Quoi qu'il en soit, la contre-danse importee chez les Francais fut comme ces enfans heureusement nes, qui, malgre l'incertitude de leur origine, illustrent la famille ou le pays qui les accueille. Elle sut se plier sans effort aux moeurs, aux usages de sa patrie adoptive; elle s'impregna, si l'on peut dire, de son esprit national, et ce melange des deux sexes, sa gaiete, sa politesse surtout, devinrent pour l'observateur attentif l'embleme de l'urbanite francaise. La contre-danse a eu de violens detracteurs: de ce nombre etaient les vieux admirateurs du menuet , qui voyaient avec peine l'etrangere envahir le trone occupe par lui depuis pres de deux cents ans, et l'antique dignite feodale, ceder la place a la gaiete plebeienne. C'est une danse monotone, sans grace et sans esprit, disaient-ils; une danse batarde, qui n'a aucun caractere. Un poete spirituel, entraine par un prejuge traditionnel, a meme dit: La fade contre-danse aux mouvemens egaux, Semble un theme qu'on donne a huit danseurs rivaux. Cependant un homme de genie, Rameau, l'avait introduite dans les ballets en 1745, comme une nouveaute agreable; depuis ce temps sa faveur s'accrut avec les annees. Elle vit disparaitre devant elle les bourrees , le menuet , la cosaque , etc.; un instant elle craignit d'etre eclipsee par l'ambitieuse gavote ; mais la manie qui faisait de nos salons une sorte de theatre sur lesquels un petit hombre de beaux danseurs venaient faire admirer leurs graces laborieuses, dura peu, et l'aimable contre-danse reunit de nouveau tous les enfans de la joie et du plaisir. Les provinces ont oublie pour elle les danses qui leur etaient particulieres, excepte pourtant les extremes frontieres, ou l'on retrouve encore quelques restes des danses primitives de ces contrees, ou de celles des pays limitrophes. C'est ainsi que depnis Geneve jusqu'a Dunkerque, la walse regne, mais non sans partage. Depuis cette derniere ville jusqu'a Brest, la mer voit un melange de danse anglaise et francaise egayer ses rivages. Le littoral de la Basse-Bretagne a conserve quelques-unes de ses danses rustiques: a Pontivy, pres de Vannes, des couples qui se suivent figurent alternativement de droite a gauche, et de gauche a droite; l'execution de ces mouvemens monotones s'appelle danse : c'est une espece de branle . Le nombre des figurans n'est point fixe, on en admet autant que le terrain peut en contenir. Le son de la musette et du hautbois regle ces danses sauvages, dont les airs sont composes de trois mesures qui se repetent en variant toujours du grave a l'aigu. Dans la Haute-Bretagne, aux environs de Nantes, la danse admet plus d'art dans son execution. Chaque couple danse les bras entrelaces, c'est-a-dire, la main droite de la femme dans la main droite du cavalier; et la gauche de meme, a la maniere de l' allemande : on frappe des mains en mesure, puis on retourne a sa place. Cet exercice se repete jusqu'a ce que l'air soit fini, ou que la fatigue oblige les danseurs a se retirer. En Auvergne, et dans les montagnes du Dauphine, les bourrees sont encore en usage. Aupres de Valence, surtout, ces danses ont un caractere d'hilarite remarquable. Elles s'executent aux chansons et an bruit d'une espece de tambour garni de grelots, dont les paysannes jouent avec beaucoup de dexterite. Rien de plus pittoresque que la vue de ces fetes champetres, ou les jeunes filles, tour a tour saltatrices et musiciennes, animent la danse au son de leurs voix, et comme de joyeuses Menades en marquent la cadence, soit en agitant en l'air le tambour de basque, soit en le frappant en mesure. Mais les contrees qui s'etendent au pied des Pyrenees jusqu'a la Mediterranee, et meme jusqu'a Antibes, sont celles qui ont le mieux conserve leurs coutumes nationales. En voyant les danses rives et voluptuenses du Catalan, du Languedocien, du Provencal, on sent que les Maures ont jadis habite ces heureux climats. Parmi ces danses on remarque les farandoles et les bails . Le caractere des premieres est leger, impetueux; c'est la gaiete francaise exaltee au plus haut point, par la double ivresse que portent dans les sens un ciel ardent, et les vapeurs d'une terre embaumee. Les secondes offrent un melange des moeurs des deux nations voisines. La danse catalane, par exemple, participe a la fois de la vivacite francaise et de la gravite espagnole; et, semblable a la danse antique appelee hormus , elle presente l'image de la force masculine unie a la grace virginale. Un homme de merite et de gout, M. Henry, auteur de plusieurs ouvrages estimes, s'est delasse de ses occupations serieuses en decrivant les danses catalanes. Suivant lui, les passes de l'espece de danse nommee bail , auraient fourni a Gesner le sujet d'une charmante idylle. En voici la composition choregraphique. "Les cavaliers s'avancent avec leur dame; "chaque danseur forme quelques pas singulaiers, "au nombre desquels est la camada " rodana , espece de saut pendant lequel il "doit passer son pied droit par-dessus la "tete de sa danseuse. Apres avoir recule "quelques instans, celle-ci revient, et court "apres le cavalier, qui recule a son tour. Ils "changent alternativement l'un de dame, et "l'autre de danseur, et la meme figure se repete "deux on trois fois. Enfin plusieurs "couples se joignent, se reunissent en cercle, "et les dames, appuyant a droite et a "gauche leurs mains sur les epaules de cavaliers "qui sont a leurs cotes, s'elevent en "l'air, tandis que les danseurs, la poitrine "en avant, le jarret tendu pour faire arcboutant "contre la terre, et les bras leves, "les soutiennent de leurs mains placees sous "leurs aisselles. Les dames restent quelques "secondes dans cette position, ou ordinairement "elles s'embrassent. "La vue de toutes ces femmes enlevees de "terre, tout a coup et simultanement, dominant "ainssi sur tout le reste des spectateurs, "a quelque chose qui frappe singulierement, "quand on le voit pour la premiere "fois. C'est un des plus jolis tableaux "qu'on puisse imaginer. "Souvent le saut par bande est precede "ou remplace par un saut a deux. On aime a "voir une jolie personne dans cette espece "de triomphe. Il est curieux de suivre les "mouvemens de la danseuse, quand, s'avancant "rapidement vers le cavalier, elle place "sa main gauche dans la droite qu'il lui "offre; un triple elan est donne a ces deux "mains reunies; et la danseuse raidissant son "bras gauche, et s'appuyant fortement de la "main droite sur l'epaule du cavalier, s'elance "pendant que celui-ci la souleve et l'assied "sur sa main. Il fait deux ou trois pirouettes "avant de la mettre a terre. On pretend "qu'il faut moins de force que d'adresse pour "l'execution de ce saut. "Quelquefois la danseuse, au lieu de s'asseoir "sur la main du cavalier, rapproche au "contraire de son ventre la sienne unie a celle "du danseur, qui l'eleve dans cette position; "alors elle se trouve en l'air ployee en "deux, la tete et les pieds pendans. Si le premier "saut a quelque chose d'agreable, celui-ci "est loin de lui ressembler; il fait fuir "les graces et effarouche la pudeur. "Les danses catalens s'executent assez "souvent au bruit des castagnettes, qui, se "melant en cadence au son de la cornemuse "et du hautbois, en rendent encore le "rhythme encore plus anime. "La danse catalane parut si poetique au "pere Vaniere, jesuite de Beziers, qu'il l'a "fait entrer dans son Praedium rusticum . Il "en fait un des plaisirs du temps de la moisson. "La beaute de ces danses consiste, pour "les dames, a savoir reculer legerement sans "saut et sans secousse. Il faut qu'elles coulent "pour ainsi dire sur la pointe du pied, "et sans faire de pas; les mains au tablier, "et la tete un peu de cote, pour voit le chemin "retrograde qu'elles ont a parcourir en "rond. Elles tournent mollement, quoique "avec rapidite, autour du centre libre de "l'enceinte, et il y a infiniment de grace "dans ce mouvement." Outre les bails , il existe encore d'autres danses catalanes. Nous ne ferons mention que du contrapas , ou les danseurs, disposes en rond, se tiennent par la main, a l'exception des conducteurs de la danse, qui impriment an cercle un mouvement general Ils font quelques pas d'un cote, les repetent ensuite ae l'autre. La repetition de ces mouvemens forme toute la danse. Le pas propre a cette saltation se nomme l' espardanyeta . C'est un battement tres-rapide dutalon contre le coude-pied, dit-on, qui n'est pas sans merite et qui rompt un peu la monotonie du balancement perpetuel de cette danse. Le contrapas est grave, et presque melancolique. Au mepris des regles de la galanterie francaise, qui ne connait d'autres plaisirs que ceux que partagent les femmes, celles-ci sont souvent exclues de cette danse, et les jeunes Catalans l'executent presque toujours entre eux. Le danseurs et les danseuses sont en nombre egal dans la bayonnaise , qui porte aussi le nom de pamperque . Elle s'execute au son du fifre et du tambour, marquant d'abord un mouvement doux et lent, qui s'anime par degre. Les danseurs et les danseuses tiennent par un ruban, et forment un cercle. Un conducteur regle l'ordre des figures comme dans le fond de ronchard : c'est le roi de la danse. Il tient de la main droite une baguette toujours levee. De temps en temps le cavalier et sa danseuse, qui figurent ensemble, font un saut en'se regardant. A la fin de la danse, le roi et sa compagne, elevent le ruban, dont ils tiennent chacun un bout, tous les danseurs et danseuses passent dessous en marchant sur quatre de front, et en se tenant par le bras. Dans l'esquisse que nons venons de tracer des danses francaises, nous n'avons voulu parler que des danses populaires, c'est-a-dire, de celles qui s'executent aux fetes patronales, ou dans les lieux publics consacres aux plaisirs champetres. Partout ailleurs, dans les grandes villes, dans les societes ou reunions d'apparats, la contre-danse francaise, avec toutes ses graces, est preferee, et suele en usage. Nous parlerons ailleurs des danses des diverses contrees de l'Europe, qui, de temps a autre, sont venues meler leurs graces etrangeres a celles de nos danses nationales: leurs succes n'ont ete que momentanes. Tel a ete celui de l' ecossaise , que l'on dansait il y a vingt-cinq ans avec une sorte de fureur; de l' allemande , dont l'arlequin du Vaudeville a prolonge le souvenir; des colonnes anglaises , que nous dansons fort mail; de la walse , enfin, danse enivrante, proscrite par tous les auteurs qui ont ecrit sur cet art, et dont ils ont peut-etre exagere les dangers. Nous n'en ferons cependant pas ici l'apologie, parce que cette danse n'est point dans nos moeurs, et qu'elle annonce de la part de la femme un abandon trop exclusif, contraire a nos idees de politesse, de convenance, et a ce principe d'urbanite qu'il ne faut jamais oublier. La contre-danse francaise, contribuant aux plaisirs du plus grand nombre, est a la fois plus sociale et moins monotone. Chaque jour cette danse charmante etend son empire: ce qui le rendra durable, c'est la facilite avec laquelle son cadre admet tous les embellisemens, toutes les modifications que peuvent y apporter le gout et les idees nouvelles. Elle reunit sans effort le charme de toutes les autres danses. Tantot ses mouvemens vifs et acceleres rappellent la joyeuse bourree , les passe-pieds bretons , ou les montagnardes d'Auvergne . Tantot un grand rond reunissant tous les acteurs de la danse semble les reporter aux fetes champetres, et a ces temps d'innocence, ou le plaisir et la liberte rassemblaient sans distinction tous les hommes. Souvent elle s'embellit d'evolutions empruntees aux danses etrangeres. C'est ainsi que les passes voluptueuses de l' allemande animent les charmantes figures de la poule , de la pastourelle et des graces , tandis que d'autres se commencent et se terminent par la chaine anglaise . Quelquefois, commendans les anciennes danses du Nord, les femmes, reunissant leurs mains en un centre commun, forment une sorte de figure que les Scandinaves appelaient la rose , autour de laquelle tourne un cercle d'hommes qui semblent retenir captives les jeunes beautes qui la composent. Mais parmi ce grand nombre de figures, variees selon les temps et les lieux, comment discerner les emprunts faits a la muse etrangere? Il faudrait pouvoir les degager du charme que le gout et l'elegance, apanage de notre nation, ont su leur imprimer. La contre-danse presente, selon nous, le tableau de la bonne societe francaise. Un jeune homme, la tete decouverte, amene avec un empressement respectueux la femme qu'il a choisie, aet se place avec elle sur l'une des quatre faces qui forment la contredanse . Des cet instant sa danseuse lui appartient. Dans l'intervalle des figures il l'entretient de choses aimables; il la protege, lui fait faire place, et ne souffre pas que l'on manque aux egards qui lui sont dus. Cette protection est telle, que souvent des rixes sanglantes n'ont eu d'autre cause qu'une impolitesse faite a la danseuse. Cependant, image fidele des liaisons de societe, cet engagement n'est pas tellement exclusif, qu'il dispense l'un ou l'autre des partners de s'occuper des autres dansuers. Quand la danse commence, chacun repond a l'appel de son vis-a-vis. D'abord figurent avec grace et politesse deux personnes que le hasard rassemble. La femme s'avance vers l'etranger, recule timidement, glisse a droite, puis a gauche, et semble dans ce balancement gracieux, non pas fuir, mais eviter un hommage trop direct. L'etranger executant les memes evolutions, force bientot la femme a traverser l'arene. Elle balance encore; mais poursuivie de nouveau par ses regards, elle revient en voltigeant a son premier danseur, et, apres quelque, hesitation, lui offre les deux mains; pour le consoler d'un eloignement involontaire. Enfin elle termine la figure par une chaine , dans laquelle elle sait toujours distinguer la main de celui qui l'a choisie. N'oublions pas la politesse du chasse huit , qui semble un dernier adieu a ses compagnons de plaisirs. Telle est l'intention la plus simple de nos contre danses . Elles presentent le caractere d'urbanite, de politesse exquise qui distingue les Francais; et en meme temps cette legere coquetterie qui rend la femme plus aimable, qui s'unit meme a ses devoirs, et n'ote rien a la douce securite de l'amant prefere. La danseuse la plus folatre a beau s'eloigner, figurer avec d'autres couples, changer meme de cavalier, elle revient toujours a l'objet de son premier choix. Qu'on nous pardonne notre predilection pour une danse qui fait l'ame de nos fetes, et que nous pouvons appeler nationale . Facile pour nous seuls, elle est pleine de difficultes pour les etrangers; et pourtant son titre de francaise lui a merite la faveur d'etre admise dans toutes leurs reunions. Notre langue, nos gouts, nos modes et notre danse, sont en usage dans les cours les plus elegantes et les plus policees. Ce triomphe, tout futile qu'il paraisse, a droit de nous flatter: la gloire acquise par les arts, immortalise comme celle des armes, et ne coute de larmes a personne. Rien n'est plus simple que notre danse actuelle. Cet agreable exercice exigeait, il y a une vingtaine d'annees, beaucoup d'etude et meme de perfection. On parlait d'un bon danseur comme d'un homme fort recommandable; et l'on se souvient encore de la reputation du fameux Trenitz, ce Vestris des salons, auquel la contre-danse doit l'une de ses plus jolies figures. Il fallait alors faire des pas brillans. Nos pensionnats etaient devenus des ecoles de danse; et ces jours solennels, destines a recompenser le travail et l'application des jeunes eleves, etaient changes en des jeux annuels, ou Terpsichore disputait le prix aux sciences les plus utiles, et trop souvent remportait la, victoire. Ce travers fut de peu de duree. Les Francaises appliquant a leur danse le meme principe de moderation qui les fit renoncer a des modes ridicules, bannirent de cet exercice les pirouettes et les pas compliques, dont l'etude enlevait tant d'heures precieuses a leur instruction et a leurs devoirs. Aujourd'hui la grace du maintien, la souplesse des membres, une justesse d'oreille parfaite, sont les seules qualites que l'on desire a une danseuse. Il faut qu'elle glisse sur le parquet sans raideur, qu'elle marque la mesure sans efforts, que rien en elle ne sente l'affectation, ni dans les pas, ni dans la tenue des bras, ni dans la pose de la tete. Et si, comme l'a dit Bayle, "la femme dont on parle le moins est celle qu'on estime le plus," celle qui se fait le moins remarquer est celle qui danse lemieux. Apres avoir considere la danse comme un plaisir national, si nous voulons l'examiner sous le rapport de l'art, nous dirons qu'aujourd'hui la saltation a recu le plus haut degre de perfection auquel elle pouvait atteindre, et que Terpsychore jouit parmi nous des memes honneurs que ses soeurs immortelles. Depuis Louis XIV, qui fonda l'Academie royale de danse, elle a toujours ete l'objet d'un soin particulier de la part des gouvernemens, qui tous ajouterent de nouvelles faveurs a ses prerogatives. La danse theatrale s'est placee au rang des institutions qui illustrent la nation francaise. Tous les arts se donnent la main pour ajouter a son triomphe. L'architecture lui batit des palais, la peinture les decore avec magnificence, la musique, la poesie, lui pretent leurs charmes reunis. Un peuple entier jaloux de conserver server tous les genres de gloire qu'il s'est acquis par d'immenses sacrifices, vote chaque annee des sommes considerables pour entretenir dans toute sa splendeur le temple consacre a Terpsychore et a Polymnie; le gout, les talens, le genie, consacrent leurs veilles a son embellissement; et les desservans de ses autels, dignes par leurs talens et leurs travaux de tant de sollicitude, ajoutent eux-memes a la celebrite de ce spectacle, qui fait l'admiration des etrangers, et dont les nationaux sont fiers a juste titre. Nous nous abstiendrons de tracer l'historique de la danse theatrale; ce sujet est trop intimement lie a celui de la musique, pour que nous ne craignions pas d'empieter sur un terrain que nous ne sommes point appeles a exploiter. Il faut un second Novere pour parler dignement des merveilles de la danse; pour faire, dans les termes de l'art, et avec l'eerudition convenable, la description de nos ballets, et l'eloge des brillans saltateurs qui les executent. Esperons qu'un jour, par un bel ouvrage, fruit d'une longue experience et de riches souvenirs, on elevera un monument durable a la gloire paisible et incontestee des Vestris, des Gardel, des Albert, et de tant d'autres. En attendant, jouissons des aimables prestiges que nous offrent chaque jours ces Bathyles modernes; mais ne les decrivons point, de peur d'etre trop audessous de la verite 1 . COUP D'OEIL SUR LES DANSES DE L'EUROPE. Dans un ouvrage ou la profondeur des pensees s'unit a l'interet, ou la grace de l'expression charme l'esprit et plait a la raison, M. le baron Massias a dit: "Le chant est la parole de la musique, la danse est le geste du chant. 1 " Les diverses langues ayant chacune une prosodie differente, chaque nation a du avoir une musique particuliere, dont le genre a determine celui de la danse. Ainsi, le Francais, dont la langue coulante et facile, abondante en voyelles, et plus sonore que celles du Nord, se prete a l'expression de tous les sentimens, a des airs de danse vifs, legers, inspirant le plaisir, la gaiete, sans etre pourtant denues d'une certaine teinte de melancolie, qui en augmente le charme sans en affaiblir les effets. L'anglais, langue sourde et gutturale, a produit une musique monotone; ses airs de danse ont des motifs courts, bizarres, et qui sont repetes jusqu'a satiete. L'allemand plus riche, plus sonore, et d'une construction plus sage, est l'embleme de la musique du Nord, qui est a la fois plus grave, plus harmonieuse et plus passionnee que les deux autres. La langue russe offre, dit-on, une douceur, une harmonie qui la rapprochent de la langue grecque et dont se ressent la musique qui anime ses danses 1 . La langue italienne, flexible,, melodieuse, impregnee, pour ainsi dire, des souvenirs de l'antiquite, a produit la plus delicieuse musique; une danse pleine de vivacite, de mollesse et de grace, en q l'heureux resultat. L'Espagne, a demi mauresque, presente un caractere a la lois grave et passionne; ses chants fortement cadences offrent a l'oreille un singulier melange des moeurs ardentes de l'Afrique, unies aux langueurs europeennes. Toutes ses danses respirent l'amour, le plaisir, et puis encore l'amour. Dans cet apercu nous n'avons considere la musique des differentes nations que sous ses rapports avec l'art de la danse. Nous avons cru necessaire de tracer cette espece d'itineraire, pour indiquer la marche que nous nous proposons de suivre dans l'examen des danses qui appartiennent aux principales contrees de l'Europe. La France est notre point de depart: nous avons donne le tableau de ses danses, recherche autant que possible leur origine, marque leurs progres, indique leur esprit; nous essaierons d'en faire de meme pour les autres pays; mais nous les passerons en revue plus rapidement. En portant nos regards sur l'Angleterre, nons remarquons un grand contraste entre la danse et le caractere national, L'Anglais est grave par caractere et triste par temperament; cette tristesse degenere souvent en une noire manie, endemique dans son ile; et cependant ses danses sont vives, bruyantes meme, et animees par un rhythme rapide; L'anglaise , qui est pour nons une veritable fatigue, est pour lui un tres-grand plaisir. Il semble qu'elle soit inventee pour retablir l'equilibre derange par l'austerite des institutions civiles et religieuses. Peut-etre faisons-nous ici une supposition hasardee; mais il nous semble que le serieux anglais est bien plus dans les institutions que dans le moral de la nation. La discussion de ses interets a laquelle ce peuple fut appele jeune encore; une religion severe etablie au milieu des troubles civils; enfin l'orgueil de la prosperite, ont donne a son caractere une maturite qui le distingue des autres nations. C'est un homme fait qui jouit avec dignite de la plenitude de ses droits, et que les jeux de son enfance ont seuls le pouvoir d'arracher a cette severite habituelle. Si la anglaise est en opposition avec le caractere de la nation, elle donne au moins une idee fidele de ses moeurs. Dans cette danse, comme dans la vie civile des Anglais, les hommes sont separes des femmes. La danseuse, indiquee par un maitre de ceremonie a un cavalier, ou choisie d'avance par celui-ci, est ordinairement sa compagne pour toute la soiree. Cette possession exclusive suffirait seule en France pour faire fuir la gaiete. Malheur a la jeune fille qui se trouve ainsi surprise par un engagement que reprouvent sos affections! Il faut ou qu'elle renonce a la danse ou qu'elle subisse l'ennui de cette politesse importune pendant toute la duree du bal. Le cavalier' l'amene gravement a la suite de la colonne formee par les autres couples. Il la quitte et se place vis-a-vis d'elle; mais cette separation ne parait etre que l'expression d'une sorte de respect pour los convenances; car tous deux se reuniront lorsque la danse aura commence, et dans des evolutions plus vives que gracieuses, fourniront leur carriere. Le nombre des danseurs n'est pas determine, c'est l'emplacement qui l'augmente ou le restreint. On sait que l'anglaise se compose d'abord d'une chaine redoublee, formee par deux couples qui descendent ensuite entre la colonne, remontent en sautillant, balancent et font la demi-chaine, puis un tour de main avec chacun des danseurs et des danseuses successivement. Ce manege dure jusqu'a ce que les deux partenaires aient atteint l'extremite de la colonne. Ils se quittent alors, et chacun se placant au bas de la file de son sexe, semble pret a recommencer cette course fatigante, lorsque les evolutions des autres danseurs l'auront replace a la tete. Cette danse est la seule qui soit generalement en usage en Angleterre; la contre-danse francaise, admise dans la haute societe seulement depuis quelques annees, ne s'est pas encore popularisee. L'excessive austerite du culte anglican, qui defend severement toute espece d'amusement le dimanche, a du necessairement nuire aux progres de l'art de la danse: le peuple anglais n'ayant pas, comme celui des autres contrees, un jour specialement consacre auplaisir, la danse, qui en est l'expression la plus vraie, qui est le delassement des nations les plus 7 sauvages comme des plus civilisees, n'a pas du se perfectionner en Angleterre. Peut-etre cette rarete d'occasions de se livrer a la danse a-t-elle pu produire chez l'anglais le besoin de l'ivresse, gout si general parmi ce peuple, qu'il a cesse de paraitre un vice. Il faut une ivresse quelconque a l'homme pour lui faire oublier parfois son existence; et quand celle du plaisir lui manque, il cherche a la remplacer par une autre. Peut-etre aussi cette absence d'un amusement qui semble specialement destine a reunir les hommes, a-t-elle influe plus qu'on ne le croit sur les moeurs des Anglais, et les a-t-elle prives de cette amenite, de cette politesse, surtout envers les femmes, dont on leur reproche, avec quelque raison, d'etre depourvus. Mais n'oublions point que nous, ne tracons ici qu'une faible esquisse d'un grand tableau, et laissons a des mains plus habiles le soin d'en rectifier les incorrections et d'en terminer les details. L'Ecosse, separee de l'Angleterre par une chaine de montagnes, a conserve plus long-temps sans melange ses coutumes primitives. Elle a encore aujourd'hui ses moeurs, son costume et son langage particulier. C'est la Suisse de l'Angleterre. Ses danses sont vives et legeres; il y regne plus de liberte que dans celles de ses voisins. La principale figure est une chaine anglaise presque continuelle; le mouvement en est rapide, les airs simples, mais gracieux. Il y a dans la musique inlandaise un sentiment tout-a-fait en rapport avec le caractere de la nation. Il y regne, dit un de leurs plus aimables ecrivains, Thomas Moore , un melange bizarre de tristesse et de legerete, un ton de douleur et d'abattement, qui, joint a l'accent subit de la gaiete, etonne l'esprit en touchant le coeur. C'est une nation subjuguee qui deplore encore la perte de ses libertes, et dont les soupirs s'exhalent au milieu meme de la joie. Nous ignorons si l'Irlande a des danses particulieres, mais dans ce cas elles doivent porter le caractere de la melodie nationale. Plus on avance vers le Nord, plus les danses ont un caractere prononce et meme belliqueux. On dirait que l'homme de ces contrees, pressentant les lethargiques influences d'un climat glace, cherche a leur echapper par des mouvemens plus violens. Dans les fetes destinees a celebrer ou une peche abondante, ou la prise d'une baleine, il emprunte les souvenirs de la guerre pour donner plus d'energie a ses plaisirs. " Allons voir la danse du sabre, dit le vieux Schetlandais dans le Pirate , et prouvons aux etrangers qui sont parmi nous, que nos mains et nos armes ne sont point tout-a-fait etrangeres les unes aux autres." " Douze coutelas choisis a la hate dans un vieux coffre rempli d'armes, et dont la rouille annoncait combien peu ils servaient, furent donnes a un nombre egal de jeunes Schetlandais auxquels se melerent six jeunes filles conduites par Mina Troil. Les menetriers commencerent aussitot un air approprie a l'ancienne danse des Norwegiens, dont les evolutions sont peut-etre encore pratiquees dans ces iles lointaines. " Le premier mouvement fut gracieux et majestueux. Les jeunes gens tenaient leurs sabres leves, sans faire beaucoup de gestes; mais l'air et les mouvemens des danseurs devinrent graduellement plus rapides: isl frapperent leurs sabres a des temps mesures, avec une chaleur qui donnait a cet exercice un aspect vraiment dangereux pour le spectateur; quoique la fermete, la justesse, et l'exactitude avec laquelle ils mesuraient leurs coups, assurassent leur salut. La partie la plus singuliere de ce spectacle, etait de voir le courage des femmes; tantot entourees par les combattans, elles ressemblaient aux Sabines entre les mains des Romains leurs amans; tantot marchant sous l'arche d'acier que les jeunes gens avaient formee en croisant leurs armes sur la tete de leurs jolies partenaires , elles ressemblaient aux amazones lorsqu'elles se joignirent pour la premiere fois aux danses pyrriques, avec les guerriers de Thesee. Mais celle qui parmi ces jeunes rilles produisait le plus d'effet et pretait plus d'illusion a ce tableau, etait Mina Troil, que Halcro avait qualifiee de reine des sabres . Elle s'agitait au milieu des combattans, et semblait regarder ces lames levees comme les instrumens de son amusement. Lorsque la danse devenait plus confuse, lorsque le bruit serre et continuel des attunes faisait tressaillir plusieurs de ses compagnes et leur arrachait des signes de frayeur, ses joues, ses levres et ses yeux semblaient annoncer qu'au moment ou les sabres etincelaient le plus et se pressaient davantage autour d'elle, elle etait plus calme et qu'elle se trouvait dans son element. Enfin lorsque la musique eut cesse et qu'elle resta un instant seule sur le plancher, selon que l'exigeait la regle de la danse, les combattans et les jeunes filles qui s'eloignaient d'elle paraissaient former la garde et la suite de quelque princesse, qui, congediees par un signal d'elle, la laissaient un instant dans la solitude. Son regard et son attitude, plongee comme elle paraissait l'etre dans quelque vision imaginaire, correspondaient admirablement avec la dignite ideale que le spectateur lui attribuait; mais revenue bientot a elle-meme, elle rougit en sentant qu'elle avait ete pour un instant l'objet de l'attention generale. Elle fut reconduite a sa place, etc." Qu'on nous pardonne cette citation: c'est un hommage rendu au talent descriptif du barde Ecossais, et sous ce rapport elle peut plaire a ceux qui apprecient les beautes de ses ouvrages. Elle donne d'ailleurs une idee exacte de ces danses guerrierres, empruntees, comme le dit Walter Scot, aux anciens Norwegiens, et qui sont encore le type de toutes celles qui s'executent parmi le peuple, sur les bords des lacs de la Suede, et dans les vallons de la froide Norwege. Elles ressemblent a ces danses scandinaves dont nous avons deja donne la description d'apres Olaus, et annoncent les inclinations belliqueuses de ces nations dont jadis la valeur et l'audace conquirent l'Europe. Au dela du soixante-deuxieme degre de latitude, il ne faut plus chercher la danse et ses heureux transports. Dans ces froides et steriles contrees, l'homme livre tout antier au soin d'assurer son existence, ne connait pus d'autre plaisir, et le sentiment de satisfaction qui en resulte, loin de se repandre au dehors, se concentre dans la jouissance meme. Il semblerait que les memes effets dussent se retrouver sous les memes latitudes et que la danse russe dut presenter le caractere de valeur et d'energie, qu'on remarque dans celles des autres peuples septentrionaux. Mais il n'en est rien, ella a suivi l'impulsion que lui ont donnee les moeurs nationales, dont l'influence est partout inevitable. Dans ce vaste empire, le peuple a vieilli dans l'esclavage; on l'a arrache violemment a ses coutumes grossieres; c'est sans intermediaire qu'il a passe des vices de la barbarie a ceux de la civilisation, et le tableau de la vie licencieuse de ses maitres a acheve de le corrompre. La danse des Russes n'a plus rien de l'austerite des Scythes leurs ancetres: c'est une espece de pantomime dont le sujet est un depit amoureux ou un tendre rapprochement. Elle s'execute en pirouettant sur la plante des pieds et en pietinant sans beaucoup changer de place. Les epaules, les bras et les hanches, sont dans un mouvement continuel. On danse au son de la balaleica , espece de guitare dont le manche est tres-long. Les spectateurs accompagnent l'instrument avec la voix on en sifflant, ce qui forme une musique aussi singuliere que bruyante et animee. Dans les environs de Moscou, les gestes de la danse sont souvent indecens, et ses attitudes sans pudeur. Ils peignent toujours l'amour qui demande, la fausse retenue qui refuse en agacant, et la poursuite qui obtient. Nous ne parlons ici que des danses populaires: dans le monde on danse la walse, l'anglaise, la contre-danse francaise, une sorte de walse balancee, appelee camaica , danse pleine de legerete et de grace. Mais ceux qui executent ces danses etrangeres, eleves eux-memes par des etrangers, n'ont de russe que le nom: ce sont d'aimables cosmopolites habiles a prendre le ton des capitales ou ils out reside. Les danses des habitans de l'Ukraine et des Cosaques, qui vivent sous un ciel moins severe, ont un tout autre caractere. Le sentiment de lent independance y domine; tout y est force ou expression. Les mouvemens en sont rapides; ils offrent ordinairement une image de la guerre et de ses evolutions. La danse est pour ces peuplades libres et errantes un art d'imitation; tandis qu'elle a perdu ce caractere chez des nations plus policees. Selon M. le Clerc, auteur de l'histoire de Russie, il y a une analogie marquee entre les danses russes et cellos des Negres de la cote de Guinee, et il en existe aussi entre les danses des peuples du Nouveau - Monde et celles des Cosaques. Sans tirer aucune induction de ce rapprochement, nons dirons qu'on pourrait en trouver la cause dans un meme degre de sociabilite. Les Polonais, quoique voisins des Russes, ont des danses fort differentes. Elles offrent un tableau ou regnent a la fois la gravite et l'enjouement; l'une d'elles, qui porte particulierement le nom de polonaise , n'est qu'une sorte de marche qui parait destinee a delasser les acteurs des danses pleines de difficultes qui s'executent dans le cours de la soiree. Elle a en meme temps l'avantage d'entretenir les danseurs dans une activite continuelle, et de les preserver des accidens qui peuvent resulter du repos, pris apres ces exercices laborieux. La polonaise est une promenade cadencee qui convient a tous les ages, permet les agremens de la conversation, et dont la duree n'a d'autre limite que la volonte des danseurs, car la musique joue sans aucune interruption. Le maitre de la maison offre sa main a la personne la plus distinguee par son rang, tes autres dames sour pourvues de meme, suivant l'etiquette, et tous ces couples se placant a la suite l'un de l'autre commencent une longue promenade autour de la salle du bal. La mesure de la polonaise est a trois temps; le pas en est fort simple: c'est un coule accompagne d'une reverence fort courte qui donne a cette marche quelque chose de fort original. Tout le monde pout prendre part a cette danse; et lorsqu'un cavalier ne trouve point de dame, ou qu'il souhaite danser avec une femme deja invitee, il s'avance vers ella, fait un salut et frappe des mains; a ce signal, le danseur, averti de ceder au nouveau-venu sa danseuse et sa place, livre l'une et l'autre avec politessa, et va dans la foule cachet son depit ou s'appreter a exercer bientot le meme droit. On suspend la polonaise pour danser le mazoure, les cosaques , etc. Il y a dans le mazoure un balancement qui n'est pas sans agrement: le pas en est d'une execution extremement difficile, surtout pour la mesure. C'est un battement rapide du talon contra terre, et le bruit des eperons, ornament oblige de la chaussure des danseurs, donne au mazoure je ne sais quoi de belliqueux, tout-a-fait en rapport avec le caractere national des anciens Esclavons. La walse est aussi fort en faveur en Pologne; cette danse, si l'on en croit les chroniques, fur l'occasion de la fondation d'une ville celebre. Le nom de Dantzick, vient du mot teuton tanzen , qui signifie danser: on dit qu'elle doit et son origine et son nom a une peuplade allemande qui se rassemblait ordinairement pour danser dans le lieu ou elle est maintenant situee. Cette peuplade prenant de l'accroissement, et voulant fonder une ville, demanda ce terrain a un eveque qui en etait proprietaire. Celui-ci, d'humeur joyeuse, accorda autant d'etendue de terre, que les danseurs pourraient en entourer en se tenant par la main et formant un rond. Pour celebrer cette faveur, tous ensemble parcoururent en walsant le cercle qui devait bientot marquer l'enceinte et les tours de Dantzick. L'Allemagne est la veritable patrie de walse. D'une extremite a l'autre de cette vaste contree, elle regne en souveraine; c'est la danse la plus chere a la nation. Une musique harmonieuse en accelere ou en ralentit le mouvement. Simple comme toutes les danses primitives, elle a des graces qui lui sont propres et caracterisent en quelque sorte les moeurs de la societe allemande en general, ainsi que les relations intimes et innocentes qui existent entre les jeunes gens des deux sexes. Il y a dans l'attitude reciproque des danseurs quelque chose de fier et d'ingenu; chacun est bien a sa place: l'homme soutient sa compagne, et par un mouvement rapide et circulaire, semble l'enlever a tout ce qui l'entoure. La femme cede a ce doux entrainement; et l'espece de vertige que lui cause la walse donne a son regard une vague expression qui augmente sa beaute, on la rend plus touchante. Mais il en est de la danse comme des fruits d'un autre climat, qui, transplantes hors de leur patrie, perdent presque toujours les qualites qui leur sont propres. Il faut avoir vu danser la walse en Allemagne, ou par des Allemandes, pour etre convaincu du degre de decence que cette danse peut conserver. Partout ailleurs, excepte pourtant dans les contrees limitrophes de l'Allemagne, on semble en ignorer l'expression. Le menuet est encore en usage en Allemagne, a Vienne surtout. "Ce sage pays, dit madame de Stael, qui traite les plaisirs comme les devoirs, a de meme l'avantage de ne s'en lasser jamais, quelque uniformes qu'ils soient. Si vous entrez dans une des redoutes destinees aux danses bourgeoises, vous verrez des hommes et des femmes executer gravement, l'un vis-a-vis de l'autre, les pas d'un menuet dont ils se sont impose l'amusement. La foule separe souvent le couple dansant, et cependant il continue comme s'il dansait pour l'acquit de sa conscience. Chacun des deux va tout seul a droite, a gauche, en avant, en arriere, sans s'embarrasser de l'autre, qui figure aussi scrupuleusement de son cote. De temps en temps seulement ils poussent un petit cri, et rentrent tout de suite apres dans le serieux de leur plaisir." Ces remarques, quoique empreintes d'une legere teinte d'ironie, sont cependant celles d'un esprit observateur, et peignent, a un peu d'exageration pres, le caractere des danses allemandes. L'Allemagne a encore des danses connues sous le nom d' allemandes . Elles se dansent a deux ou a quatre et se composent de passes, de figures et d'attitudes variees. Ce sont les danses les plus gracieuses et les plus seduisantes de l'Allemagne. Les hongroises , danses fort vives, et qui tiennent beaucoup des polonaises , ont ete fort a la mode en Allemagne; mais la difficulte de leur execution les a fait abandonner. Elles sont aujourd'hui concentrees dans le pays qui les a vu naitre et dont elles ont conserve le nom. La valaque , dont le nom indique la patrie, et que l'on croit etre la danse des anciens Daces, qui jadis occuperent ta Valachie, a beaucoup de rapports avec la hongroise. Le mouvement en est lent et mesure; les danseurs et les danseuses assez eloignes les uns des autres, font alternativement un demi-tour a droite, un demi-tour a gauche en battant des pieds et des mains. En descendant vers le sud nous traversons des contrees jadis celebres, ou, sous le plus beau ciel, au sein d'une nature riante et fertile, l'homme nait, vit et meurt esclave sous le joug cruel des bourreaux de la patrie d'Homere. Nous ne parlerons point de la danse des Turcs. Malgre la legitimite du despote de Stamboul, on ne doit les considerer, dit M. de Bonald, que comme une horde de barbares dont les tentes sont momentanement dressees en Europe. Cette nation stupide et superstitieuse ne danse point; car le tournoiement rapide des faquirs ne peut etre considere que comme un acre religieux, et ne merite pas le nom de danse. Les Turcs dedaignent cet exercice trop violent pour leur paresse. Ils out des danseurs et des danseuses de profession; mais cette classe est chez eux abjecte et meprisee. Ils les introduisent quelquefois dans leurs harems pour faire diversion a l'eternel ennui qui les ronge; et, blases sur tous les plaisirs, ils font executer devant eux des danses infames, capables de revolter les yeux de l'Europeen le plus indulgent. L'ancienne Macedoine, qui gemit encore sous l'empire des Turcs, a conserve des danses qui peignent sa gloire passee et son infortune presente. De ce nombre est l' arnaute , danse a la fois modeste et guerriere, qui semble une tradition de l'ancien hormus de Lacedemone, mais dans laquelle les symboles de l'esclavage remplacent les nobles marques de l'independance. De meme que toutes les danses grecques modernes, l'arnaute est menee par un danseur et une danseuse; le premier, arme d'un fouet et d'un baton, s'agite, anime la danse; il court rapidement de l'un a l'autre bout du branle, frappant du pied, faisant claquer son fouet, tandis que les autres danseurs, et surtout les femmes, les yeux baisses, les mains entrelacees, le suivent d'un pas egal et modere. Executee quelquefois par les hommes seuls, cette danse prend alors tous les caracteres de la pyrrhique . Quelques auteurs pretendent qu'elle est specialement destinee a perpetuer le souvenir des exploits d'Alexandre. En effet, cette danse, qui reunit quelquefois jusqu'a deux ou trois cents danseurs, dans ses divers developpemens semble offrir l'image d'une armee qui s'assemble a la voix de ses chefs; d'une revue, d'un conseil de guerre, du passage d'un fleuve, de deux armees en presence; enfin, d'un combat general, suivi de l'ivresse de la victoire. Toutes ces circonstances prouveraient que les Arnautes, descendans des anciens Macedoniens, ont conserve la tradition des exploits de cette phalange immortelle qui mit en fuite la cavalerie persane. Ce qui augmente encore cette presomption c'est la chanson guerriere dont les joueurs de flute accompagnent cette danse, et qui commence par ces mots: Ou est Alexandre le Macedonien qui a commande a tout l'univers ? La vue de ces exercices guerriers, cet appel a la gloire des siecles passes, en jetant quelque chose de melancolique dans l'ame des Grecs, doit y faire naitre en meme temps le desir de la recouvrer. Puisse ce noble desir, qui fait faire aux Grecs d'aujourd'hui de si magnanimes efforts, recevoir son entier accomplissement; puissent leurs esperances, partagees par tous les coeurs que les noms de patrie et de liberte font tressaillir encore, n'etre point decues! Les Grecs modernes, malgre leurs longs malheurs, ont conserve les usages de leurs ancetres. Ils dansent encore, soit en chantant, soit au son de la lyre, tantot les mains libres, tantot les mains entrelacees. Mais ce n'est plus autour des autels d'Apollon ou de Diane qu'ils forment des danses; c'est autour d'un vieux chene, a l'ombre de ces antiques platanes que la tradition a consacres, et qu'une pieuse credulite regarde encore comme les contemporains de ces ages glorieux qui virent la Grece libre et triomphante. 1 C'est aussi la qu'aux fetes solennelles, le front couronne de fleurs, ils renouvellent les anciennes orgies, et se livrent presque aux memes exces que leurs aieux. La nature du climat et l'heureuse influence d'un beau ciel portent les Grecs a se livrer par acces a la joie; mais cette joie n'est point tranquille: c'est une ivresse bruyante; ce sont des esclaves qui, oubliant un instant leur triste condition, dansent malgre le poids de leurs fers. Therpsychore ne preside plus a leurs jeux; ils ont oublie le nom dels Muses, comme celui du dieu qui reglait leurs concerts et conduisait leurs danses; mais ils ont conserve un gout passionne pour celles-ci. Ce plaisir, qu'ils achetent tres-cher de leurs tyrans, suffit pour egayer leur penible existence: aussi toutes les occasions de s'y livrer, sont-elles saisies avec avidite. La naissance d'un enfant, un bapteme, une noce, la recolte des bles, des vins, des fruits, sont autant de fetes ou ce peuple infortune, oubliant sa misere, se livre aux transports d'une joie d'autant plus vive, que le despotisme est toujours pret a en comprimer l'elan. Ils rappellent alors dans leurs jeux et leurs danses d'antiques et glorieux souvenire, dont peut-etre la plupart d'entre eux out perdu la tradition. Il y a quelque chose d'attendrissant dans le spectacle de la jeunesse d'Athenes, et des iles de la mer Egee, formant au son des lyres la danse que jadis Thesee inventa pour celebrer sa victoire sur le monstre de Crete, et que tous les habitans de la Grece repeterent a l'envi pour celebrer la delivrance des victimes. C'est encore la danse d'Ariane qui, sous le nom de candiote , reunit les descendans de ces sages Cretois, dont la passion pour la danse egalait celle qu'ils avaient pour les armes. Dans cette danse, image de celle de Dedale, c'est toujours une jeune fille qui conduit le branle, en tenant a la main un mouchoir ou un cordon de soie, embleme du peloton de fil d'Ariane. La candiote a donne naissauce a une autre danse plus generalement repandue, et connue sous le nom de danse grecque . Dans celle-ci, les danseurs et les danseuses, en nombre egal, executent d'abord separement les memes evolutions; ensuite, les deux troupes se reunissent et forment un branle general. Une jeune Grecque, tenant un jeune homme par la main, mene la danse; elle porte un ruban, ou une longue echarpe, dont ils tiennent chacun les extremites; les autres danseurs passent et repassent tour a tour, et comme en fuyant, sous cet arc leger. Cette danse, d'abord tres-lente, s'anime pea a peu, et devient a la fin fort vive. La conductrice, apres avoir fait faire a la troupe plusieurs tours et detours, roule le cercle autour d'elle. L'art de la danseuse consiste alors a se demeler de la file, et a reparaitre tout a coup a la tete du branle (qui souvent est fort nombreux), montrant a la main, d'un air triomphant, son ruban de soie, comme lorsqu'elle a commence la danse. Partout en Grece, le voyageur nourri de la lecture des anciens, retrouve avec emotion des vestiges precieux de leurs usages. Chaque soir les jeunes filles se rassemblent autour de la fontaine, et, comme jadis les vierges d'Eleusis, forment des danses autour du puits sacre de Callichorus , apres avoir rempli leurs vases. On se rappelle involontairement les choeurs de Lacedemone, en voyant dans les campagnes une troupe ou tous les ages se confondent et chantent en dansant de maniere que les plus ages repondent aux enfans qui les provoquent par leurs chansons. Plus loin, c'est n patre qui garde un chetif troupeau de chevres; une flute on une musette egaie ses loisirs; ces sons rustiques attirent des hommes, toujours sensibles aux charmes de la musique: un cercle se forme autour de lui, la danse commence, et ce groupe anime presente le tableau de la plus fraiche idylle de Theocrite. A Misitra, les filles tiennent a leur danseur par un mouchoir et non par la main; et c'est encore la flute qui regle leurs pas cadences. Dans tout le territoire de l'ancienne Lacedemone, on retrouve des vestiges de la pyrrhique : il semble que ces danses guerrieres aient seules des rapports avec le male caractere de ces fiers descendans des Spartiates, qui surent, malgre les malheurs de la patrie, conserver leur independance. Les Spachiotes, renfermes dans les montagnes de l'ancienne Crete, sont de tousles Grecs des iles et du continent, ceux qui ont conserve la tradition la plus: exacte de la pyyrrhique . Ils l'executent revetus de l'ancien costume 1 . Une robe courte serree d'une ceinture, une culotte et des bottines, forment tout leur vetement. Un carquois rempli de fleches est attache sur leurs epaules, un arc tendu arme leur bras. Ainsi pares, ils commencent la danse, qui a trois mouvemens differens. La premiere est a deux temps, et les danseurs sautent alternativement sur un pied et sur l'autre, a la maniere des Valaques. Le pas que marque la seconde a quelque rapport avec celui des danses bretonnes. A la troisieme espece de mesure, ils sautent en avant et en arriere avec beaucoup de legerete. Tant que dure le chant de la pyrrhique , ils forment diverses evolutions: tantot ils decrivent un cercle, tantot ils s'allongent sur deux lignes, et semblent se menacer de leurs armes; ensuite ils se partagent deux a deux, comme s'ils se defiaient au combat. Mais dans tous ces mouvemens leur oreille est fidele a la musique; ils ne s'ecartent jamais de la mesure. Toutes les danses grecques ont du rapport avec celles que nous venons de decrire, et n'en sont que des modifications. On peut en excepter celles qu'on appelle balarita dans l'archipel, et que l'on danse aussi a Smyrne, et dans toute l'Asie mineure. On la regarde comme un reste des danses voluptueses de l'Ionie; elle accompagne principalement les noces et les fetes ou la decence n'est guere observee. Les iles de la mer Egee ont chacune des danses particulieres, dont quelques-unes sont charmantes. Nous ne citerons que celle de la petite ile de Casos , dont M. Savary nous a laisse une description pleine d'agrement. "Une vingtaine de jeunes filles, dit-il, toutes vetues de blanc, la robe flottante, les cheveux tresses, entrerent dans l'appartement. Elles conduisaient un jeune homme qui jouait de la lyre et s'accompagnait de la voix. Elles commencerent a se ranger en rond, et m'inviterent a danser. Le cercle que nous formames est singulier, par la maniere dont il est compose. Le danseur ne donne point la main aux deux personnes qui sont le plus pres de lui, mais aux deux suivantes; de sorte que l'on a les bras croises, devant et derriere ses voisines, qui se trouvent ainsi enlacees dans les anneaux d'une double chaine. An milieu du cercle se tenait le musicien; il jouait tet chantait en meme temps, et tout le monde suivait exactement la mesure, soit en avancant, soit en reculant, soit en tournant autour de lui." C'est ainsi qu'au milieu de tant de ruines, la danse est restee parmi les Grecs, comme un simulacre de leur ancienne prosperite: elle presente encore, sous son plus aimable aspect, le caractere national. Aujourd'hui que de vaillantes mains s'occupent a replacer sur son trone l'antique trine des beauxarts; que du sein de la Grece s'elevent de toutes parts de nouveaux Thesees pour la defendre, et pour detruire les tyrans qui depuis taut de siecles oppriment la terre des muses, aujourd'hui la tradition des jeux de leurs ancetres, conservee avec celle de leur valeur, devient en quelque sorte le presage d'un plus heureux avenir. N'en doutons point; pour prix de tant d'efforts, les enfans de Sparte et d'Athenes celebreront par ces memes danses, la fete sacree de leur nouvelle delivrance; et tous les peuples genereux applaudiront a leurs joyeux transports. Le beau genie qui avait illustre les contrees celebres que nous venons de parcourir, avait repandu sa brillante clarte dans tous les lieux qu'habitaient les Grecs; et la partie de l'Italie qui se nommait la grande Grece , etait parvenue au meme degre de civilisation, et avait les memes usages que la Grece proprement dite. Le temps les a fort alteres. Cependant on en retrouve encore des traces sur toute la cote meridionale de l'Italie, particulierement sur celle qui forme le golfe de Tarente. Le soir, apres le coucher dur soleil, on entend ces bords retentir des chants joyeux dont les villageoises accompagnent leurs danses rustiques. Attires par le son des guitares, les pecheurs quittent leurs barques; et les matelots, se confiant a la donceur de ces mers tranquilles, viennent se meler aux jeux des pasteurs. Dans ces contrees, la musique et la danse jouissent d'une grande faveur. A Reggio et dans la Pouille, par un souvenir traditionnel de la medecine des anciens, on emploie le charme de ces deux arts reunis pour guerir diverses affections morales, ainsi qu'un mal particulier a ce pays, cause par la piqure de la grosse araignee appelee tarentule . Quoique plusieurs anteurs aient revoque en doute les effets da cette piqure, il est certain qu'ils ne sont point imaginaires, puisque, loin d'exciter une compassion lucrative, cette maladie, de meme que le mal caduc dans d'autres pays, jette une sorte de defaveur et de honte sur les personnes qui en sont attaquees. On doit a M. Castelan des details extremement curieux sur cette maladie et sur la danse qui enest le remede. Quoique dans ce cas particulier, cette sorte d'exercice ne soit pas consacree an plaisir, nous ne pouvons resister au desir d'emprunter a l'auteur des Lettres sur l'Italie la description d'une scene dont il a ete temoin et qui rappelle d'anciens usages. C'est dans la ville de Brindisi que l'anteur a recueilli ses observations. "Nous entrames, dit-il, dans une salle basse. Les tours en etaient ornes de guirlandes de feuillages, de bouquets et de pampres charges de leurs fruits. On avait aussi suspendu de distance en distance de petits miroirs et des rubans de toutes couleurs. L'orchestre occupait l'un des angles de la salle; il etait compose d'un violon, d'une basse; d'une guitare et d'un tambor de basque. La femme qui dansait n'avait que vingt-cinq ans; ses traits etaient reguliers, mais alteres par la maigreur. Sa physionomie triste et abattue contrastait avec sa parure tres-recherchee et bariolee de rubens et de dentelles, d'or et d'argent: les tresses de ses cheveux etaient eparses, et un voile de gaze blanche tombait sur ses epaules. Elle dansait sans quitter la terre, avec nonchalance, en tournant sans cesse, et en tournant encore sur elle-meme. Ses deux mains tenaient les extremites d'un mouchoir de soie; en le balancant et l'elevant au-dessus de sa tete, elle offrait absolument la pose de ces bacchantes qu'on voit sur certains bas-reliefs antiques. "L'air qu'on jouait en ce moment etait langoureux, trainant sur des cadences, et repete da capo , jusqu'a satiete. On changea enfin de motif, celui-ci etait moins lent; et un troisieme devint plus vif, precipite et sautillant. Ces morceaux de musique formaient unc succession de rondeau. On passait alternativement de l'un a l'autre, revenant enfin au premier pour donner un peu de repos a la danseuse et lui permettre de ralentir ses pas, sans neanmoins cesser de denser; car elle suivait le mouvement de la musique, et a mesure qu'il s'animait elle s'agitait et tournait avec plus de vivacite. Ses amies cherchaient a la distraire par toutes sortes de moyens; on lui offrait des fleurs et des fruits; elle les tenait un moment et les jetait ensuite. On lui presentait aussi des mouchoirs de diverses couleurs, qu'elle agitait en l'air pendant quelques instans. "Plusieurs femmes danserent successivement avec elle, de maniere a attirer son attention et a lui inspirer de la gaiete, sans pouvoir y reussir. L'exercice violent qu'elle paraissait prendre a contre-coeur, mais par une sorta d'entrainement irresistible, la fatiguait beaucoup, car la sueur decoulait de son front, sa poitrine etait haletante, et l'on nous dit que cet etat devait se terminer par une suspension totale des facultes." Si cette maniere de chasser les noires vapeurs qui souvent offusquent le noble genie de l'homme n'est point la plus efficace, elle est au moins douce et humaine. En effet, que ne pourraient sur une imagination malade les soins de l'amitie, la vue d'objets rians, les parfums, l'harmonie, et surtout la danse! Cet art enchanteur convient au caractere vif et passionne des Italiens. On voit dans la Calabre les laboureurs se mettre en marche pour aller cultiver les terres avec un joueur de violon a leur tete, et danser de temps en temps pour se reposer de la marche. Dans l'heureuse Campanie la danse exerce un grand pouvoir. Le chant, la musique et diverses saltations semblent y etre un besoin, tant ces plaisirs ont de charme pour ses habitans. Ils se melent meme, comme chez les anciens, aux exercices religieux. Il y a tous les ans pres de Maples une fete consacree a la Madone de la grotte , dans laquelle les jeunes filles dansent au son du tambourin et des castagnettes. A Naples et dans toutes les grandes villes de ce royaume, les femmes executent la tarentelle , ainsi nommee, parce que la musique, tour a tour lente ou acceleree, a quelque rapport avec celle de la tarentule . Cette danse est pleine de grace et d'originalite; mais comment en parler apres Corinne? On ne peut en donner une idee qu'en copiant la charmante description qu'elle en fait. "Corinne, avant de commencer, fit avec les deux mains un saint plein de grace a l'assemblee, et tournant legerement sur elle-meme, elle prit le tambour de basque que le prince d'Amalfi lui presentait; elle se mit a danser en frappant l'air de ce tambour, et tous ses mouvemens avaient une souplesse, une grace, un melange de pudeur et de volupte qui pourraient donner une idee de la puissance quo los bayaderes exercent sur l'imagination des Indiens. "Corinne connaissait si bien toutes attitudes quo representent les peintres sculpteurs antiques, que, par un leger mouvement de ses bras, tantot au-dessus de sa tete, tantot en avant avec une de ses mains tandis que l'autre parcourait les grelots avec une incroyable dexterite, elle rappelait les danseuses d'Herculanum, et faisait naitre successivement une foule d'idees nouvelles pour le dessin et la peinture. "Il y a un moment dans cette danse napolitaine ou la femme se met a genoux tandis que l'homme tourne autour d'elle, non en maitre, mais en vainqueur. A la fin de danse l'homme se jette a genoux a son tour, et c'est la femme qui danse autour de lui. En cet instant Corinne se surpassa s'il etait possible encore; sa course etait si legere en parcourant deux ou trois lois le meme cercle, que ses pieds chausses de brodequins volaient sur le plancher avec la rapidite de l'eclair; et quand elle eleva l'une de ses mains en agitant son tambour de basque, et que de l'autre ella fit signe au prince d'Amalfi de se relever, tous las hommes etaient tentes de se mettre a genoux comma lui." Le sejour des Francais a Naples, comme dans toutes ies capitales ou nous avons plante nos drapeaux, y a introduit las danses francaises. Dans las societes du grand monde nos contredanses sont en usage, et l'une d'elles, appelee la francesca , se compose des plus jolies figures de la danse francaise: mais ces etrangeres ne depassent point les salons ou leurs graces las ont fait admettre, et le peuple se contentera encore long-temps des rondes et des autres danses qui lui sont familieres. En remontant la cote meridionale de l'Italie jusqu'a Viterbe, on remarque peu de danses particulieres. Nons ne parlerons que du saltarello , qu'on peut regarder comme national. Il figure dans toutes les fetes villageoises de la campagne de Rome, et le peuple de la ville sainte l'admet au hombre de ses divertissemens. Le saltarello romain a un mouvement tout antique, et l'air sur lequel on le danse n'appartient pas davantage aux temps modernes. Cet air, tres-uniforme, peche, au dire des connaisseurs en musique, contre toutes les regles de notre systeme musical; cependant il n'a rien qui choque l'oreille. Le saltarello , ainsi que son nom l'exprime, se danse tres-vites, et en sautant avec une rapidite toujours croissante. Chaque danseur s'efforce d'y surpasser l'autre en agilite. La quantite des danseurs n'est pas determinee; lorsqu'ils sont en grand nombre, ils dansent alternativement deux a deux: le cavalier joue de la guitare en dansant, et sa dame releve son tablier, ou joue du tambourin. Quelquefois les hommes le dansent entre eux, ce qui a lieu alors sans musique. Le saltarello , comme nous l'avons dit, figure dans tomes les fetes de campagne; c'est aussi la danse des vignerons, des jardiniers et des autres gens de la meme classe qui habitent Rome. On l'execute dans les rues et sur les places, ou les spectateurs sont dans l'usage de donner un pour-boire aux danseurs, qui, la plupart du temps, s'accompagnent avec la musette. C'est principalement au mois d'octobre et apres la vendange, dans les rejouissances qui ont lieu a cette epoque, a Monte-Testaccio, qu'il faut aller voit danser le saltarello , par les vignerons et leurs femmes. Il serait assez difficile de donner une juste idee de cette danse, a laquelle tout le corps prend part, ou chacune de ses parties reclame a la fois une egale attention, et ou les bras sont presque plus en mouvement que les jambes. Ces mouvemens, quoique tres-varies, sont assujettis a de certaines regles, auxquelles les graces naturelles du peuple romain ne laissent pas de preter un charme infini. On doit mettre an hombre des danses nationales italiennes, la trevisane , la furlane , et le trescone , espece de walse ou de sauteuse tresusitee en Toscane. N'oublions pas l'elegante et simple montferine , a laquelle la vivacite, la grace, la souplesse des Milanaises donnent taut de charmes. Cette danse, du genre des perigourdines francaises, se danse a deux. C'est un balancement gracleux, un changement de main successif, sans autre figure que d'aller en avant et en arriere. Les pas ne sont rien; l'attitude du corps est tout. Souvent, comme dans la perigourdine , un dernier venu, se glissant adroitement au milieu des danseurs dont le hombre est indetermine, guette l'instant ou l'un des cavaliers balance avec sa dame; il s'empare de la danseuse, et force son rival a la retraite. Cette licence, autorisec par l'usage, jette beaucoup de gaiete dans cette danse; la crainte de perdre leur dame rend les cavaliers plus attentifs, et par consequent plus aimables; tandis que les jeunes beautes, ainsi disputees, semblent acquerir plus d'attraits et plus de legerete. On danse la montferine dans toute la haute Italie; elle est chere aux peuples comme aux grands; de toutes les danses italiennes c'est celle que nos Prancais avaient le mieux retenue, et plus d'une fois son souvenir excita les regrets de nobles guerriers qui, jeunes encore, l'avaient dansee aux fetes de la victoire, a une epoque deja bien eloignee de nous. Nous terminerons par l'Espagne notre course europeenne. S'il est vrai que le theatre des nations graves soit plus gai que celui des nations enjouees, la cause de ce contraste, quelle qu'elle soit, doit etendre son action hors de l'enceinte d'une salle de spectacle, et influer sur d'autres divertissemens. Ne nous etonnons donc pas de voit le caractere apparent des Espagnols en opposition parfaite avec le fandango , leur danse favorite, et qui exerce sur eux l'irresistible empire des choses vraiment nationales, de celles auxquelles se rattachent de longs souvenirs. Le fandango et le bolero , que l'on regarde generalement comme un reste des danses mauresques , nous semblent plutot une tradition de ces danses voluptueuses qui, dans l'antiquite, valurent aux saltatrices de Cadix une celebrite attestee par les historiens: selon eux, ces femmes dangereuses possedaient tellement l'art d'exciter les passions, que les poetes n'ont pas trouve d'expressions assez fortes pour peindre la volupte qu'elles inspiraient. Leur saltation se divisait en trois parties que l'on nommait chironomie , le jeu des mains; halma , le jeu des pieds, et lactisma ; l'art des sauts eleves. Les danseuses iberiennes ont encore aujourd'hui les memes attraits, et lent danse exerce encore le meme pouvoir. Aussitot qu'on joue le fandango dans un bal, tous les visages s'epanouissent, tous les yeux s'animent, et les personnes memes que leur age ou lent etat condamnent a l'immobilite, ont peine a se defendre du charme de la cadence. On connait l'historiette imaginee pour peindre la puissance de cette jolie danse sur les spectateurs les moins prevenus. Le Proces du Fandango , que nous avons porte sur la scene du Vaudeville; est le developpement d'un petit conte que l'on ne manque pas de faire aux etrangers scrupuleux, que l'aspect de cette danse trop vive fait rougir. Cependant le fandango change de caractere suivant les lieux ou il est admis. Le peuple le demande souvent sur le theatre; il termine presque toujours les bals particuliers: alors il est decent en apparence, et se borne a indiquer d'une maniere vague l'intention voluptueuse qui le caracterise. Mais dans d'autres occasions, quand un petit hombre de spectateurs en gaiete croient pouvoir se dispenser des scrupules, cette meme intention est si prononcee, que l'eflet qu'elle produit est complet. "Le fandango, dit un observateur des "moeurs espagnoles, ne se danse qu'entre "deux personnes qui jamais ne se touchent, "meme de la main; mais en les voyant s'agacer, "s'eloigner tour a tour, et se rapprocher; "en voyant comment la danseuse, an "moment ou sa langueur annonce une prochaine "defaite, se ranime tout a coup pour "echapper a son vainqueur; comment celui-ci "la poursuit, et en est poursuivi a son "tour; comment les differentes emotions "qu'ils eprouvent sont exprimees par leurs "regards, leurs gestes et leurs attitudes, on "ne peut y meconnaitre la cause de la seduction "qu'il exerce, et les raisons qui le "feront toujours rejeter du nombre des danses "que la pudeur et la delicatesse europeennes "peavent avouer." C'est au charme des antiques souvenirs qu'ont doit attribuer le gout que les Espagnols out pour le fandango , qu'ils aiment passionnement a voir danser, mais que trespeu d'entre eux savent. On peut meme assurer, d'apres les observations des voyageurs, que la danse n'est pas populaire en Espagne: ni le peuple, ni les villageois ne dansent. Dans les fetes champetres, a la fin d'un refresco , on voit quelquefois un couple de danseurs s'avancer, et executer au son des castagnettes le fandango ou le bolero , danse plus energique, et moins decente encore. Les assistans applaudissent avec transport, partagent l'ivresse des saltateurs, mais ne les imitent point. Il faut a l'Espagnol des spectacles qui l'emeuvent profondement, et non des exercices qui le fatiguent. Celui de la danse n'est point compatible avec son amour pour le repos. La musique convient mieux a son imagination reveuse. Il chante l'amour, la gloire de ses heros; et fier de cette gloire ancienne, il en jouit avec une sorte d'orgueil. La seguidillas , autre danse espagnole, se figure a huit, comme nos contre-danses; a chaque coin les quatre couples retracent en passant les principaux traits du fandango . C'est dans la seguidillas qu'une Espagnole, habillee suivant son costume, accompagnant les instrumens des castagnettes, et marquant du talon la mesure avec une rare precision, devient un des ob jets les plus seduisans dont l'amour puisse se servir pour etendre son empire. Les bals particuliers sont assez frequens en Espagne. Ils ont une sorte de president, qui, sous le nom de bastonero , veille a ce que le bon ordre regne an milleu des plaisirs. C'est lui qui est charge surtout de faire danser deux menuets a chacun des acteurs, et d'assortir les couples de maniere a faire autant d'heureux et aussi peu de mecontens que possible. Quant aux bals publics et aux mascarades, ils sont defendus dans toute l'Espagne depuis le regne de Philippe v. M. d'Aranda avait essaye de les faire revivre a Madrid; mais ils n'ont pas survecu a son administration. Les Francais, durant leur sejour en Espagne, les avaient retablis; nous ignorons si l'inquisition ne les a pas fait de nouveau disparaitre. Le Portugal, frere de l'Espagne, ayant avec elle une grande conformite de moeurs, de gouts et de langage, a presque les memes plaisirs, et a peu de chose pres les memes danses. Lisbonne seule voit quelques danses etrangeres egayer ses reunions; et cette admission est due au sejour des voyageurs, qui viennent chaque annee recouvrer la sante sous l'heureuse influence de son beau ciel, et respirer la brise embaumee de ses campagnes. Dans cet apercu de l'etat actuel de la danse, dans les principales contres de l'Europe, nous nous sommes abstenus, et nos lecteurs nous en sauront gre, de donner des details choregraphiques qui auraient eu pen d'interet, et qui d'ailleurs seraient sortis du plan que nous nons sommes trace. OBSERVATIONS GENERALES SUR LA DANSE DES QUATRE PARTIES DU MONDE. Parmi les auteurs qui ont ecrit sur la danse, M. Moreau de Saint-Merry est le seul qui air cherche un rapport entre l'expression des danses et le caractere national de ceux qui les executent. Il a remarque que pour les peuples agriculteurs et pasteurs la danse est un plaisir, tandis qu'elle n'est qu'une nouvelle fatigue pour ceux qui vivent de la chasse ou des produits d'une peche perilleuse. Selon lui, le gout de la danse est une sorte de frenesie pour les etres soumis a l'action la plus directe du soleil; et son eloignement ou son rapprochement pourrait en determiner graduellement la violence. D'autres causes influent aussi sur le plus ou moins de penchant pour la danse; une vie heureuse ou miserable, des occupations douces ou penibles, enfin des souvenirs nationaux plus ou moins vifs, des traditions plus ou moins effacees. En examinant les danses europeennes, et les comparant a celles des autres parties du globe, nous nous appuierons sur cette observation deja faite, que le caractere distinctif des premieres est la reunion des deux sexes. Nous avons indique dans la plupart de ces danses, et a differens degres, politesse, deference, protection, devouement de la part de l'homme; pudeur, confiance, agacerie, abandon de la part de la femme. Nuls dans le reste de la terre, ces aimables fruits de la sociabilite n'existent qu'en Europe. Deux seuls mobiles semblent guider les autres peuples dans la manifestation de leur joie, depuis le paisible Hottentot jusqu'au fier Japonnais, depuis la voluptueuse bayadere jusqu'au pauvre sauvage des lacs de l'Amerique: l'amour ou la guerre leur inspire des danses gracieuses ou rustiques, monotones ou bruyantes, voluptueuses ou sanguinaires. Une heureuse comparaison du chantre de Paul et Virginie va servir a developper notre idee. Bernardin de Saint-Pierre, dans ses ingenieuses et brillantes Harmonies, a caracterise les differentes parties du monde sous les principaux traits de l'age l'age de l'homme. Selon lui, l'Amerique, jeune par l'epoque de sa decouverte, presente dans ses rapports physiques et moraux tous les signes caracteristiques de l'enfance. L'Afrique, ardente et passionnee, aimant avec la meme fureur la guerre, les femmes et la danse, represente la jeunesse. Il assimile l'etat de l'Europe, jouissant des fruits de l'experience, sage par temperament, moderee par delicatesse, a celui de l'homme fait; tandis que l'antique Asie, attachee avec une opiniatrete qu'elle s'est rendue elle-meme venerable, a ses moeurs, a ses coutumes superstitieuses, offre une parfaite image de la vieillesse. En partant de cette supposition on pourrait peut-etre trouver le type des danses particulieres a ces differentes contrees; quoi qu'il en soit, nous suivrons l'ordre de la division tracee par Bernardin de Saint-Pierre, bien qu'elle nous force a intervertir dans notre marche celui auquel on est accoutume en parlant de ces grandes portions de la terre. Nous commencons par l'Amerique; nous jetterons ensuite nos regards sur l'Afrique. Apres avoir renvoye le lecteur au chapitre precedent pour les danses nationales de l'Europe, nous terminerons notre course par l'Asie. On sentira que dans cette marche rapide nous ne pouvons entrer dans de grands details; leur immensite exigerait un cadre bien plus etendu, et leur frequente repetition deviendrait fastidieuse. Les Indiens du Nouveau-Monde out en general peu d'energie; leurs danses, denuees d'art, comme celles du premier age, paraissent etre le resultat d'une joie spontanee semblable a celle des enfans auxquels leur ignorance et l'extreme mobilite de lent caractere peuvent les assimiler. C'est une reunion d'evolutions bizarres que le gout n'a point encore inspirees, ce sont des rondes accompagnees de sauts burlesques et de chants monotones. Voici comme en parlent les voyageurs modernes: "Chez les Indiens du Canada, le soir les feux sont allumes devant toutes les tentes, et les hommes, les femmes, les enfans confondus, mangent ensemble quelques morceaux de poisson sale. Bientot la danse commence a la lueur des torches d'ecorce de bouleau portees par de vieilles femmes. On place sur le sol une piece de bois d'une quinzaine de pieds de longueur, a une extremite de laquelle s'assied un homme qui bourdonne une espece de chant, en s'accompagnant d'une calebasse pleine de petites pierres. Tous les danseurs se suivent en dansant en ovale autour de la piece de bois, et si serres qu'ils se marchent sur les talons. Les squas ou jeunes filles et quelques hommes ne font que suivre la marche; mais les autres se demenent de toutes leurs forces, battent des mains, frappent du pied la terre sans perdre la mesure do la calebasse et de l'harmonie uniforme du yo-he-ou-a-ou , qu'ils semblent tirer de leur poitrine. Quelquefois ils en rompent la monotonie par des cris et des hurlemens qui, joints a leurs gestes bizarres et a leurs cheveux herisses, feraient croire a un etranger qu'il est au milieu d'une bande de fous. "Chez les Sioux-Tetous , pres du Missouri, l'orchestre se composait d'environ dix hommes, dont quelques-uns frappaient sur une espece de tambourin forme d'une peau tendue sur un cercle, tandis que les autres leur repondaient avec un long baton auquel etaient suspendus des pieds de daims et de chevres. Il y avait un troisieme instrument fait d'une penn comme un ballon, ou l'on avait mis quelques cailloux. A ces dix musiciens etaient joints cinq ou six jeunes gens charges de la partie vocale. Les femmes ouvrirent le bal et s'avancerent toutes, tres-singulierement accoutrees. Les unes tenaient en main des perches ou etaient suspendus les cranes d'ennemis vaincus; d'autres portaient des fusils, des piques et differens trophees enleves a la guerre par leur maris, leurs freres et leurs parens. S'etant alors rangees sur deux colonnes, des que la musique se fit entendre, elles s'avancerent au devant les unes des autres, jusqu'a ce qu'elles se rencontrassent au centre. Un charivari general de la musique ayant alors eu lieu, elles pousserent toutes de grands cris ets'en retournerent a leurs places. Elles n'ont aucun pas particulier, et ne font que marcher en cadence. "La danse des hommes qui se tiennent toujours separes des femmes, s'execute de la meme maniere, sinon qu'au lieu de marcher, ils vont et viennent en sautant dans les momens de repos; un homme de la troupe se leve et improvise une histoire tragique, risible ou indecente, qui est repetee par toute la societe; d'autres fois, les danseurs forment une espece de ronde , mais sans se tenir par la main comme en Europe. Chacun fait diverses figures des pieds et des mains, suivant son caprice; et quoique tous ces mouvemens soient absolument differens, aucun des danseurs ne perd cependant jamais la cadence. Ceux qui savent le mieux varier leurs postures, et se donner le plus d'action, sont reputes les meilleurs danseurs. La musique est composee de plusieurs reprises; chaque reprise dure jusqua'a perte d'haleine. Apres quelques momens de repos, ils en recommencent une autre. Ils suivent de la voix, par un he, he , continuel, l'air en meme temps qu'ils le dansent." On peut remarquer que la danse s'est ante aux idees de la civilisation, et a fait partie du systeme religieux, chez tous les peuples rassembles en grands corps de nations: 9 c'est ainsi que les Hurons et les Iroquois, ayant un culte, des lois et des moeurs etablis, avaient place la danse au rang des premieres institutions. Elle est encore pour ces peuples sauvages l'image de la felicite eternelle; ils croient a l'immortalite de l'ame, et pensent que celles qui quittent la terre dansent sans cesse dans le sejour des spheres celestes. Aussi point de festins mortuaires sans danses. Celles-ci, appelees danses du chant , sont ou religieuses ou guerrieres. Une particularite qui les distingue, c'est qu'elles s'executent a l'aide de chants improvises par chaque danseur, mais dont le refrain est repete par tous les assistans, avec une justesse d'intonation que les Europeens ne peuvent atteindre. C'est autour de plusieurs feux allumes que chacun danse a son tour pour honorer les ames; apres avoir rempli ce devoir par des contorsions, et des gesticulations multipliees, le danseur fatigue indique par un petit present celui qui doit lui succeder. Les femmes ne sont jamais admises a figurer dans ces sortes de danses, mais elles peuvent en etre spectatrices, ainsi que les enfans. Il existe aussi parmi les nations qui peuplent les bords du Missouri des danses du meme genre, mais la, les femmes en font partie." "La fete se termina par une dense religieuse, dit un temoin occulaire, chacun tenait a la main la peau d'un petit animal. Les acteurs des deux sexes formaient un cercle entre-mele, et apres des gestes bizarres, quelques-uns d'entre eux soufflaient sur les autres danseurs, en se montrant cette peau, ceux sur lesquels on soufflait se laissaient tomber comme s'ils eussent ete morts. Le droit de souffler ainsi n'appartient qu'a certains inities, auxquels ces peuples attribuent un pouvoir magiqui." Une autre sorte de danse qui est aussi du ressort de la divination est celle que les jongleurs ordonnent souvent comme un acte de religion pour la guerison des malades, Elle s'execute au milieu de la place du carbet ou devant la hutte de celui qu'on veut soulager, en cherchant e conjurer les manitous. Les femmes, vetues de leurs plus beaux habits, y jouent le role principal. Selon le pere Lafitau, qui a tire d'ingenieuses inductions des moeurs americaines, en les comparant a celles des anciens, ces peuples sauvages ont comme les Grecs, des danses sacrees, et en executent d'autres ou l'on fait le panegyrique des morts et la critique des vivans. Ces dernieres sont particulieres aux nations, huronnes et iroquoises. Dans l'une d'elles, un orateur entretient les invites des guerriers celebres, dont on doit honorer par la danse les hauts faits et le souvenir. Apres cet expose, le danseur retrace par une pantomine pleine de verite tous les acres remarquables des heros, et remplissent ainsi l'ame des spectateurs d'entousiasme et d'admiration. Dans la danse satyrique, les hommes se placent sur deux lignes, la face tournee l'un vers l'autre. Chacun alors essaie de peindre, en chantant et en dansant, les ridicules ou les defauts de son vis-a-vis; l'autre riposte par les memes moyens, ce qui forme une suite de scenes aussi plaisantes que grotesques. Celui qui parvient a mettre son adversaire au point de ne pouvoir repondre est proclame vainqueur, et passe pour le plus spirituel. Une chose digne de remarque, c'est que quelque piquans que soient les traits railleurs que se lancent mutuellement les danseurs, cette danse ne cause jamais de querelles: par une mobilite enfantine qui n'appartient qu'au caractere de ces peuples, ils oublient ce qui les a blesses, et ne conservent que l'impression du plaisir qu'ils ont goute.-Nous doutons que cette danse soit jamais admise en Europe. Dans l'Amerique meridionale, soit que les peuple's soient moins libres ou moins heureux, soit que trois siecles de civilisation europeenne n'aient point encore efface l'impression de terreur qu'a du laisser dans leur esprit la grande catastrophe qui livra leur patrie a des nations etrangeres, il regne dans leurs chants et leurs danses je ne sais quoi de triste et de langoureux, lors meme qu'il s'y mele des idees de querre ou de volupte. La cruaute des nations sauvages qui vivent dans les vastes forets du Bresil, le peu d'avancement dans l'etat de sociabilite, leurs moeurs sanguinaires les rendent incapables de se livrer au plaisir de la danse. Les naturels des provinces qui bordent le golfe du Mexique, sont generalement chasseurs ou guerriers. Quelques peuplades agricoles ou pastorales font exception; la ronde est leur unique danse; ils l'executent en repetant sur des airs monotones des chansons fort simples et moins spirituelles que celles des peuples plus septentrionaux. Les autres tribus indiennes soumises aux Portugais, empruntant leurs danses des etrangers qui les gouvernent, semblent avoir entierement oublie leurs antiques traditions, et ne connaitre d'autres moeurs que celles de leurs maitres. Patrol ces danses empruntees il en est une qu'ils affectionnent singulierement, et qui est fort en vogue dans la province de Venezuela; c'est la badueca , espece de bolero . Guides par le son d'une guitare, les danseurs executent plusieurs mouvemens assez indecens, en battant des mains, et faisant un grand bruit avec leur langue. Nous ne parlons dans cet essai que des danses purement nationales. Celles des Etats-Unis, et des differentes colonies europeennes etablies en Amerique, tenant plus ou moins aux danses de leur mere-patrie, ne peuvent etre regardees comme indigenes, et consequemment ne peuvent participer du caractere assigne a ces peuples par la nature. Si l'Amerique n'offre dans ses danses que des idees de civilisation pea developpees, si le besoin du mouvement, plutot que l'intention du plaisir, s'y fait ressentir l'Afrique, au contraire, semble etre la vraie patrie de la danse. C'est la qu'elle cause une ivresse pareille a celle des boissons spiritueuses a l'aide desquelles les autres peuples de la terre endorment leurs chagrins. L'Africain, arrache aux climats qui l'ont vu naitre, porte avec lui sous d'autres cieux, au sein meme de l'esclavage, ce gout distinctif de sa nation. Il se rappelle sa patrie par des danses nocturnes, et en transmet les traditions a ses enfans, dans les heures destinees a le delasser de ses cruels travaux. La danse africaine, consideree comme la manifestation des secrets penchans de l'individu, revele dans ses evolutions toute la violence du caractere des peuples noirs. Les grandes nations qui se partagent le vaste continent de l'Afrique, toutes diverses de moeurs et de langage, se ressemblent en un point, e'est la passion de la danse portee au plus haut degre. Elle anime egalement les fetes interieures des harems de l'antique Egypte, de Tunis et d'Alger, et celles des hordes barbares qui dressent leurs tentes au pied de l'Atlas; elle charme les loisirs des nombreuses peuplades qui s'etendent sur les rives du Senegal et les tribus errantes des Cafres; il semble meme que son enivrement soit necessaire aux malheureux noirs des cotes de Guinee et de Zanguebar, pour supporter une existence que leurs chefs despotiques rend si penible. D'une met a l'autre la danse etend son empire, et, partout uniforme dans son principe, elle varie seulement dans ses expressions. Chez les peuplades connues par leurs moeurs cruelles, la demonstration de la joie a quelque chose de feroce, tandis que chez d'autres qui se livrent a des occupations paisibles, et trouvent dans la vie pastorale ou dans l'agriculture ce qui suffit a leurs besoins, la danse n'est qu'un delassement ou des evolutions gracieuses peignent un naturel plus doux et plus sociable. Les Mandigues, les Serawoulis, et les autres peuples qui habitent les bords sinueux de la Faleme et de la Gambie, accueillent les etrangers par des fetes et des danses. "La lutte fut suivie de la danse, dit Mungo-Parck. Les danseurs etaient nom petits grelots autour des bras et des jambes. Leurs pas etaient regles par le son du tambour; celui qui frappait cet instrument se servait d'une baguette crochue qu'il tenait dans sa main droite, et en meme temps il amortissait le son de l'autre main avec beaucoup d'art, afin de varier la musique. Le soir on nous invita a des jeux publics, par lesquels on celebre toujours l'arrivee d'un etranger. Nous vimes une foule de peuple formant un grand cercle autour de quelques danseurs; de grands feux allumes eclairaient la scene. Quatre musiciens battaient le tam-tam avec beaucoup de justesse et d'ensemble. La danse vive et bruyante consistait plus en gestes expressifs qu'en pas difficiles et en attitudes gracieuses." Parmi les peuplades que nous venons de nommer, se distinguent par l'ordre et par la proprete des villages les habitans du royaume de Galam. Les places publiques, nommees bentam , sont ornees de gros arbres tres-touffus, a l'ombre desquels se reunissent les habitans pour traiter de leurs affaires, ou se livrer au plaisir. Pendant une partie des nuits le bentam est le theatre de jeux et des danses de la jeunesse des deux sexes, excitee par le son des tam-tams, les cris et les contorsions des farceurs et des griots ou faiseurs de tours. Mais de toutes les nations africaines, celle qui habite la Nigritie peut etre citee comme la plus passionnee pour la danse. "Partout c'est-un plaisir, ici c'est une passion. Dans ce climat, que le soleil semble embraser de ses feux, le sang allume par une chaleur continuelle contient le germe de toutes les voluptes; et dans leur rapide existence, les peuples du midi veulent compter tous leurs momens par des jouissances." C'est pour le negre surtout que la danse est pleine d'attraits; elle produit chez lui l'enivrement, excite ses passions fougueuses; et quelquefois ce plaisir est pris avec un tel exces, qu'il est suivi de l'aneantissement total des forces du danseur. Le son des instrumens qui reglent ses pas est propre a causer cette sorte de vertige. Quand les negres veulent danser, ils prennent deux tambours, c'est-a-dire deux petits tonneaux d'inegale longueur, dont l'un des bouts reste ouvert, tandis que l'autre recoit une peau de mouton bien tendue. Ces tambours (dont le plus court se nomme bamboula , parce qu'il est fait d'un bambou qu'on a creuse), resonnent sous les coups de poignet, et les mouvemens des doigts du negre qui s'y tient a califourchon. On frappe lentement sur le plus gros, et avec beaucoup de velocite sur le plus petit. Ce son monotone et grave est accompagne par le bruit d'une quantite de petites calebasses ou l'on a mis des cailloux, et qui sont percees dans leur longueur par un long manche qui sert a les agiter. Des banzas , especes de guitares grossieres a quatre cordes, se melent au concert, dont les mouvemens sont regles par le battement de mains des negresses qui forment un grand cercle: elles composera toutes une sorte de choer, qui repond a une ou deux chanteuses principales, dont la voix eclatante repete ou improvise une chanson. "Un danseur et une danseuse, ou des danseurs pris en nombre egal dans chaque sexe, s'elancent au milieu de l'espace et se mettent a danser, en figurant toujours deux a deux. Cette danse peu variee consiste dans un pas fort simple ou l'on tend successivement chaque pied, et ou on le retire en frappant precipitamment de la pointe et du talon sur la terre, comme dans l'anglaise que l'on danse sur nos theatres. Des evolutions faites sur soi-meme ou autour de la danseuse qui tourne aussi et change de place avec le danseur, voila tout ce qu'on apercoit, si ce n'est encore le mouvement des bras que le danseur abaisse et releve, en ayant les coudes assez pres du corps et la main presque fermee. La femme tient les deux bouts d'un mouchoir qu'elle balance. On croirait difficilement, quand on n'a pas vu cette danse, combien elle est vive, animee, et combien la rigueur avec la quelle la mesure y est suivie lui donne de grace. Les danseurs et les danseuses se remplacent sans cesse; et les negres s'y enivrent d'un tel plaisir, qu'il faut toujours les contraindre a finir cette espece de bals nommes kolendas , qui ont lieu en plein champ et dans un terrain uni, afin que le mouvement des pieds n'y puisse rencontrer aucun obstacle. "Il serait difficile de meconnaitre a ces traits une danse simple, primitive, et appartenant a des peuples chez lesquels la civilisation a encore presque tout a faire. Cette disposition circulaire, ces battemens de mains, ce chant a refrain, ces instrumens bruyans, tout depose en faveur de l'arciennete de cette danse qui, comme nous l'avons dit, appartient a l'Afrique, ou ses caracteres existent presque partout, meme chez les Hottentots." Outre le bamboula , les negres ont un autre instrument consacre specialement a la la danse, et dont les sons enivrans les attirent en foule: on le nomme balafo . En quelque lieu qu'il se fasse entendre, on est sur de trouver un grand concours de peuple reuni pour la danse. Les noirs s'y livrent avec une telle passion, que les nuits et les jours leur semblent trop courts pour cet exercice; et ils ne quittent la place que lorsque les musiciens, epuises de fatigue, mettent par leur retraite un terme a leurs plaisirs. Les hommes dansent la zagaye a la main en la secouant, et la faisant briller en l'air avec des mouvemens brusques et animes. Les femmes dansent ordinairement seules, et les assistans les applaudissent en battant des mains par intervalle, comme pour soutenir la mesure; elles ont les pieds legers, les genoux fort souples, elles penchent la tete d'un air gracieux, leurs mouvemens sont vifs, et leurs attitudes agreables. Elles prennent un grand plaisir a danser au clair de la lune, au son de leurs chansons, et sans le secours du balafo . Elles dansent en rond sans sortir de place, battent des mains, et improvisent sur un air quelconque tout ce qui leur vient dans l'imagination. Les plus jeunes se placent au milieu du cercle, tiennent en dansant une main sur la tete, et l'autre sur le cote, d'une maniere pleine de grace. Elles se balancent mollement, et battent rapidement du pied contre terre, en prenant des attitudes pins que voluptueuses. Une danse particuliere a l'Afrique, et dont on trouve des traces depuis le royaume de Juida jusqu'aux monts qui separent le Saura de la Barbarie et de l'Egypte, c'est le tchega que les negres ont porte dans les colonies ou on le danse encore avec fureur. Cette danse peut etre regardee comme le fandango africain, si toutefois la saltation qui porte ce nom en Europe ne doit pas son origine a l'Afrique. Elle est d'un caractere excessivement libre, et peint d'une maniere energique tout ce que l'amour sans voile a de plus desordonne. Elle s'execute a deux, et par gradation devient un spectacle plus revoltant qu'agreable. Nos lecteurs nous dispenseront d'en, donner une plus ample description; nous dirons seulement "qu'un "geste particulier au tchega est un "mouvement tres-rapide des hanches, tandis "que le buste reste dans la plus parfaite "immobilite." Les negresses ont acquis dans cette danse une habilete qui leur a valu a Curacao une celebrite semblable a celle que jadis obtinrent les danseuses de Cadix. Les alme ou danseuses egyptiennes execulent dans les harems de leur patrie des danses egalement indecentes, mais plus voluptueuses; ces femmes, dit un voyageur, savent par coeur toutes les chansons nouvelles; leur memoire est meublee des plus beaux moals (chants elegiaques), et des plus jolis contes. Il n'est point de fetes sans elles, point de festins dont elles ne fassent l'ornement. On les place dans une tribune, d'ou elles chantent pendant le repas. Elles descendent ensuite dans le salon, et y forment des danses qui ne ressemblent point aux autres. Ce sont des ballets-pantomimes, par lesquels elles representent des actions de la vie commune. Les mysteres de l'amour leur en fournissent ordinairement les scenes. "La souplesse de leur corps est inconcevable. On est etonne de la mobilite de leurs traits, auxquels elles donnent a volonte l'expression convenable au role qu'elles jouent. Souvent l'indecence des attitudes est portee a l'exces. Les regards, les gestes, tout parle, et d'une maniere si expressive, qu'il n'est pas possible de s'y meprendre. "Au commencement de la danse, elles quittent, avec leurs voiles, la pudeur fie leur sexe. Une longue robe de soie tres-legere descend sur leurs talons; une riche ceinture la serre mollement; de longs cheveux noirs, tresses et parfumes, flottent sur leurs epaules; une chemise transparente comme la gaze, voile a peine leur sein. A mesure qu'elles se mettent en mouvement, les formes, les contours de leurs corps semblent se detacher successivement. Le son de la flute, des castagnettes, du tambour de basque et des cymbales, regle leurs pas, et presse ou ralentit la mesure. Des paroles propres a ce genre de scenes les animent encore; elles paraissent dans l'ivresse: ce sont des bacchantes dans le delire. C'est alors qu'oubliant toute retenue, elles s'abandonnent entierement au desordre de leurs sens; c'est alors qu'un peuple peu delicat, et qui n'aime rien de voile, redouble ses applaudissemens. "Les alme sont appelees dans tous les harems. Elles apprennent aux femmes les airs nouveaux; elles racontent des histoires amoureuses, et declament en leur presence des poemes d'autant plus interessans, qu'ils offrent le tableau vivant de leurs moeurs. Elles les initient aux mysteres de leur art, et les instruisent a former des danses lascives. "Ces filles, dont l'esprit est cultive, ont une conversation agreable; elles parlent leur langue avec purete. L'habitude de se livrer a la poesie leur rend familieres les expressions les plus douces, les plus sonores. Elles recitent avec beaucoup de grace. Dans le chant, la nature seule est leur guide. Elles chantent parfois des airs gais, dont la mesure est vive et legere, comme celle de quelques-unes de nos ariettes: mais c'est dans le pathetique que se deploient leurs talens; lorsqu'elles declament un moal sur le mouvement de la romance, la continuite de sons tendres, touchans et plaintifs, fait naitre une douce melancolie qui s'augmente successivement, et se change en larmes d'attendrissement. Les Turcs eux-memes, les Turcs, ennemis de tous les arts, passent la nuit a les entendre 1 ." La danse des peuples qui bordent la partie orientale de l'Afrique est aussi vive et moins lascive que celles que nous venons de signaler. Chez les Cafres, dit le voyageur Tzunberg, la danse fait partie de tous les amusemens. Chaque soir les jeunes gens de la horde se rassemblent et se delassent par la danse des travaux du jour. Deux danseurs occupent la scene; tous deux se balancent en mesure, tantot sur le bout des pieds et tantot sur les talons; tous leurs membres s'agitent, tous leurs muscles sont en action, et les mouvemens rapides de tous les traits du visage accompagnent toutes ces evolutions. La musique qui regle leurs pas est un chant plaintif, monotone, entremele d'un sifflement qu'ils poussent en retirant les levres et en faisant voir leurs dents. Les femmes courent autour des danseurs en agitant la tete et les bras avec l'expression de la plus vive gaiete. Les Hottentots sont tres-sensibles au charme de la musique et de la danse: c'est pendant la nuit, et surtout quand la lune eclaire leurs vastes solitudes, qu'ils se livrent a ces amusemens. Levaillant nous a donne une description pleine d'agremens des plaisirs de ces peuples pasteurs et hospitaliers. "Lorsque les Hottentots, dit-il, veulent se livrer a la danse, ils forment, en se tenant par la main, un cercle proportionne au nombre des danseurs et des danseuses, toujours symetriquement meles; cette chaine faite, on tournoie de cote et d'autre; par intervalle, pour marquer la mesure, on se quitte; de temps en temps chacun frappe des mains sans rompre pour cela la cadence; les voix se reunissent aux instrumens, et chantent continuellement hoo! hoo! C'est le refrain general. Quelquefois un des danseurs, quittant le cercle, passe au centre; la, il forme une espece de pas anglais, dont tout le merite et la beaute consistent dans la vitesse et la precision avec lesquelles on l'execute, sans s'eloigner de la place ou le pied s'est pose d'abord. On voit ensuite les danseurs se suivre nonchalamment a la file, affectant un air triste et consterne, la tete penchee sur l'epaule, les yeux baisses et fixes attentivement vers la terre. Le moment qui suit voit naitre les demonstrations de la joie, de la gaiete la plus folle; ce contraste les enchante quand il est bien rendu. Tout cela n'est au fond qu'un assemblage de pantomimes tres-bouffonnes et tres-amusantes. Il faut observer que les danseurs font entendre sans cesse un bourdonnement sourd et monotone qui n'est interrompu que lorsqu'ils se reunissent aux spectateurs pour chanter en chorus le merveilleux hoo! hoo! qui parait etre l'ame et le point d'orgue de ce magnifique charivari. On finit assez ordinairement par un ballet general; c'est-a-dire que le cercle se rompt, et qu'on danse pele-mele comme chacun l'entend. On voit alors l'adresse et la force briller dans tout leur jour. Les beaux danseurs repetent a l'envi l'un de l'autre ces sauts perilleux et ces gargouillades qui dans nos grandes academies de musique excitent des ha! ha! tout aussi bien merites et sentis que les hoo! hoo! d'Afrique. Pour accompagner ces danses, les Hottentots ont invente des instrumens de musique assez ingenieux pour des peuples prives de tant de moyens d'execution. Ils ne se bornent pas comme les Negres au bruit monotone des tambours, ils ont des instrumenr a vent et a cordes; l'un de ces derniers ressemble a un violon triangulaire; mais le plus original de tous est celui qu'on appelle goura lorsqu'un homme en joue, et djum djum quand c'est une femme. C'est une seule corde de boyaux tendue sur un arc, et dont l'extremite superieure passe dans un tuyau de'plume; le musicien appuie les levres sur l'ouverture de cette plume, et soit en soufflant, soit en aspirant, il en tire des sons assez melodieux. Lorsqu'une femme joue du djum djum , elle s'assied a terre et pose l'arc perpendiculairement devant elle comme une harpe europeenne; la main gauche tient l'arc par le milieu, et tandis que la bouche souffle dans la plume, de l'autre main la musicienne frappe la corde en differens endroits avec une petite baguette, ce qui opere quelque variete dans la modulation. Ces details peuvent fournir des inductions favorables au caractere de ces peuples et a l'etat de leur civilisation. "Dans un etat police, dit l'auteur du Choix de lectures geographiques, la danse et le chant sont deux arts; mais au fond des forets ce sont presque des signes naturels de la concorde, de l'amitie, de la tendresse et du plaisir. Nous apprenons sous des maitres a deployer notre voix, a mouvoir nos membres en cadence; le sauvage n'a d'autres maitres que sa passion, son coeur et la nature; ce qu'il sent nous le simulons. Le sauvage qui chante ou qui danse rappelle ainsi ses moeurs ou feroces ou paisibles, et de cette maniere donne l'idee du degre de bonheur dont il jouit." Tout ce que nous venons de dire des danses de l'Afrique, peut egalement s'appliquer aux insulaires de la mer du sud. Places sous les memes latitudes, ils offrent les memes caracteres dans l'expression de leurs plaisirs. Les iles de France et de Bourbon doivent faire exception. Africaines par le sol, Europeennes par les moeurs, elles ont depuis long-temps recu les honneurs de la civilisation, et leur population n'est point indegene. Ce n'est donc point la qu'il faut chercher des danses primitives: a la ville les bals sont frequens et fort gais. On n'y connait pas cette etiquette minutieuse, ennemie du plaisir et compagne de l'ennui. Les danses europeennes y sont toutes admises. Mais si les dames creoles, en general, les executent mediocrement, elles valsent avec une grace et une volupte qu'on chercherait vainement ailleurs, et qu'elles doivent sans doute aux influences d'un climat qui electrise et developpe toutes les sensations. "Tout est francais a l'Ile-de-France, dit M. J. Arago, auteur de l'interessante relation intitulee Promenade autour du monde : les moeurs, le costume, le langage, tout est francais, mais surtout les coeurs et les sentimens. J'oublierais ici ma patrie par cela meme que tout me la rappellerait; je l'oublierais si l'homme ne vivait autant de souvenir que d'esperance, et si le bonheur present pouvait effacer le plaisir passe. "Des bals, des fetes seduisantes, presidees par les mulatresses libres, appellent tous les jours des essaims d'adorateurs qui ne soupirent que jusqu'au moment ou ils osent se declarer. C'est la, dans ces brillantes reunions, que le luxe etale tout ce qui peut flatter et eblouir les sens. Les plus beaux cachemires, les plus fines dentelles, les topazes du Bresil, les diamans de Golconde y sont prodigues, et tous les jours on voit une mulatresse acheter sans hesiter une parure dont une riche creole avait trouve le prix beaucoup trop eleve. Ajoutez a tant d'elegance un physique plein de graces, des formes dont le statuaire grec eut embelli ses chefs-d'oeuvre, une conversation toujours piquante et assaisonnee de traits de sentimens, une demarche pleine de mollesse, un desir de captiver qui embellit meme la beaute, un sourire enchanteur qui provoque un hommage, un regard qui invite a oser, une proprete exquise, des talens, des soins pleins de tendresse, enfin toutes les qualites du coeur que permet encore l'absence de la pudeur. Le rigoriste le plus severe concevra du moins, s'il ne l'excuse point, l'empire que ces femmes exercent et conservent si long-temps sur leurs adorateurs. Faut-il l'avouer encore, et ne rendrai-je pas bien severe le jugement que je porterai contre les creoles, si j'ajoute que les liaisons formees avec les mulatresses libres deviennent de veritables mariages, et que l'imprudent qui croit ne former qu'un lien fragile et passager finit par y etre enlace le reste de sa vie. "Du reste, dans ces bals pleins de faste des mulatresses libres, j'ai oublie de dire que les blancs seuls sont admis comme danseurs ou spectateurs, tandis que leurs freres, leurs epoux et leurs parens ne peuvent y assister. Plusieurs de ces Ninons jouent de la guitare avec une rare perfection, et chantent generalement assez bien; mais la danse est l'art ou elles excellent; et j'en ai vu qui, formees par des maitres plus habiles, eussent paru sans desavantage parmi nos meilleures dan seuses de la capitale. Il existe encore au Port-Louis quelques jeunes personnes de cette classe, qui composent des themes et des contre-danses que notre celebre Colinet ne desavouerait pas." Nous aurions cru nuire a l'effet de la charmante peinture que nous venons de citer, si nous en avions supprime quelque partie. En empruntant au meme auteur des details sur la danse des noirs de l'Ile-de-France, nous les abregerons autant que possible, car nous devons sans cesse nous rappeler que nous ecrivons pour des femmes, et que les descriptions qui, sous la plume du voyageur historien, deviennent un titre de plus a l'estime de ses lecteurs, seraient au contraire sous la notre un motif d'exclusion. Aussi renverrons-nous nos lecteurs au bel ouvrage de M. Arago; ce que nous en avons extrait ne peut manquer d'inspirer le desir de lire ce qu'il ne nous a pas ete permis de transcrire. "Les noirs de toutes les castes et de tous les pays aiment beaucoup la musique. Ils retiennent facilement nos airs, et les chantent ou les sifflent avec plus de gout, et meme de sentiment qu'on ne devrait naturellement leur en supposer. Ils composent aussi de petits themes remplis d'une expression melancolique, et dont la melodie plait a l'oreille europeenne la plus exercee. "On designe generalement leur danse sous le nom de tchega , ou danse mosambique; elle a quelque rapport avec le fandango et ne serait pas vue avec moins de plaisir, si elle etait executee: par d'autres acteurs, et si la volupte qui y regne ne degenerait, vers la fin, en une licence revoltante. On peut comparer la tchega a un petit drame renfermant tous les degres, toutes les nuances d'une passion amoureuse, depuis la declaration jusqu'au triomphe de l'amant. Il y a bien moins d'abandon parmi les acteurs, lorsqu'ils sont au Port-Louis. Mais a la campagne, au milieu d'un cercle nombreux et au son du tamtam , s'elancent un noir et une negresse. Leur figure est inanimee, leurs gestes d'abord sans expression; ils marchent l'un vers l'autre, ils s'observent, tournent successivement sur eux-memes, s'eloignent et se rapprochent a differentes reprises. Bientot leur regard s'anime, leurs mouvemens sont a la fois plus rapides et plus tendres, et insensiblement tous deux finissent par arriver a un etat d'ivresse amoureuse, dont les spectateurs blancs les moins chastes ne peuvent manquer d'etre blesses. "Il n'en est pas de meme des noirs qui les entourent; le feu de leurs regards, leurs grimaces expressives, leurs trepignemens, leurs cris, tout annonce combien ils prennent de part a la scene qui se passe, et l'impatience avec laquelle ils attendent le moment d'y figurer a leur tour. Souvent un nouvel athlete se presente dans l'arene, et s'empare de la place de son rival econduit. Le premier danseur se retire sans humeur, sans depit, et, range a son tour parmi les spectateurs, excite comme eux du geste et de la voix, son heureux successeur. "Ces danses, auxquelles les Noirs de toutes les habitations se livreraient volontiers chaque nuit, ne sont permises par les maitres que le samedi soir, parce que le dimanche etant consacre au repos, ils peuvent se delasser dans le jour et la nuit suivante des fatigues de la veille. "Les mulatresses esclaves et les negresses dont le physique est remarquable, dedaignent en general les danses d'Afrique, et n'assistent guere qu'a des bals ou la contre-danse, la russe et la walse regnent sans partage. Ces reunions ont lieu surtout au jour de l'an, a l'ouverture des travaux d'une coupe de cannes, a l'epoque ou cessent ces memes travaux, et lors des noces et baptemes de quelqu'un de la famille de leur maitre; car celui-ci ne manque jamais de contribuer a l'embellissement de la fete par ses bienfaits et sa generosite." Nous ne nous astreindrons point a decrire chacune des danses de toutes les iles de cet archipel qui forme la cinquieme partie du monde: les descriptions elegantes et naives des Cook et des Bougainville sont trop connues pour qu'il soit permis de les repeter. Les details que nous fournit la Promenade autour du monde offrant plus d'interet en raison de leur nouveaute, nous leur donnerons la preference, d'autant plus que ces danses ont ete observees avec soin par l'auteur, et qu'elles sont communes a toute cette partie du globe. Il y a dans ces iles des traces d'une antique civilisation, et meme quelques traditions d'un temps meilleur: le sort des femmes dans ces contrees en est une preuve. Aux iles Mariannes, les femmes jouissent d'une consideration a laquelle, hors de l'Europe, leur sexe n'est point accoutume; et quoique Raynal ait voulu revoquer ce fait en doute, les remarques recentes des voyageurs le confirment. A Guham, lorsque dans une famille en perd un enfant, on en porte le deuil deux mois si c'est un garcon, et six mois quand c'est une fille. Dans les menages, les discussions d'homme a homme sont reglees par les femmes, et les discussions des femmes ne le sont jamais par les hommes. Ces peuples croient a l'immortalite de l'ame, et assurent que les hommes qui n'ont pas battu leurs femmes seront recus au-dessus des nuages pour etre eternellement heureux. Ces observations et le titre d' antiques attache a certaines danses et aux ruines de certains monumens pourraient etre la matiere de recherches curieuses sur les moeurs primitives de ces contrees. "Les danses de Guham, dit M. Arago, sont une nouvelle preuve de l'ascendant que les femmes ont toujours exerce sur les hommes: on les nomme les danses antiques . "Reunies en cercle, les femmes se tiennent par la main, tournent en bourdonnant un chant monotone, font qulques gestes ridicules, placent leurs mains au-dessus de leur tete, les baissent en imitant les genuflexions des peuples de l'Orient; et, sans executer un seul pas gracieux, elles se fatiguent vainement pour divertir les spectateurs, et repetent sans cesse la meme figure. Un jeune chevalier, la tete couverte d'un chapeau de paille pointu et a cornes, se presente; il est arme d'une cuirasse et d'un baton figurant une pique; dans un discours audacieux il appelle un adversaire au combat; les danses cessent, et les heroines de la fete entourent le champ de bataille. Quand il ne se presente aucun combattant, la fete se termine la. Mais si quelqu'un repond au defi, l'affaire s'engage, et le vainqueur n'est couronne que lorsqu'il a battu tous les adversaires qui se presentent, et ne recoit la recompense promise (ce sont des cocos, des melons, des bananes, etc.) que lorsque les femmes l'y autorisent: elles seules ont le droit de separer les combattans; elles seules couronnent le vainqueur de la lice." D'autres danses, qui portent les noms de danse des antiques et de danse de Montezuma , semblent prouver que ces insulaires ont recu jadis des legislateurs peruviens les premieres notions de la civilisation. "Le gouverneur, dit encore M. Arago, a fait executer devant nous, pendant la nuit, des danses du pays; elles furent precedees d'une comedie en quinze ou seize actes, ou deux personnages, grotesquement habilles et trois petits cochons de lait, paraissaient tour a tour. La soiree se termina par un ballet imposant; on le nomme ici la danse de Montezuma , et l'on pretend qu'elle avait lieu dans les etats de ce souverain lors d'une fete publique ou de quelque ceremonie religieuse. On tient les costumes de l'Amerique meme; ils sont magnifiques, et leur vetuste n'en a pas terni les couleurs. La soie dont ils sont tissus est d'une finesse extreme; les fleurs et tes bigarrures qui les couvrent bien ordonnees; les franges qui les bordent encore brillantes. Ces manteaux et ces broderies donneraient a toutes les nations une grande idee de l'industrie du peuple qui les aurait fabriquees. "Sur deux lignes paralleles, et eloignes de quelques pas, se presenterent seize danseurs armes d'eventails de plumes de divers oiseaux, qu'ils agitaient avec une certaine grace: leur main gauche mettait en mouvement un petit coco rempli de petites graines, dont le bruit est semblable a celui de nos grelots d'enfant. L'orchestre n'etait pas brillant; mais l'air qui accompagnait les pas etait harmonieux, et pourrait bien etre un air national. Les acteurs avancaient lentement, se croisaient et formaient quelquefois des figures gracieuses, tandis que, a petits pas, le personnage qui representait le roi ou le chef de la fete, ayant a cote de lui deux jeunes pages, ouvrait d'un geste les rangs, et, apres avoir agite sur la tete des danseurs son eventail et son sceptre, se retirait gravement. Il semble que cette espece de ceremonie soit moins une danse qu'un spectacle de pompe et de magnificence, une marche triomphale qui prepare les danses qui vont suivre. En effet, des acteurs armes de cerceaux parurent, et formerent des tableaux enchanteurs inconnus meme a nos theatres; tandis que le roi, paisiblement assis sur son trone, paraissait jouir de la fete, et s'amusait des cris et des coups violens que se portaient, pendant la ceremonie, deux grotesques couverts de haillons, portant des masques hideux et armes d'enormes batons. A ces danses succederent des mouvemens plus gais et des airs plus animes. Les danseurs, au bruit des castagnettes, firent quelques pas gracieux, et cesserent un moment leur marche grave et monotone. Armes de legers boucliers et de sabres nommes par eux macanas , ils se croisaient, se cherchaient, se heurtaient, se portaient des coups qu'ils paraient avec adresse, et, en un mot, figuraient des combats singuliers, une bataille generale, et n'etaient separes que par la presence du roi qui s'avanca au milieu d'eux et posa son sceptre entre les combattans. C'etait sans doute une lecon de concorde pour ses sujets qui, a l'instant, oubliant leurs querelles, abandonnerent leurs armes, se prirent gaiement par la main, et, entourant leur genereux souverain, parurent lui rendre grace de la paix qu'il venait de leur procurer. "Ces insulaires ont encore une autre espece de danse qu'on appelle la danse du baton habille ; elle s'execute par des hommes et des enfans habilles en femmes. Les uns et les autres tournerent autour d'un petit mat au sommet duquel etait attache des rubans de diverses couleurs; de sorte que les figurans qui couraient dans un sens et ceux qui en suivaient un oppose couvrirent entierement le mat de leurs rubans colories, ce qui produisit un effet tout-a-fait agreable." N'oublions pas de citer au nombre de ces danses celle qui n'est executee que par des en fans. "Au son d'une mandoline ou a celui de la voix, un petit garcon et une petite fille, les bras en arriere, la tete droite, l'air important, se suivent avec des mouvemens rapides et avec des gestes semblables a ceux de nos bateliers. Leurs hanches s'agitent, leurs yeux se mesurent; la jeune fille parait vouloir se defendre de la poursuite de son danseur; elle tourne autour d'un chapeau place a terre, et son amant court apres elle. Cette barriere est respectee, on ne doit point la franchir; mais lorsque le petit danseur a atteint la coquette fugitive, il cherche a lui ravir un baiser. Souvent un espiegle plus heureux se met en place a l'instant ou il va l'obtenir, et la lassitude accorde souvent ce qu'on avait refuse a une poursuite obstinee. Cette danse, qui rappelle la tchega des noirs, suppose dans les enfans un degre d'intelligence bien premature, et qu'on doit sans doute attribuer a l'influence du climat." Dans les iles Carolines, les danses ont plus de vivacite et d'agrement. D'abord reunis sur deux colonnes, les danseurs entonnent un chant fort simple et tres-harmonieux, qu'ils accompagnent par les gestes, les plus gracieux, et de mouvemens de hanches et de cuisses qui le sont moins par leur indecence. La gaiete la plus folle anime leur physionomie, et leun yeux expriment la volupte. Bientot un chant plus gai succede a cette scene; les danseurs se prennent par la main, courent en rond en faisant de folles gambades, et chacun finit par mettre le pied sur la cuisse de son voisin. "Ces scenes originales et divertissantes ne sont pas les seules danses des joyeux Carolins; il en existe d'autres dont la difficulte fait le principal merite. "Armes de longs batons qu'ils tiennent a deux mains, les danseurs se rangent sur deux lignes. Un seul marque d'abord le commencement de la figure en elevant la voix comme pour fixer l'attention. Un chant monotone et general repond a cet appel: les batons se heurtent en cadence, on se porte des coups a droite et a gauche, mais ceci n'est que le prelude d'un fracas plus merveilleux. Bientot le spectacle s'anime, les danseurs changent de place, s'evitent, se suivent, se dispersent, se croisent sans s'embrouiller, et forment des tableaux admirables. Tantot quatre a quatre, tantot huit a huit, ils s'attaquent avec rapidite; un coup menace les reins, une arme le chasse; un baton va atteindre la tete, le baton du voisin est la comme par enchantement pour l'arreter. Ils ne frappent que pour qu'on pare, ils ne ripostent que pour etre pares. Quel mouvement, quelle velocite, quelle adresse il faut pour passer tant de fois sous les armes les uns des autres, sans se heurter, sans se confondre, sans se perdre! L'oeil peut a peine les suivre; l'attention se fatiguerait, si l'etonnement ne prenait sa place. Les figures changent de formes a chaque instant, les danseurs changent d'adversaires: et toujours l'harmonie la plus parfaite regne dans la fete. "Enfin trois cris plus forts, trois mouvemens plus rapides, trois coups plus prononces terminent la danse; les acteurs sont fatigues, sans doute, mais ils se consolent par le plaisir qu'ils ont goute et celui qu'ils ont fait eprouver aux spectateurs. Les danses de Whakoo, dans les iles Sandwich, sont plus guerrieres que celles des Carolines, ce que l'on peut attribuer a la passion des conquetes, que leurs rois leur ont communiquee. "Adoucissez le langage et les elans, dit M. Arago, et la danse est la meme: ces gestes, ces mouvemens, ces instans de repos, ces petits pas, ces rapides roulemens des yeux, appartiennent aux Carolins; j'ai seulement remarque qu'ici la gaiete etait parfois effrayante, et que labas elle etait toujours douce et timide. Les hommes sont accroupis sur leurs talons; leur poitrine et leurs bras sont nus. Ils se couvrent le bas-ventre d'un grand morceau d'etoffe. Le signal est donne par une espece de hurlement fort et prolonge, pousse indistinctement par un des danseurs. Leurs muscles sont en mouvement, leurs sourcils se courbent, leurs yeux roulent une prunelle furieuse, leur bouche entonne un chant barbare. Ils sautent, se retournent, tombent, se redressent, baissent le front, le relevent avec orgueil. Leurs mains frappent leur poitrine, elle en est rouge, on dirait qu'ils veulent se detruire; ils se menacent, la fureur est a son comble " Nous nous arretons, comme l'auteur, mais non sans, reflechir sur les causes qui ont pu denaturer a ce point l'image la plus vraie du plaisir, et changer l'expression de la joie en demonstrations de fureur et de cruaute. Nous ferons observer que les moeurs des habitans des iles Sandwich etaient jadis cruelles, puisque les sacrifices humains n'ont ete abolis qu'au commencement de ce siecle, par leur grand roi Tama-Hama . Il y a aussi des danses guerrieres a Timor ; on y repete les grimaces et les contorsions epouvantables que font en general les sauvages de tous les pays, lorsqu'ils vont braver la mort dans les combats. La danse des habitans de. la presqu'ile Perron se compose de sauts ridicules. Dans la partie orientale de la Nouvelle-Hollande, les sauvages ne se livrent a la gaiete que lorsque le yin ou l'eau-de-vie ont altere le peu de raison qu'ils out recu de la nature; leurs danses, si l'on peut donner ce nom a des gesticulations forcenees, sont presque toujours suivies du meurtre de quelques-uns d'entre eux, atteints du redoutable cassetete , qu'ils ne quitrent jamais. La plupart de ces deplorables exces sont dus a l'inhumaine liberalite des Europeens qui, se faisant un jeu cruel de l'abrutissement de ces malheureux, leur fournissent des liqueurs fortes et trouvent un plaisir incomprehensible dans le spectacle des rixes sanglantes qu'excitent ces funestes boissons. En examinant l'etat de la danse en Asie, on est frappe d'une particularite remarquable, c'est que les Orientaux ne dansent pas. Les Japonais, les habitans du vaste empire de la Chine, ceux des deux presqu'iles de l'Inde, le voluptueux persan, l'Arabe vagabond ou sedentaire, tous ces peuples auxquels la nature a prodigue ses dons, chez lesquels l'esprit et la raison etaient parvenus des les temps antiques a un haut degre de perfection, et pour qui la danse, aimable resultat de l'amelioration des societes, devrait etre une des principales jouissances, ne se livrent point a ce plaisir. On ne peut trouver la cause de cette bizarre contradiction ni dans l'influence du climat, puisque l'Asie offre des latitudes variees, ni dans celles de ses moeurs, puisque'elles ne sont point uniformes. Peut-etre la trouverait-on dans le systeme religieux qui la domine, et mieux encore dans la caducite de l'age moral des diverses nations qu'elle renferme. Selon l'expression de Bernardin de Saint-Pierre, l'Asie est le vieillard du globe . Ses sens sont emousses par un trop long usage des jouissances faciles; et la volonte, et l'intelligence de l'homme, apres avoir deploye tout ce qu'elles avaient de force et de grandeur, restent stationnaires dans ces contrees. Les developpemens qu'exigerait cette idee seraient deplaces dans un ouvrage de la nature de celui-ci; aussi nous bornons-nous a enoncer cette opinion, qui se rattache a celle d'un homme celebre. Partout ou la danse est un exercice, elle est la compagne du plaisir, le delassement le plus doux de l'homme. Das qu'elle devient un spectacle, elle cesse d'etre un plaisir innocent, pater qu'alors les passions y puisent un aliment. C'est, n'en doutons point, par ce motif que jadis les philosophes chretiens interdirent la danse en Europe, et out avance que cet exercice pervertissait l'esprit et corrompait les moeurs. Cette prevention pouvait etre justifee par le genre de danses particulier a leur siecle, et avec lesquelles les danses asiatiques out beaucoup de ressemblance. Grave par temperament, par religion et par paresse, l'homme oriental ne connait pas le veritable charme de la danse. Elle n'est pour lui qu'un plaisir du genre de ceux qu'on achete, dont les yeux seuls jouissent, et qui se borne a exciter quelque emotion dans une ame engourdie. Dans ces contrees, berceau de la race humaine, ou l'extreme fertilite du sol et la douceur du climat laissent si peu de prise an besoin, l'indolent Asiatique est exempt de cette inquietude de l'avenir qui devore l'Europeen, et qui, le forcant au travail, lui prepare les jouissances qui en sont la suite. Couche sur ses tapis moelleux, il se nourrit de fruits , s'enivre de parfums; et, tandis qu'il fume l'aloes et savoure le moka, les plus belles esclaves executent devant lui des danses voluptueuses, pour charmer ses sens et occuper ses longs loisirs. Cette vie molle et effeminee n'est pas le partage exclusif des grands de la nation; toutes les autres classes s'y livrent plus ou moins. L'homme de ces contrees a dans l'esprit quelque chose de reveur, du en grande partie a l'espece de mysticite qui accompagne les diverses sectes indiennes, et dont l'islamisme meme n'est point exempt. La vie contemplative a des charmes pour les etres paresseux; et l'influence qu'exerce cette manie exelut le besoin de la societe. Les peuples indiens, doux et timides, ne connaissent que des plaisirs tranquilles. Jouer du luth a l'ombre des palmiers, chanter les vers de leurs anciens poetes, raconter des fables ingenieuses, et ces contes merveilleux que leur feconde imagination nous a fait connaitre , telles sont leurs plus rives jouissances. Il ne faut donc point demander s'ils ont des danses populaires; l'homme du peuple meme se trouverait deshonore, et craindrait qu'on ne le crut ivre s'il etait surpris a danser; mais il n'en partage pas moins le gout des gens riches pour le spectacle de la danse. Les pas voluptueux des danseuses, leurs chants, leurs pantomimes agacantes, out antant d'attraits pour lui que pour les Rajahs qui le gouvernent, et jettent son ame deja enivree, dans une molle languenr qui remplace pour lui le charme de l'ivresse. Pour arracher les hommes a l'engourdissement habituel cause par le climat, il semble que la nature ait doue les femmes de ces contrees d'une double dose d'energie. Par une bizarrerie que l'histoire des peuples offrit plus d'une fois, la danse generalement meprisee dans les Indes, fait cependant partie des ceremonies religieuses. Consacrees par etat a celebrer les louanges de la divinite, les danseuses de profession sont sous sa protection immediate 1 . Chargees par la religion et les lois de peindre l'amour, l'heroisme et la gloire, il semble qu'au milieu de peuples abatardis, elles seules en aient conserve les precieuses traditions, et qu'elles soient specialement destinees a en faire briller les ravissantes images aux yeux du sexe qui semble les avoir oubliees. Elles executent des ballets tendres, moraux on guerriers. Tantot de legers tissus bigarres de couleurs eclatantes s'elevent en arc au-dessus de leur tete, ou serpentet autour de leur taille elegante; tantot le sabre recourbe, le brillant poignard du Mogol arment leurs mains delicates, et, tour a tour agacantes ou guerrieres, elles enchantent egalement les spectateurs. Uniquement confiee aux femmes, la danse est une profession a laquelle il n'est pas permis a tout le sexe d'aspirer: il faut avoir recu une education particuliere. "Semblables bles aux alme d'Egypte, les danseuses Indiennes apprennent a lire, a ecrire, a chanter, a danser et a jouer des instrumens; elles joignent a ces talens une instruction solide; quelques-unes savent trois ou quatre langues, et composent egalement des poesies dans chacune d'elles. Il ne se fait point de ceremonies, il n'y a point de fetes civiles ou religieuses ou leur presence ne soit un ornement necessaire. Cet usage se retrouve egalement au Japon et a la Chine. Cette derniere contree a connu de tous temps des danses sacrees, dans lesquelles on peint d'une maniere allegorique l'histoire des dieux et des genies protecteurs de la nation et de ses souverains. Ces danses repetees d'age en age sont devenues, pour les generations successives, une image parlante des moeurs de leurs ancetres. De la cette maxime chinoise qu'on peut juger du regne d'un souverain par les danses qui ont eu cours de son temps . "Dans les processions annuelles qui se font d'un temple a l'autre, pour couronner les idoles de fleurs nouvelles, la marche s'ouvre par une troupe de jeunes danseuses choisies parmi les plus belles. Leur sein et leurs bras nus sont couverts d'or et de pierreries, et leurs cheveux parfumes d'essence exhalent partout les suaves odeurs dont ils sont penetres. Au son d'une musique eclatante, elles forment des figures, tantot nobles et severes, tantot legeres et vives, selon le caractere de la divinite qu'on celebre; et dans les diverses evolutions qu'elles executent, elles retracent d'antiques usages qui rappellent les moeurs des ancetres. La Chine a comme ses voisins des danseuses de profession qui sont appelees chez les mandarins de premiere classe, pour contribuer a leurs amusemens. Mais le spectacle agreable de la danse est moins en faveur parmi les Chinois que dans le reste de l'Asie: ce peuple consume une si grande partie de son temps dans le vain ceremonial de la politesse, qu'apres le temps qu'il donne aux affaires, il en reste a peine assez pour ses plaisirs. Le Japonais, plus sage et plus heureux, a des danses qui tiennent du caractere asiatique par lent grace et leur volupte, et du caractere national par la decence qui y regne. Ils n'ignorent point combien le plaisir de la danse a d'attraits pour les Europeens: aussi quand ils veulent feter les Hollandais, seule nation admise dans leur ile, ils font venir de jeunes danseuses richement vetues; de jeunes garcons les accompagnent et figurent avec elles ou executent sur divers instrumens les airs qui reglent la mesure. Leur danse ressemble plutot a nos contre-danses qu'a nos ballets; jamais un danseur ni une danseuse ne figure seul. Ils expriment on des actions heroiques on des transports amoureux sans chant ni declamation. Leurs corps ondoyans et faciles obeissent aux lois de l'harmonie, se plient en tous sens set se redresseut quand la musique a cesse. Ces danseuses out sur elles une trentaine de robes de soie, fines et legeres comme de la gaze. En dansant elles en otent successivement les corsages qui pendent tout a l'entour de la ceinture. Cette prodigieuse quantite de vetement ne nuit point a la grace de leurs gestes, et a l'agilite de leurs mouvemens, dont la souplesse est inexprimable. A la fete des lanternes, destinee a reverer les ames des morts, et a la fete du dieu Sceva divinite tutelaire d'Yedo, capitale de ce vaste empire, on voit des troupes de jeunes filles preceder le cortege des princes, des pretres et des grands de la nation, et executer, au son des instrumens , des danses regulieres et pleines d'agremens. Ces danseuses sont en meme temps des courtisanes; mais cette double profession ne leur ote rien de l'estime publique. Tunberg rapporte la singuliere origine de la consideration dont elles jouissent: elle tient a une aventure arrivee au dairi , on empercur ecclesiastique, et prouve l'extravagante veneration que les Japonnais portent a tout ce qui approche leur vice-dieu. Un motif plus noble a etabli dans les Indes l'affection melee de respect qu'on accorde aux brillantes devadasis , ces ravissantes pretresses du plaisir et de la volupte, connues en Europe sous le nom de bayaderes . Les poesies sacrees racontent que " Schirven , l'une des trois personnes de la trinite indienne, habita la Perse sous le nom d'un rajah nomme Devendren , et fit de l'amour la plus douce occupation de sa vie. Voulant se choisir une epouse, il usa de stratageme pour connaitre la femme dont il etait le plus aime. Il feignit de toucher a sa derniere heure, rassembla toutes ses maitresses, et declara qu'il prenait pour epouse celle qui l'aimerait assez pour ne pas etre effrayee d'un tel hymen. La crainte du bucher glaca d'effroi toutes les favorites; et, parmi douze cents, il ne s'en trouva pas une seule qui voulut etre reine de Benares. Une jeune danseuse, dont le rajah avait ete epris, instruite de son etat et de sa proposition, percala foule, et declara qu'elle etait prete a payer de sa vie l'insigne honneur de porter un instant le nom de son epouse. On celebra leur hymen; quelques heures apres Devendren mourut, et la danseuse, fidele a sa promesse, fit aussitot les apprets de sa mort. On eleva par son ordre un bucher de bois odorant; elle y placa le corps de son epoux, l'alluma de sa propre main, et s'elanca dans les flammes; mais au meme instant le feu s'eteignit: Schirven, debout sur le bucher, et tenant sa fidele epouse, se fit connaitre au peuple, et publia sur la terre l'hymen qu'il accomplit dans les cieux. A vant de quitter la terre, il voulut, pour perpetuer le souvenir de sa reconnaissance, que les danseuses, a l'avenir, fussent attachees au service de ses autels, que leur profession fut honoree, et qu'elles portassent le nom de devadasis , synonyme de favorites de la Divinite 1 . "Les bayaderes, dit l'abbe de Raynal, vivent reunies en troupes dans des seminaires de volupte. Les societes de cette espece les mieux composees sont consacrees aux pagodes riches et frequentees. Leur destination est de danser dans les temples, aux grandes solennites, et de servir au plaisir des brames. Il est des troupes moins choisies, dans les grandes villes, pour l'amusement des hommes riches et de leurs femmes. Il y a meme de ces troupes ambulantes qui parcourent les rues et les places publiques. Par un contraste bizarre, et dont l'effet est toujours choquant, ces belles filles trainent a leur suite des musiciens difformes et d'ua age avance, dont l'air affemine, les traits, les rides et les grimaces blessent les yeux, autant que leur musique deplait a l'oreille. Ils font usage de petits tambours appeles gom-gom , d'une espece de fifre fort aigu, et surtout d'un instrument de cuivre, qui, aux Indes, se nomme tam . Celui qui le tient repete continuellement ce mot en battant la mesure avec une telle vivacite, qu'il arrive par degres a des convulsions affreuses. "Les danses des bayaderes sont presque toutes des pantomimes d'amour; tantot c'est un amant aux pieds de sa maitresse; tantot c'est une vieille , chargee d'un tendre message, et faisant ses efforts pour seduire une jeune beaute et l'enlever a un amant, en faveur d'un autre; tantot c'est une jeune fille timide qui craint une surprise ou les regards d'un jaloux." Telles sont, en general, les danses que les bayaderes executent en public; on ne peut y desirer plus de grace ni plus d'expression; et celle-ci passe souvent les bornes que les moeurs europeennes out prescrites. Dans les jardins des grands seigneurs, theatres des fetes les plus voluptueuses, et qui seraient incompletes sans la presence de ces danseuses, elles s'abandonnent encore avec moins de reserve aux attitudes seduisantes qui plaisent tant a leurs admirateurs. Rien ne resiste a leurs charmes; et, mettant un prix excessif a leurs faveurs, elles acquierent en pen de temps d'immenses richesses. Tout concourt aux prodigieux succes de ces femmes voluptueuses; l'art et la richesse de leur parure, l'adresse qu'elles ont a faconner leur beaute. Leurs longs cheveux noirs, epars sur leurs epaules ou releves en tresses, sont charges de diamans et parsemes de fleurs; des pierres precieuses enrichissent leurs colliers et leurs bracelets; elles attachent meme des bijoux a leurs narines; et des voyageurs attestent que cette parure, qui choque au premier coup d'oeil, est d'un agrement qui plait et releve tous les autres ornemens par le charme de la symetrie. "Rien n'egale surtout leur attention a conserver leur sein, comme un des tresors le plus precieux de la beaute. Pour l'empecher de grossir ou de se deformer, elles l'enferment dans deux etuis d'un bois tres-leger joints ensemble et boucles par derriere. Ces etuis sont si polis et si souples, qu'ils se pretent a tous les mouvemens du corps sans aplatir, sans offenser le tissu delicat de la peau. Le dehors de ces etuis est revetu d'une feuille d'or parsemee de brillans; c'est la sans contredit la parure la plus recherchee, la plus chere ala beaute. Ce voile qui couvre le sein n'en cache point les palpitations, les soupirs, les molles ondulations; il n'ote rien a la volupte. 1 " Un ornement favori de ces danseuses est un collier a plusieurs rangs, compose d'une fleur appelee mougry , qui ressemble au jasmin double d'Espagne; l'odeur de ces fleurs, penetrante et suave, est preferable a tous les parfums. Ce collier enchante a la fois la vue et l'odorat. Elles ajoutent souvent a leur parure des chaines d'or ou des especes de bracelets brillans, qu'elles placent au bas de la jambe, au-dessus de la cheville. Cet ornement donne un nouvel eclat a leur danse, en fixant l'oeil du spectateur sur les pas qu'elles forment. On retrouve dans les iles qui avoisinent les cotes d'Asie a peu pres les memes danses que sur le continent. Java seule doit faire exception. Les Malais, qui l'habitent, forment un corps de nation ayant son langage et ses usages particuliers. Le sexe est traite a Java avec beaucoup d'egards; il n'y connait point l'esclavage. Les Malaises en general sont sages, et le sont sans contrainte. L'usage leur accorde une liberte dont elles n'abusent point. Par une autre singularite contraire aux moeurs asiatiques, la musique et la danse forment les plus chers amusemens des Javans. Sitot que la nuit commence, on entend partout le son bruyant de la musique; le peuple en foule quitte ses demeures pour se rendre dans les places publiques ou les danseuses se rassemblent; trois ou quatre femmes demi-nues, la tete ornee de fleurs, dansent au son des instrumens. L'orchestre se compose d'une espece de violon a deux cordes, d'un tambour, d'un orgue dont les tuyaux sont en bois, et de cymbales semblables aux notres: elles s'accompagnent en meme temps de la voix. Les hommes, attires par les chants de ces syrenes, viennent se meler a leurs jeux. La danseuse redouble de zele; le danseur, moins souple et moins habile, veut l'imiter; mais bientot il est oblige d'aller reprendre sa place parmi les spectateurs, apres avoir embrasse sa danseuse et paye de quelques pieces de monnaie le plaisir qu'il a pris. Ces danses se nomment ronguing dans la langue de Java, et tantac dans celle des Malais. Toutes les parties du corps y sont en mouvement, les jambes, les bras, les mains, la tete et les yeux. C'est toujours la meme femme, bien paree, qui ouvre la danse; elle invite successivement tous les hommes, et ceux-ci lui remettent le tribu d'sage qu'elle partage avec les musiciens. Le tantac malais se danse a Ceylan et dans les iles voisines; cette danse, ainsi que les instrumens qui l'accompagnent, etant connus a la Perse et a une grande partie de l'Arabie, nous ne ferons point une mention particuliere de l'etat de la danse dans ces contrees, parce que leurs habitans ayant les memes moeurs et les memes usages que le reste des Orientaux, la description de leurs fetes n'offrirait qu'une repetition inutile. Arrives a la fin de la tache qui nous etait imposee, nous jetterons un coup d'oeil en arriere, pour presenter en peu de mots les resultats des notions semees dans ce petit ouvrage, ou extraites de ceux qui nous ont servi de guides. Chez toutes les nations, la danse dut son origine au besoin de manifester la joie qu'inspire a l'homme le sentiment de son bien-etre. Une civilisation naissante, s'emparant de ces elans de la nature, en tempera l'energie, et embellit ce qui etait l'expression des mouvemens de l'ame. Peu a peu les chefs des nations, trouvaut dans ce plaisir un moyen sur de captiver les hommes, s'en servirent pour etendre leur credit, assurer leur pouvoir et justifier leur domination. Des lors, generalement alliee au culte et a la politique, la danse devint une sorte d'hommage adresse par la reconnaissance au Dieu de l'univers. Mais partout elle subit de nombreuses modifications, imposees par le caractere, les moeurs et les occupations des differens peuples. Ainsi, la danse chez les sauvages, ne semble qu'un exercice fatigant, destine a les arracher, par une sorte de delire, a la triste monotonie de leur vie habituelle. Chez les peuples feroces et guerriers, elle presente l'image des combats et des hauts faits de ceux qui se sont distingues. Chez les nations agricoles et les peuples pasteurs, elle offre des images plus douces et plus riantes; tandis que chez les peuples fletris par le triple esclavage d'un climat brulant, d'un culte fanatique et de moeurs dissolues, les saints mysteres de la nature et de l'amour sont violes avec audace, et mis au jour sans retenue. Il n'appartient qu'aux nations libres ou emancipees par la gloire et les arts, de presenter dans leurs jeux un agreable melange de plaisir uni a la decence, et de ce que la joie a de plus vif, les graces de plus seducteur. Tel est generalement le caractere de la danse europeenne, et en particulier celui de notre saltation nationale, a laquelle on peut appliquer l'eloge qu'un auteur moderne fait de la danse en general. "Interprete des mouvemens les plus rapides de la pensee, des sentimens les plus secrets du coeur, la danse n'a pas eu besoin de la nouveaute pour fixer l'inconstance de la mode. Toujours nouvelle, malgre l'anciennete de son origine, qui remonte au berceau de la creation, elle jouira de la meme prerogative tant que l'amour et la reconnaissance qui ont guide ses premiers pas sur la scene du monde n'en seront point exiles." FIN. OUVRAGES NOUVEAUX QUI SE TROUVENT CHEZ AUDOT, LIBRAIRE, Rue des Macons-Sorbonne, n 11 , A PARIS. OEuvre de canova , recueil de gravures au trait, d'apres ses statues et ses bas-reliefs, executees par M. Reveil ; accompagne d'un texte explicatif sur chacune de ses compositions, d'apres les jugemens de la comtesse Albrizzi et des meilleurs critiques, et precede d'un essai sur sa Vie et ses Ouvrages; par M. H. De La Touche . Cet Ouvrage sera publie en 20 livraisons, de 5 planches chacune qui paraitront de mois en mois. La premiere a ete mise en vente en juin 1823. L'edition sur papier velin satine est imprimee chez M. Firmin Didot. Le prix de chaque livraison, tres-grand in-8 , sur papier nom de Jesus, est de 4 ft. On paie a l'avance la derniere livraison. On desirait un recueil complet de dessins, d'apres les marbres de Canova: le voeu des artistes et des connaisseurs est rempli; ce recueil, dont les gravures sont executees avec une graude perfection, fait suite aux Annales du Musee et de l'Ecole moderne des Beaux-Arts , dont il est le supplement indispensable, quoiqu'il soit execute sur un plus grand format et avec une sorte de magnificence. HISTOIRE DE LA MUSIQUE; par M me de Bawr , 1 vol. in-12, fig. 4 fr., et 5 fr. par la poste. HISTOIRE DE LA DANSE; par M me Elise Voiart , 1 vol in-12, fig. 4 fr. et 5 fr. par la poste. On a beaucoup ecrit sur la Musique et sur la Danse, mais jamais on n'avait su tracer l'histoire de ces arts d'agrement dans un cadre instructif et amusant. Mesdames de Bawr et Elise Voiart ont atteint ce but avec le plus grand succes. MONTMORENCY, voyage, anecdotes, 1 vol. in-18, orne d'une carte de la vallee. Prix: 1 fr. 50 c. et 1 fr. 80 c. par la poste. Cet ouvrage, plein de souvenirs litteraires et philosophiques, est aussi piquant qu'instructif. C'est un Cicerone que doivent choisir tous les Etrangers et tous les Parisiens qui voudront entreprendre un pelarinage a Montmorency . Ce sera un souvenir pour ceux qui l'ont fait, et ceux qui ne peuvent le faire eu realite, pourront au moins suivre de loin l'anonyme spirituel qui a trace aux amis de la campagne et aux admirateurs de l'auteur d' Emile , l'itineraire de ces lieux si agreables. LE GUIDE DU VOYAGEUR ou Itineraire instructif et amusant , Contenant, sur chaque lieu par ou l'on passe, ou qui avoisine la toute, 1 la description topographique; 2 les distances et celle de Paris en lieues et en postes; 3 l'histoire ancienne et moderne, et les anecdotes qui s'y rapportent; 4 des notes sur les hommes celebres qui y sont nes, ou qui l'ont habite; 5 les productions du sol, l'industrie des habitans, les manufactures, le commerce; 6 l'indication des etablissemens publics, monumens, promenades, spectacles et curiosites de tous genres. Chaque toute forme 1 vol. in-18. Celles qui suivent sont en vente. Paris a Amiens par Clermont, avec une carte geographique 1 fr. 25 c. Paris a Amiens par Beauvais, carte 1 25 Beauvais et Amiens a Calais, carte 1 25 Amiens a Lille, carte 1 " Paris a Senlis, carte 1 " Senlis a Cambray par Peronne, carte 1 25 Senlis a Cambray par Saint-Quentin, carte 1 25 Cambray a Valenciennes " 60 Cambray a Lille " 60 Paris a Rouen par Pontoise, carte de Paris a Rouen, 1 25 Paris a Mantes 1 " Mantes a-Rouen, carte de Paris a Rouen, Havre et Dieppe " 75 Mantes a Caen, carte 1 25 Paris a Saint-Denis " 50 Les autres toutes de France seront publiees incessamment. TRAITE GENERAL DE TOUTES LES CHASSES a courre et a tir, contenant des principes surs pour la propagation da gibier et la destruction des animaux nuisibles; un precis de la legislation; la meilleure methode de dresser et soigner les chevaux et chiens de chasse; des observations importantes sur le choix et l'usage du fusil, et enfin l'histoire naturelle des animaux qui se trouvent en France et la maniere de les chasser; suivi d'un Vocabulaire explicatif des termes usites par les-chasseurs, et des nouvelles fanfares que l'on sonne en chasse; orne de trente-six planches; ouvrage entierement neuf . Par une societe de chasseurs, et dirige par M. Jourdain , inspecteur des forets et des chasses du roi; dedie a M. le lieutenant-general comte de Girardin , premier veneur de la couronne. 2 vol. in-8 Prix broch. 20 fr., et 22 fr. 50 c. par la poste. Les amateurs de la chase trouveront dans cet ouvrage tout ce qui peut les interesser. Il contient les moyeus a employer pour elever les jeunes chiens, les soigner dans leurs maladies et les dresser aux diverses chutes, et notamment a celle au fusil; l'indication des qualites a rechercher dans un cheval de chasse, et la methode a suivre pour l'habituer au bruit des armes et en faire un bon chaval d'arquebuse; des observations importantes sur la composition du fusil, les culasses a chambres et les nouvelles platines pour l'usage des amorces de muriate sur-oxigene de potasse; des details sur la fabrication de la poudre et du plomb de chasse, sur la maniere de charger, et le choix du plomb suivant le gibier et la saison; enfin des principes raisonnes sur la maniere de bien tirer. Il renferme en outre les procedes consacres par l'experience pour peupler une terre d'une espece quelconque de gibier, les soins qu'exige la conservation des chasses sous le rapport de la destruction des animaux nuisibles; enfin les lieux qu'habitent les diverses especes de gibier, leurs moeurs, les epoques de passage et les diverses chasses que l'on leur fait. Tous les principes emis dans cet ouvrage ont ete sanctionnes par une pratique eclairee, et les jolies gravures dont il est orne le rendent tout a la fois utile et agreable. TRAITE DES CHASSES AUX PIEGES, supplement au Traite general de toutes les Chasses , contenant la description de tousles pieges, et la maniere de prendre les lievres et lapins, et les diverses especes d'oiseaux qui se trouvent en France; ouvrage entierement neuf, par les auteurs du Pecheur francais , orne d'un grand nombre de planches nouvelles, representant les pieges, les ustensiles, et les principales especes d'oiseaux. 2 vol. in-8. Prix: 10 fr., et 12 fr. par la poste. Les chasses aux pieges ont ete long-temps le partage exclusif des braconniers, et il en etait resulte pour elles une telle de faveur que l'on aurait cru deroger en s'en occupant. Cependant on est insensiblement revenu de cette injuste prevention; on a considere que la plupart des moyens qu'elles offrent ne pouvaient etre remplaces par aucun autre, que ces unoyens sont innocens quand on les emploie sur son terrain on avec permission, et qu'ils ne deviennent criminels que dans les maius des bracouniers qui en abusent sans droit et sans respect pour les proprietes, C'est en effet par eux que l'on atteint une foule d'oiseaux d'une approche trop difficile, et qu'on peuple les volieres des chantres des forets. Ces chasses ont ausso des droits a la reconnaissance des amis des sciences, elles ont ensciegne a prendre tous les animaux vivans, et l'histoire de la nature leur doit ses plus interessantes observations. Cet ouvrage qui contient la description de tous les pieges et leur usage contre les oiseaux, les lievres et les lapins, est pour les grands proprieteires le supplement indispensable au traite general des chasses, et pour les paisibles habitans de la campagne en moyen de se creer des occupations a la fois agreables et productives. ART DE MULTIPLIER LE GIBIER et de detruire animaux nuisibles, contenant la meilleure methode de propager, entretenir et conserver le gibier, tant en liberte que dans les pares; les moyens de le prendre vivant et de le transporter; les fonctions des gardes-chasse; un precis de la legislation, et la description de tous les pieges employes pour detruire les betes carnassieres et les oiseaux de proie.-Etrait du Traite general des chasses, dedie a M. le comte de Girardin , premier veneur de la couronne; par une societe de chasseurs. 1 vol. in-12, avec 12 planch. gravees. 3 fr., et 3 fr. 75 c. par la poste. TRAITE COMPLET DE LA CHASSE AU FUSIL, dans lequel on indique les moyens de faire choix d'un fusil, les perfectionnemens adaptes a cette arme pour l'emploi des amorces de touriste sur-oxigene de potasse; la maniere d'elever et d'instruire les chiens de chasse, et de soigner leurs maladies; celle de dresser un cheval d'arquebuse; des principes generaux pour bien tirer et se conduire a la chasse; et enfin, la maniere de chasser au fusil toutes les especes d'animaux qui se trouyent en France.-Extrait du Traite general des chasses, dedie a M. le comte de Girardin , premier veneur de la couronne; par une societe de chasseurs. 1 gros vol. in-12, orne de 8 planches gravees. 5 fr., et 6 fr. 50 c. par la poste. LE PECHEUR FRANCAIS, ou Traite de la Peche a la Ligne et aux Filets, en eau douce; contenant l'histoire naturelle des Poissons, la maniere de pecher les differentes especes, et l'art de fabriquer les filets; par M. Kresz aine pecheur. Suivi d'un precis des lois, et reglemens sur la peche, et orne de figures representant les Poissons et tout ce qui est relatif a la peche. 1 vol. in-12, fig. noires. 5 fr, Le meme, fig. coloriees avec or et argent . 13 fr. Port par la poste, 1 fr. Les ouvrages qui, jusqu'a jour, ont traite de la peche, ne l'ont fait que d'apres d'anciens livres remplis d'erreurs et de methodes extremement fautives, On ne trouvera pas dans celui-ci de recettes assurees pour faire des peches miraculeuses qui, le plus souvent, ne produisent pas un gouion; mais bien des moyens simples dont le succes couronne toujours l'emploi, et qui sont le fruit de la longue pratique de l'auteur. LE CABINET D'HISTOIRE NATURELLE, forme des productions du pays que l'on habite, avec la methode de classement, l'art d'empailler les animaux et de conserver les plantes et les insectes. Dedie a M. le Baron Cuvier ; par M. Boitard , Naturaliste. 2 vol. in-18, fig., 6 fr., et 7 fr. par la poste. Cet ouvrage vient convenablement se placer a la suite de Traites de chasse et de peche; en effet, lorsqu'un chaleur ou un pecheur devra a son adresse la possession d'un animal digne d'etre conserve, il sera bien aise d'en connaitre les moyens. L'auteur dit cabinet d'histoire naturelle doune a cet egard d'excellens procedes qu'il a su rendre d'une execution facile, et sa methode de classement met a meme de reconnaitre aisement le genre et l'espece de l'animal que l'on aura sous les yeux, et de se former un petit cabinet d'histoire naturelle. TRAITE DES OISEAUX DE CHANT, des pigeons de voliere, du perroquet, du faisan, da cygne et du paon. 1 vol. in-12, orne de 46 fig. d'oiseaux, 3 fr., et 3 fr. 75 par la poste. Tout ce qu'il est nessaire de savoir pour la conduite des VOLIERES est enseigne dans ce petit Traite. RECREATIONS CHIMIQUES, ou Recueil d'experiences curieuses et instructives que l'on peut faire facilement, a peu de frais et sans danger: auxquelles on a joint une explication raisonnee des divers phenomenes; les applications dont ils sont susceptibles dans l'economie domesitique ou dans les arts; le detail des divers amusemens que l'on peat en tirer pour etonner et surprendre agreablement; enfin un Precis elementaire de chimie , a l'usage des personnes qui n'ont aucune teinture de cette science. Ouvrage traduit de l'anglais, entierement refondu et augmente du double; par J. E. Herpin, professeur de sciences physiques; membre dee la Societe royale academique des sciences de Paris, etc., etc. Heureux ceux qui se divertissent en s'instruisant! Fenelon , Telemaque , liv. 1. 2 vol. in-8, avec planches. Prix, 12 fr., et 15 fr. par la poste. Le grand nombre de demandes qui ont ete faites de cet ouvrage, depuis que je l'ai annonce sous presse, m'ont donne l'idee la plus, favorable de l'accueil qui lui est destine. J'ose croire qu'il n'aura pas moins de succes que les Recreations Physiques et Mathematiques de Guyot dont, independamment de son utilite particuliere, il formera l'indispensable complement. Les Recreations Chimiques sont sous presse pour paraitre incessamment. LE VIGNOLE DE POCHE, ou Memorial des artistes, des proprietaires et des ouvriers, contenant les regles des cinq ordres d'architecture de Jacques Barozzio de Vignole, avec 30 planches; par M. Thierry fils, architecte graveur. Prix, 4 fr., et 4 fr. 50 c. par la poste. Cet ouvrage est refait a neuf, et contient de plus que toutes les editions donnees jusqu'a present, les profils detailles de chaque ordre. On a ajoute un tableau de l'ordonnance interieure des batimens, indiquant tous les details des proportions a donner aux vestibules, antichambres, salles, salons, chambres, cabinets, escaliers, epaisseur des murs, portes, croisees, cheminees, fours, cours, ecuries, remises, etables, bergeries, colombiers, granges, etc . L'ART DU MENUISIER en batimens et en meubles, extrait en partie de l'ouvrage de Roubo , et orne de nouvelles figures representant les ordres et ornemens d'architecture, ainsi que des meubles et decorations de boiseries, avec les details de leur construction; accompagne de notions sur la geometrie, de tables de conversion des mesures anciennes et metriques, et d'elemens d'architecture en ce qui concerne la decoration. Seconde edition; 2 vol. in-12, contenant 66 planches. Prix: cartonne, 7 fr. 50 c,, et 8 fr. 50 c. broche, par la poste. On se tromperait si on croyait que cet excellent abrege est destine seulement aux menuisiers: il est aussi necessaire aux personnes qui veulent utiliser leur industrie et leur adresse. L'ART DU TOURNEUR, 2 vol. avec beaucoup de fig. ( Pour paraitre incessamment .) Un ouvrage clair et succinct sur un art dont taut de personnes font leur amusement, etait a desirer, Deux ouvrages seulement ont paru sur cette matiere: l'enorme in-folio du Pere Plumier traite fort au long de l'art de construire des tours de toute espece, tandis qu'il daigne a peine consacrer quelqnes pages a l'art de tourner. Les trois volumes in-4 qui ont paru sous le nom de Bergeron contiennent plutot un immense catalogue d'outils, qu'un manuel utile a l'art; ces livres sont d'ailleurs d'un prix tres-eleve. Dans celui que nous annoncons, on a en principalement en vue d'enseigner l'art de travailler et de donner la connaissance des outils et materiaux, ainsi que les secrets d'amolir les matieres et de les colorer. L'ART DE FAIRE, A PEU DE FRAIS, LES FEUX D'ARTIFICE pour les fetes de famille, mariages, et autres circonstances; par M. L. E. A. Seconde edition . 1 vol. in-12, avec 10 planches, 1 fr. 80 c. et 2 f. 25 c. par la poste. Cet ouvrage contient aussi la description de l'art de fabriquer le salpetre et la poudre. LE NECESSAIRE DU PERCEPTEUR DES CONTRIBUTIONS DIRECTES, ou Tableaux progressifs, par douziemes, des taxes de ces contributions, depuis 5 c. jusqu'a 10,000 fr.; ouvrage utile aux contribuables, et aumoyen duquel on connait, sans aucun calcul, pour toutes les taxes et a telle epoque que ce puisse etre, le montant des douziemes echus exigibles par le percepteur, 2 f., et 2 ft. 25 c. par la poste. COURS D'AGRICULTURE, ou L'AGRONOME FRANCAIS, par une Societe de Savans, d'Agronomes, et de proprietaires fonciers; et dirige par M. le baron Rougier de la Bergerie. 8 vol. in-8 60 fr. ALMANACH DU CULTIVATEUR, ou l'Annee rurale de France; par un Agronome. Annee 1819, avec le portrait d' Olivier de Serres . 1 vol. in-18. -Annee 1820, avec le portrait de Bernard de Palissy . 1 vol. in-18. Prix de chaque annee: 1 fr. 25 c., et 1 fr. 50 c. par la poste. GEORGIQUES FRANCAISES, poeme, par M. le baron Rougier de la Bergerie. 1804, 2 vol. in-8, 8 fr. LES FORETS DE LA FRANCE, leurs rapports avec les climats, la temperature et l'ordre des saisons, la prosperite de l'Agriculture et de l'Industrie. Par le meme. 1817, in-8, 5 fr. HISTOIRE DE L'AGRICULTURE FRANCAISE, precedee d'une Notice sur l'Empire des Gaules, et sur l'Agriculture des anciens; par le meme. 1815, 1 vol. in-8, 6 fr. DE L'AGRICULTURE DES ANCIENS; par Adam Dickson; traduit de l'anglais. 2 vol. in-8 , 10 fr. Cet Ouvrage renferme une description raisonnee des travaux de grande culture et de jardiuage des anciens. C'est un Cours d'Agriculture des anciens extremement curieux. ESSAI SUR L'ART DE FAIRE LE VIN, extrait du Cours d'Agriculture dirige par M. le Baron Rougier de la Bergerie . In-8. 2 fr. 50 c., et 3 fr. par la poste. MANUEL DE LA MAITRESSE DE MAISON, ou Lettres sur l'Economie domestique; par madame Pariset . 1 v. in-18. fig. 3 f., et 3 f. 50 c. par la poste. "Ce livre (dit un journal), sera desormais un complement "necessaire a l'education des jeunes femmes sur le point d'entrer "en menage. C'est pont elles principalement que M me Pariset a "compose son Manuel; il renferme le fruit de ses observations, "les conseils de son experience. Ces conseils sont doux: ils enseigneur "a trouver le bonheur dans le bon ordre, et la richesse "dans. l'economie. lls seront du gout des maris, et j'en connais "deja qui regardent le livre de M me Pariset comme la charte "constitutionnelle des menages . Ils conviendront aux femmes, "car ils renferment les avis de la sagesse, ecrits du ton naturel "et simple qui sied a l'amitie et qui la rend persuasive. En ecrivant "pour son sexe, M me Pariset n'a point renonce au don de "plaire; elle parle aux femmes leur langage; l'utilite de ses preceptes "n'en bannit point l'agrement. On fera bien de pratiquer "ses conseils et de relire souvent ses anecdotes." "Le Manuel de la maitresse de maison (dit un autre journal), "connu et justement apprecie par tout le monde, est a sa seconde "edition. Ce petit vade mecum , ou necessaire d'une bonne "menagere, sera de plus en plus en vogue. Il est indispensable "anos jeunes Francaises, chez qui l'on trouve reunis les agremens "de la societe et les qualites qui distinguent la mere de famille, "ou la maitresse de maison. Nous plaignons d'avance la jeune "dame qui ne pourrait pas repondre affirmativement a cette "question: Avez-vous lu le Manuel de la maitresse de maison?" LA MAISON DE CAMPAGNE, par M me Aglae Adanson . Heureux qui dans le sein de ses dieux domestiques Se derobe au fracas des tempetes publiques, Et, dans un doux abri, trompant tous les regards, Cultive ses jardins, les vertus et les arts. Delille , Georg, fr . ch. II. trois gros volumes in-18 superieurement imprimes, et accompagnes de planches. Prix: 9 fr., et 11 fr. par la poste. Cet ouvrage expose les avantages de la vie champetre, et enseigne tout ce qui doit se pratiquer dans une maison de campagne. On traite de la distribution de la maison et de son ameublement; du fruitier, du pigeonnier, de la cave, de la laiterie, des animaux domestiques, et de tous les details de la basse-cour; des domestiques et des ouvriers; de la maniere de tenir ses comptes, etc., etc. Tous les soins a donner a la cuisine et au jardin d'utilite et d'agrement y sont decrits dans le plus grand detail. Fruit de l'experience et d'immenses travaux, il ne ressemble a aucun des livres qui ont paru jusqu'a present sous les titres de Maisons rustiques, Maisons des champs, Menages des champs , etc., les uns trop anciens, et les autres faits par des compilateurs ignorans. Tout ce qui est enseigne par M me Adanson pourra etre pratique avec succes, parce qu'elle n'avance rien qu'elle n'ait execute elle-meme. La Maison de campagne obtient nn succes egal a celui du Manuel de M me Pariset : les dames aiment a les lire et relire; elles y trouvent du plaisir d'abord, et ensuite les moyens de fixer chez elles, soit a la ville, soit aux champs, ce bien-etre apres lequel nous courons tous, et si souvent eu vain. ELEMENS DE L'AGRICULTURE ET DES SCIENCES QUI S'Y RAPPORTENT, auxquels on a joint une Bibliographie rurale choisie, a l'usage de ceux qui veulent acquerir de plus amples connaissances et se livrer a l'etude speciale d'une branche quelconque de l'art agricole. Par M. Deslandes, correspondant du conseil etabli aupres du Ministre de l'Interieur; de la Societe centrale d'agriculture de Paris, etc. 2 vol. in-12, prix, 6 fr., et 7 fr. 50 cent. par la poste. MANUEL DES ETANGS, ou Traite de Part d'en construire avec economie et solidite; dans lequel, apres avoir rappele l'origine historique et les rapports physiques et agronomiques des etangs, on indique les meilleurs moyens pour les empoissonner, les modes les plus surs pour en faire la peche et transporter au loin les poissons; leur utilite publique sous le rapport des irrigations et des lois ou usages de la police rurale. Par M. le baron de la Bergerie. 1 vol. in-12, avec fig. Prix 2 fr. 50 c., et 3 f. par la poste. TRAITE DE L'EDUCATION DES ANIMAUX DOMESTIQUES, suivi des moyens les plus simples et les plus surs de les multiplier, de les entretenir en sante et d'en tirer le plus d'avantages possibles; par M. Thiebaut de Berneaud . 2 vol. in-12, avec fig. 7 fr., et 9 fr. par la poste. Ce Traite est le plus complet que l'on possede sur les animaux domestiques. TRAITE DE L'EDUCATION DES OISEAUX DE BASSE-COUR et du Lapin domestique; contenant l'indication des soins qu'exigent ces divers animaux, pour en tirer le plus d'avantages possibles; et les procedes les plus surs pour l'engraissement des volailles. Ouvrage faisant suite au Traite de l'Education des Animaux domestiques . Par M. J. L. R. 1 vol. in-12, avec deux pl. gravees. 2 fr. 50 c., et 3 f. par la poste. L'ART DU TAUPIER, (destructeur de taupes), par Dralet, membre de plusieurs societes d'Agriculture et d'economie rurale in-8. 50 c. LA LAITERIE, ou Art de traiter le laitage, de faire le beurre, et de preparer les diverses sortes de fromages. 1 vol. in-12, 1 fr. 50 c., et 1 fr. 80 c. par la poste. LA CUISINIERE DE LA CAMPAGNE et de la Ville, ou la NOUVELLE CUISINE ECONOMIQUE, precedee d'un Traite sur les soins qu'exige une cave, et sur la Dissection des viandes a table. Dediee aux bonnes menageres , par M. L. E. A. 3 e edition, tres-simplifiee et augmentee d'une quantite considerable de recettes utiles. 1 vol. in-12, avec 10 figures, 2 fr. 50 c., et 3 f. 25 par la poste. La Cuisiniere Bourgeoise et tous les livres qui l'ont copiee, sont trop vieux; legs mets ne sont plus da gout des gastronomes du dix-neuvieme siecle. D'un autre cote, les ouvrages nouveaux sur la cuisine supposent a leurs lecteurs 50 mille fr. de rente et des cuisiniers fort habiles; la cuisine economique que nous annoncons a si bieu su eviter ces exces, qu'elle est parvenne en tres-peu de temps a sa troisieme edition. Elle doit son succes a la bonte et a la simplicite de ses recettes, qui sont a la portee de toutes les fortunes et de toutes les intelligences. LA CHARCUTERIE, ou l'Art de saler, fumer, appreter et cuire toutes les parties differentes an cochon et du sanglier, pour faire suite a la Cuisiniere de Campagne . 1 vol. in-12, 1 fr., et 1 fr. 25 par la poste. LA PATISSIERE DE LA CAMPAGNE ET DE LA VILLE, suivie de l'Art de faire le pain d'epices, les gaufres, oublies, etc.; pour faire suite a la Cuisiniere de Campagne . 1 vol. in-12. 1 fr. 50 c., et 2 fr. par la p. L'ART D'EMPLOYER LES FRUITS, et de composer a peu de frais toutes sortes de confitures et de liquers, pour faire suite a la Cuisiniere de Campagne . 2 e edit. 1 vol. in-12. 1 fr. 50 c., et 2 fr. par la poste. L'extreme utilite de ces ouvrages les fait rechercher de toutes les personnes qui aiment a jouir sans luxe des plaisirs de la table. LA TOILETTE DES DAMES, par M me Elise Voiart . 1 vol. in-18, avec une jolie gravure, 3 fr., et 3 fr. 50 c. par la poste. Dans un cadre ingeniuex. M me Elise Voiart a su presenter toutes les ressources d'une cosmetique salutaire, qu'elle a depouillee de ces recettes dangereuses dont l'effet accelere la ruine de la beaute. Pour repandre sur son sujet un interet soutenu, elle a trace l'esquisse historique de la toilette, et raconte une foule d'anecdotes curieuses, que sa plume a rendues plus piquantes. LA BOTANIQUE DES DAMES, par M. Boitard . 3 vol. in-18. 9 fr., et 10 fr. par la poste. L'auteurs s'est attache a presenter la science sous un point de vue neuf, instructif et amusant il a dit sur chaque plante tout ce qu'il y avait d'interessant a en savoir; il a donne l'historie de ses moeurs, de ses habitudes, et enseigne ses proprietes; un genera offre le moyen de classer et nommer les vegetaux que l'on, rencontre dans la campagne. Ce que les meilleurs poetes ont dit d'aimable sur les fleurs est cite dans l'histoire des familles. Voici le jugement qu'a porte de cet ouvrage le Courrier Francais du 20 septembre 1821. " La Botanique des Dames merite "les suffrages du public. Les lecons de M. Boitard sont pleines "tout a la fois de concision et de clarte. Il est difficile de presenter "une image plus nette et plus fidele des objets; et le soin "qu'il a constamment de rapporter l'observation des vegetaux a "celle des autres productions de la nature, fait, de son petit "Traite, un ouvrage tout-a-fait philosophique." FLORE DE LA BOTANIQUE DES DAMES. 1 v. in-18. Fig. noires, 9 fr.; fig. coloriees, 20 fr. (Ce volume ne peut etre envoye par la poste.) Sous le titre de Flore , un herbier artificiel fait partie de la Botanique des Dames ; il renferme, outre quatre planches de principes, quatre cent plantes les plus jolies et les plus interesantes, classees selon le systeme de Linne. Les plantes sont dessinees en miniature, mais cependant dans des proportions suffisantes pour presenter a l'oeil d'une maniere tres-ressemblante l'aspect caracteristique de chaque espece. Cette Flore, d'une execution tres-soignee, est ce qui a paru de mieux jusqu'a present dans ce genre de collection portative. La modicite de son prix mettra les personnes qui ne peuvent atteindre a des ouvrages de luxe, dans le cas de les remplacer d'une maniere anssi avantageuse que possible. La Botanique et la Flore se vendent separement: cette derniere peut etre utile et agreable a tous les amateurs de fleurs et a tous les possesseurs de l'Almanach du Bon Jardinier . HISTOIRE NATURELLE DES ORANGERS, dediee a S. A. R. madame la duchesse de Berry; par A. Risso, ancien professeur des sciences physiques et naturelles au lycee de Nice, membre associe des Academies d'Italie, de Geneve, de Marseille, de Turin, de la societe philomatique de Paris, etc.; Et A. Poiteau, botaniste, peintre d'histoire naturelle, directeur des plantations a Cayenne, ancien jardinier en chef des pepinieres royales a Versailles, membre de la societe d'agriculture et des arts de Seine-et-Oise. Tel l'or pur etincelle au milieu des metaux, Tel brille l'oranger parmi les arbrisseaux. Seul, dans chaque saison, il offre l'assemblage De fruits naissans et murs, de fleurs et de feuillages. Castel , Les Plantes , IV. Ouvrage orne de 109 fig. dessinees et coloriees d'apres nature. Les Grecs avaient ete tellement frappes des merveilleuses qualites de l'oranger, qu'ils crurent que la possession de son fruit precieux n'avait pu etre pour l'homme que la recompense de grands travaux. Les pommes d'or etaieut gardees dans le jardin des Hesperides par un dragon terrible; Hercule seul put le vaincre; et ces fruits divins furent le prix de sa victoire. Mais nous n'avons pas besoin de cette fabuleuse origine pour exciter notre admiration en faveur des orangers; il suffit de les connaitre pour convenir qu'il n'est pas d'arbre plus digue de nos eloges. Leur port est elegant et gracieux a la fois; leur feuillage, qu'un beau vernis rend brillant, est toujours vert ou agreablement panache; leurs fleurs blances ou legerement colorees n'ont point, comme beaucoup d'autres, une duree seulement ephemere; elles repandent long-temps leur delicieux parfum, et lorsqu'elles vienent a se fletrir pour former des fruits, elles sont remplacees par de nouvelles fleurs, en sorte que bientot les pommes dorees contrastent avec la blaucheur des fleurs et la constante verdure des feuilles. Mais si, par des formes elegantes, l'oranger est le premier de nos arbres d'ornement, par son utilite il est plus interessant encore. Il n'est point de vegetaux qui aient un plus grand nombre d'usages en medecine; il n'est point de fruits dont la saveur et l'odeur soient plus variees et en meme temps plus agreables; et en joignant a ces qualites l'etonnante diversite de formes et de couleurs de ces memes fruits, on aura une idee de l'interet que doit offrir un ouvrage qui les represente tous. Cet ouvrage est incontestablement la monographie la plus complete du genre citrus qui ait ete publiee jusqu'ici. Il contient l'histoire, la classification, la nomenclature et la description de 169 especes ou varietes d' orangers , de bigaradiers , de bergamotiers , de limettiers , de pompelmouses , de lumies , de limoniers et de cedratiers ou citronniers . Il fait connaitre en outre la culture qui leur est propre, tant en serre, sous les climats froids et temperes, qu'en pleine terre dans le midi. Il indique les remedes aux maladies qui attaquent ces arbres utiles, les moyens de detruire leurs ennemis, les proprietes economiques et autres qu'ils possedent, la recolte et les usages des fleurs et des fruits, ainsi que les bonnes methodes de les confire, etc. Tels sont les principaux objets qui composent l' histoire naturelle des orangers ; elle a ete redigee par deux hommes que leur profession et la position la plus favorable ont mis a meme d'approfondir ce sujet: l'on ne peut donc en attendre que des connaissances certaines. Independamment de ces avantages, les figures sont encore une partie tres-remarquable de l'ouvrage. Peintes d'apres nature par M. Poiteau, botaniste distingue et l'un des auteurs du texte, on peut etre assure qu'elles ne contiennent rien qui ne soit de la plus parfaite exactitude. Elles sont en outre imprimees et coloriees avec tant de soin, et leur imitation est si grande, que l'on creit, en les voyant, respirer le parfum que la nature leur donne. Cet ouvrage est recherche des possesseurs et des cultivateurs d'orangers, et digne d'occuper une place distinguee dans toutes les bibliotheques ou l'on se plait a rassembler des livres, dont l'utilite est reelle, et ou le luxe de l'art est necessite par l'agrement du sujet. Prix de l'ouvrage. Grand in-4, figures noires, 45 fr. Grand in-4, figures coloriees, 216 Grand in-folio, papier velin satine, fig. colorees, 450 FLORA PEDEMONTANA sive enumeratio methodica stirpium indigenarum pedemontii, auctore Carolo allionio. 3 vol. in f ., dont un de planches 66 fr. LE BON JARDINIER, Almanach avec supplement pour l'annee 1823, Contenant des preceptes generaux de culture; l'indication, mois par mois, des travaux a faire dans les Jardins; la Description, l'Histoire et la culture particuliere de toutes les Plantes potageres, economiques on employees dans les arts, et de celles propres aux Fourrages; des Arbres fruitiers de toute espece, avec la maniere de les bien conduire et l'indication des meilleurs fruits; des Ognons et Plantes a fleurs et d'ornement, meme les plus rares, et des Arbres, Arbrisseaux et Arbustes utiles ou d'agrement; suivis d'une Table francaise et latine tres-complete de tous les noms de chaque plante, et d'un Vocabulaire explicatif des termes de Jardinage et de Botanique ayant besoin d'interpretation, par MM. Pirolle, Vilmorin et Noisette , avec planches. 1 vol. in-12, 8 fr., et 10 fr. 75 c. par la poste. Premiere editionen gros caractere. Malgre l'augmetation de plus de 200 pages, resultant des articles nouveaux, et de la difference du caractere, le Bon Jardinier reste a l'aucien prix de 8 francs. Le grand debit de cet ouvrage, du a son merite reel, necessite sa reimpression annuelle, et donne les moyens de le tenir toujours a portee des nouvelles connaissances en botanique et en jardinage. Il est le seul qui puisse offrir cet inappreciable avantage. Beaucoup de compilateurs ignorans ont cherche a profiter de son succes: ils ont imite a peu pres son titre, et lont mis en tete d'ouvrages qu'ils ont donnes pour neufs, et qui ne contiennent cependant que des copies de vieux livres et de vieilles erreurs. Le public a fait justice de toutes ces supercheries, et il a continue de faire accueil au Bon Jardinier comme a celui qu'il trouvait le plus digne de le guider dans ses travaux. FIGURES POUR L'ALMANACH DU BON JARDINIER, representant les ustensiles le plus generalement employes dans la culture des jardins, differentes manieres de marcotter et de greffer, de disposer et de former les arbres fruitiers; enfin tout ce qui est necessaire pour la parfaite intelligence des termes de botanique ou de jardinage employes dans cet ouvrage, relatifs aux formes et directions des racines, tiges, feuilles, fleurs, etc., etc.; le tout accompagne en regard de notes explicatives. Ouvrage utile a toutes les personnes qui, possedant le Bon Jardinier , veulent cultiver par elles-memes ou gouverner leur jardin, marcotter, greffer, palisser, etc., et se familiariser, sans une trop grande application, avec la science de la botanique. Seconde edition , augmentee de 6 planches. - In-12, cartonne, fig. noires, 3 fr.; - coloriees, 7 fr. 50 c. LE JARDINIER DES FENETRES, des appartemens et des petits jardins. 1 vol. in-18 avec 2 planches gravees. 2 fr., et 2 fr. 50 c. franc de port. ESSAI SUR LA COMPOSITION ET L'ORNEMENT DES JARDINS; ou Recueil de plans de jardins de ville et de campagne, de fabriques propres a leur decoration, et de machines pour elever les eaux. Ouvrage faisant suite a l ' Almanach du bon Jardinier . Je dirai comment l'art, daus de frais paysages, Dirige l'eau, les fleurs, les gazons, les ombrages. ( Delille .) Deuxieme edition, 1 vol. in-4, avec pl. Prix: broche 12 fr., cartonne 13 fr., relie 14 fr. La premiere edition contenait 17 planches doubles et 29 simples: celle-ci en renferme 83 qui sont toutes de la grandeur des doubles de la premiere edition. 19 sont consacrees a des plans de jardins; 49 representent des Habitations, agrestes et des Fabriques pour l'ornement des pares et jardins, telles que Temples, Pavillons, Edifices gothiques, Kiosques, Chaumieres, Chalet, Ermitages, Ponts rustiques et autres, Volieres, Balancoires, jeux de bague, Bascules, Bacs, Gondoles et Nacelles; Obelisques, Tombeaux, Fontaines, Salons, Salles a manger et Salles de danse en verdure et en treillage, Orangeries, Glacieres, Puits ornes, etc.; 3 planches offrent toutes sortes de Portes et Barrieres pour clotures; enfin 11 planches donnent les dessins detailles de beaucoup de Machines simples et economiques pour elever les eaux. Cet ouvrage renferme, outre l'exposition des principes necessaires a la composition des jardins, 1 . des tableaux offrant un choix, par ordre de grandeurs, des arbres, arbrisseaux et arbustes qui peuvent resister en plein air; 2 . une liste des especes a preferer parmi les plantes potageres; 3 . un choix des meilleures especes de fruits par ordre de maturite; 4 . enfin un tableau des plus belles plantes d'agrement qui peuvent servir a orner les jardins. L'amateur pourra arreter lui-meme le plan de ses jardins, soit pour les etablir a neuf, soit pour ajouter a leur embellissement; il lui deviendra aise de faire un choix d'arbres et de plantes, et de diriger les plantations et la construction de toutes especes de fabriques et de machines. Le tableau des arbres et arbrisseaux contient l'indication des prix de chacun des vegetaux qui le composent. HERBIER GENERAL DE L'AMATEUR, contenant la description, l'histoire, les proprietes et la culture des vegetaux utiles et agreables; dedie au Roi, par feu Mordant De Launay ; continue par M. Loiseleur-Deslonchamps , avec figures paintes d'apres nature par M. P. Bessa , peintre d'histoire naturelle. Il en perait chaque mois une livraison de six planches, accompagnees de leur texte en regard, et superieurement coloriees au pinceau, par des artistes habiles. L'ouvrage aura 8 volumes, dont chacun se compose de 12 livraisons. La 76 a paru en aout 1823. Prix de la livraison: Format in-8., sur nom de Jesus, papier fin 9 fr. Idem , Idem , pap. velin satine 12 Format in-4.; sur grand raisin velin satine 21 Le port, par la poste, est de 25 cent. Les personnes qui ne voudraient pas faire a la fois l'acquisition de toutes les livraisons, trouveront dans la nouvelle souscription dont nous allons parler, la facilite de se les procurer en ne depensant par mois qu'une legere somme. NOUVELLE SOUSCRIPTION. La reimpression des premiers volumes donne a l'editeur le moyen d'ouvrir une seconde souscription. La premiere livraison de cette nouvelle souscription est en vente et les autres paraitront regulierement de mois en mois. La seconde souscription ne sera, sous aucun rapport, inferieure a la premiere: le meme papier sera employe, et les gravures seront coloriees avec la meme perfection. L'ouvrage que nous annoncons se compose de la plus riche partie du domaine de Flore. Il offre l'image fidele des fleurs les plus belles, et des plantes les plus interessantes parmi celles que l'on cultive en France pour l'ornement des jardins, ou que l'on entretient a grands frais dans les serres. Ces brillans vegetaux, si recherches des amateurs, sont representes avec une verite de formes et de couleurs tellement exacte que leurs figures peuvent servir de modele aux artistes. L'herbier de l'amateur a copie le grand livre de la nature, mais il n'en reproduit que les plus belles pages; c'est un parterre toujours fleuri, contre lequel les aquilons sont impuissans. La, chaque pas procure de nouvelles jouissances en devoilant les secrets d'une science aimable ou tout est charme et agrement. En possedant cet ouvrage, on ne connait plus le terme de la saison de Flore, et, foin des champs comme au sein des frimas, on retrouve ces jolies fleurs dont l'art, d'une main habile, a su conserver les vives couleurs et tous les caracteres de la vegetation. Chaque plante figuree est accompagnee des details de sa fleur; ainsi le botaniste y trouvera un memorial de ses connaissances, et celui qui aspire a le devenir, un guide qu'il pourra suivre avec confiance. C'est surtout avec cet ouvrage que l'amateur et le jardinier s'entendront facilement; l'un aura la certitude de faire un choix qui lui convienne, en examinant les portraits des plantes precieuses qui se trouvent dans le Commerce; l'autre pourra faire connaitre ce qu'elles sont dans leur floraison, lors meme que la rigueur de l'hiver les aurait depouillees de leur panure; enfin, dans tous les temps, le dessinateur, le peintre et le manufacturier y trouveront des modeles aussi vrais que s'ils imitaient ces vegetaux eux-memes dans toute la fraicheur de la nature. Il elait difficile de reunir plus d'utilite et d'agrement dans un ouvrage d'un format commoue et d'un prix accessible meme aux fortunes mediocres. Tel etait cependant le but que s'est propose l'editeur, et le succes qu'il obtient attesterait assez que ce but a ete atteint, quand les eloges multiplies des journaux et les suffrages des savans n'auraient pas confirme et justifie l'accueil favorable du public. Les figures sont toutes dessinees d'apres nature et sur des plantes vivantes par M. Bessa, l'un de nos premiers peintres d'histoire naturelle. Les noms des auteurs seraient une garantie suffisante pourle public, quand nous annoncerions une collection a faire; mais ici on peut se convaincre du merite reel de l'ouvrage, puisque sur environ 600 planches qu'il doit contenir, plus de 450 sont deja gravees et coloriees et leur texte imprime. Les amateurs trouvent donc un double avantage dans cette souscription, c'est la certitude qu'elle ne sera pas interrompue, ni poussee au-dela des limites prescrites. LE JARDIN FRUITIER, contenant l'histoire, la description, la culture et les usages des arbres fruitiers, des fraisiers et des meilleures especes de vignes qui se trouvent en Europe; les usages des fruits sous le rapport de l'economie domestique et de la medecine; des prinicpes elementaires sur la maniere d'elever les arbres, sur la greffe, la plantation, la taille, et tout ce qui a rapport a la conduite d'un jardin fruitier; par M. Noisette , cultivateur, botaniste et pepinieriste, et M. A. Gautier , docteur en medecine: ouvrage orne de 220 figures de fruits colories d'apres nature. Ce bel ouvrage auquel le public s'est empresse de souscrire, est termine. Il forme 3 vol. grand in-4. Prix: Figures noires, broche 37 fr. 50 c. - Relie en un volume 42 - Figures coloriees, broche 225 MANUEL DES PLANTES MEDICINALES, ou Description, Usages et Culture des vegetaux indigenes employes en medecine; contenant la manere de les recueillir, de les secher et de les conserver; la description des parties que l'on en trouve dans le commerce; les preparations qu'on leur fait subir, et les doses auxquelles on les administre; leurs proprietes reelles ou supposees; le temps de leur floraison, de leur recolte, et les lieux ou ils croissent naturellement; les substitutions qu'on peut en faire et celles qu'il faut eviter ou craindre; enfin les symptomes et le traitement des empoisonnemens par ceux qui sont veneneux. Par A. Gautier , doct. en med. de la Fac. de Paris. 1 vol. in-12 de 1140 pag., avec une figure du moulin a fabriquer la farine de graine de lin et l'orge monde . Prix: 10 fr., et 12 fr. 50 c. franc de port. On remarque dans ce Manuel une indication precise des effets et de la maniere d'agir des plantes, ainsi que des maladies dans lesquelles ces effets sont salutaires ou dangereux. Il ne sera pas moins utile aux personnes qui pratiquent la medecine qu'a celles qui, par un motif de beinfaisance, desirent connaitre, employer ou conseiller les plantes. Il convient donc aux cures, aux dames de charite, etc. Il enseigne a ne plus croire aux proprietes merveilleuses et imaginaires des plantes dont les anciens livres sont remplis, et il remplace ces erreurs dangereuses par des connaissances plus exactes, et surtout plus en rapport avec les progres de la medecine et de la chimie. Quant a la culture, nous ne connaissons aucun ouvrage sur les plantes medicinales ou l'on puisse trouver des connaissances aussi completes, nous ajouterons meme aussi exactes. HERBIER MEDICAL, ou Collection de Figues representant les plantes medicinales indigenes. Supplement au Manuel des Plantes medicinales de M. A. Gautier , et a tous les traites de matiere medicale, Dictionnaires d'histoire naturelle, et autres ouvrages qui traitent des plantes. Cette Collection, contenant 214 figures de plantes, a ete publiee en 10 livraisons. Prix de la livraison. In-12, fig. noires 1 f. 50 c. In-12, fig coloriees 4 In-8. fig. coloriees (il n'y en a pas de ce format en noir). 5 Port par la poste 25 LA MEDECINE ET CHIRURGIE des pauvres, qui contiennent des remedes choisis, faciles a preparer, et sans depense, pour la plupart des maladies internes et externes qui attaquent le corps humain; par ***. Nouvelle edition, 1 vol. in-12. 3 fr. L'ART DE PROLONGER LA VIE HUMAINE; traduit sur la seconde edition de l'allemand de Chr. Guillaume Hufeland, docteur en medecine, professeur a l'Universite de Jena. 1 vol. in 8 . 5 fr. L'AGRONOME DES QUATRE SAISONS, 1 fr., et 1 fr. 30 c. par la poste. Douze tableaux, disposes comme les almanachs de cabinet, presentent chacun le detail des travaux a faire au jardin pendant le mois dont il porte le nom; l'indication des epoques des semis ainsi que la maniere de les faire; celle du temps des recoltes en fruits, legumes et fleurs; enfin, les proverbes ruraux et les pronostics, ainsi que le calendrier ou sont particulierement indiques les fetes et les saints que les agriculteurs ont coutume de nommer. L'amateur et le jardinier, en jetant un coup d'oeil sur ces tableaux, y trouveront un memorial fidele de leurs travaux journaliers. BEAUTES DU JARDINAGE, ou Recueil de morceaux choisis, en prose et en vers, pour les amateurs des dons de Pomone et de Flore. 1 vol. in-12, 1 fr. 25 c., et 1 fr. 75 c. par la poste. M. Pouplin, auteur de ces deux ouvrages, a ete admis a l'honneur de les presenter au Roi et a la famillie royale. LES QUATRE SAISONS, medaillons de 3 pouces, superieurement graves par Vallot d'apres les dessins de Girodet . 1. fr. 25 c. franc de port. Les figures allegoriques des saisons sont les dieux penates de l'ami de la nature: elles doivent toujours avoir leur place dans son habitation champetre. DU BEAU DANS LES ARTS D'IMITATION, avec un examen raisonne des productions des diverses ecoles de peinture et de sculpture, et en particulier de celles de France; par M. Keratry , 2 vol. in-12, papier fin, 4 fig. 10 f. Port par la poste 1 fr. 50 c. L'auteur rattachant son sujet a des idees elevees de philosophie, dont il avait depose le germe dans son ouvrage si connu des Inductions , est parvenu a accroitre l'interet d'une matiere qui deja possede par elle-meme le droit de fixer l'attention du public. Le precepte et l'exemple se succedent et se fortifient tour a tour sons sa plume. Toutes les belles questions qui tiennent, soit a la pratique, soit a la theorie des arts, sont agitees par M. Keratry; et toutes, apres avoir ete developpees dans une suite de tableaux varies, recoivent la meme et unique solution; savoir: que le beau, dans la peinture et la sculpture, l'eloquence et la poesie, n'a d'autre source que le beau dans la morale. Cet apercu neuf donne un caractere particulier au livre de M. Keratry, qui n'a pas redoute de se moutrer plus d'une fois en dissidence avec le celebre Burke, l'abbe Dubos, Raphael Mengs et Winckelmann. Cet ouvrage est orne de 4 tres-jolies figures, gravees par Bovinet, Beyer, Pigeot, Manceau, d'apres les dessins de Droz et Duviviez. PRINCIPES DE LOGIQUE, ou Art de penser, de RHETORIQUE, de VERSIFICATION, de LECTURE A HAUTE VOIX, et de DECLAMATION; par M. Coeuret de St.-Georges , avocat. 1 vol. in-18. 3 fr., et 3 fr. 50 c. par la poste. Dans ce petit volume, ecrit avec elegance et rapidite, l'auteur a trouve le moyen, avec quelques definitions simples et claires, et quelques exemples tires de nos meilleurs ecrivains, de mettre a la portee des femmes une science du nombre de celles qui coutent des annees d'ennuyeux travaux. M. de St.-Georges termine son volume par un traite de versification et de declamation, non pour engager les dames a devenir auteurs ou actrices, mais pour leur apprendre a mieux gouter les oeuvres de nos bons poetes, et a les faire valoir par le charme de leur debit. COURS DE LITTERATURE ANCIENNE, extrait de LAHARPE et degage des parties les plus abstraites; par madame de Bawr . 2 vol. in-18. 6 f., et 7 f. par la p. " L'extrait du Cours de Litterature ancienne est fait avec soin, "le gout qui a preside a ce travail, la sagesse, la clarte du style "qui distinguent cet elegant abrege, tout atteste que madame de "Bawr aurait pu elle-meme dicter les regles de l'art, et qu'elle "en possede les secrets. Le Cours de Litterature ancienne, reduit "a deux volumes, sera utile aux gens du monde, et sera lu "avec plaisir par les gens de lettres." ( Courrier des Spectacles , 10 octobre 1821.) LA VIERGE D'ARDUENE, traditions gauloises, ou esquisse des moeurs et des usages de la nation avant l'ere chretienne; par Mad. Elise Voiart, 2 me edition, 1 vol. in-8 avec 2 fig., prix 6 fr. 50 c. LE LANGAGE DES FLEURS, par madame Charlotte de Latour, 1 vol. in-18, orne de 15 gravures, executees dans une perfection inconnue jusqu'a ce jour. In-18, figures noires, broche 6 f. - Cartonne par Bradel 7 - Figures colorees, broche 12 - Cartonne 13 - Relie en veau, dore sur tranches 15 - Maroquin, dore sur tranches 17 - Papier velin, figures sur satin, relie en moire avec etui 30 In-12 broche 20 - Cartonne 21 - Relie en veau, dore sur tranches 23 - Maroquin, dore sur tranches 26 Un exemplaire, imprime in-12, sur peau de velin, auquel on a joint les jolis dessins originaux, peints en coultur par M. Bessa, relie en maroquin, avec etui, 600 fr. L'idee ingenieuse de chercher dans les fleurs d'une prairie l'expression de nos pensees, a deja fourni le sujet de plusieurs ouvrages; mais il etait reserve a notre auteur de nous en donner les elemens, en sorte que nous pouvons desormais compter une nouvelle langue. Cet ouvrage qui, par son agrement, est plus particulierement destine aux dames, a encore l'avantage d'offrir une foule de traits curieux et de recherches pleines d'interet. Les dessins dont il est orne sont d'une si grande perfection, qu'ils peuvent servir de modeles, et ne sont jusqu'a present comparables a rien de ce qui a ete fait en ce genre. RECUEIL DES PLUS JOLIS JEUX DE SOCIETE, 1 vol. in-12, fig., 2 fr., et par la poste, 2 fr. 50 c. ATLAS UNIVERSEL de Geographie ancienne et moderne, dresse par M. Perrot 1 vol. in-18 broche 8 fr., relie ou cartonne 9 fr. Cet Atlas en miniature fait partie de l'Encyclopedie des dames. Les cartes sont gravees avec une si grande finesse de burin et offrent une telle nettete, que l'on a pu y faire entrer autant de details que si elles eussent ete executees sur un format plus grand. Il contient 29 cartes coloriees, savoir: Sphere; Carte physique; Tableau comparatif de la hauteur des principales montagnes de la terre; Monde connu des anciens; Grece ancienne; Empire Romain , en deux feuilles; Empire de Charlemagne; Mappemonde; Europe; France par provinces; France par departemens; Suede, Norwege et Danemarck; Russie; Iles britanniques; Europe centrale; Pays-Bas; Suisse; Espagne et Portugal; Italie; Turquie; Asie; Inde; Afrique; Egypte; Amerique , en deux feuilles; Antilles; Oceanique . HISTOIRE DE CLOVIS, de ses Successeurs et des Maires du Palais; Precedee d'un Precis sur la Gaule avant Clovis; par madame Sophie de Maraise . 1 vol. in-18, fig. 3 f., et 3 f. 50 c. par la poste. Pap. vel., 6 fr. On saura gre a M me de Maraise d'avoir etabli beaucoup d'ordre et de clarte dans l'histoire un peu confuse de ces premiers siecles et d'avoir fait sortir des reflexious salutaires du recit des crimes et des malheurs de ces temps. HISTOIRE DE CHARLEMAGNE, commencant a l'avenement de Pepin au trone; par M me de Bawr . 1 v. in-18. fig. 3 fr., et 3 fr. 50 c. par la poste. Pap. velin, 6 fr. M me de Bawr, dans cet ouvrage, avait une tache a remplir aussi brillante que difficile; elle s'en est acquittee avecle plus grand succees. HISTOIRE DE SAINT-LOUIS, Roi de France, par De Bury, nouv. edition, revue avec soin. Paris, 1817, 1 vol. in-12, orne de 2 jolies grav. et de 3 portraits, papier velin. 6 fr. HISTOIRE DE LOUIS XII, Roi de France, par A. L. Delaroche; Paris, 1817, 1 vol. in-12, orne de 2 jolies grav., de 2 portr. et d'un fac simile de l'ecriture de Louis XII. 3 f.-Pap. vel, 6 fr. Port par la poste, 1 fr. MEMOIRES PARTICULIERS, contenant l' Histoire de la Captivite de la Famille Royale a la Tour du Temple . In-8 ., figures. 2 fr. 50 c., et 3 fr. par la posts. RECIT DES EVENEMENS arrives au Temple depuis le 13 aout 1792 jusqu'a la mort du dauphin Louis XVII. In-8 , sur pap. vel. sat., broch. 3 f. et 3 f. 50 c; par la poste. Cet Ouvrage, accueilli avec le plus vif interet, contient l'histoire des memes evenemens que les Memoires particuliers , publies en 1817, mais l'interet y est bien superieur; dans les memoires ou racoule ce qui est arrive a l'auguste princesse; et dans le recit , c'est elle-meme qui fait la narration touchante de toutes les particularites de sa captivite et des malheurs de son illustre famille. Fac Simile du Testament de Louis XVI, et d'ecrits de M me Elisabeth, de la Reine et du jeune Louis XVII, avec une Notice historique; in-4 ., 2 fr., et 2 fr. 25 c. par la poste. Fac simile du Testament de la Reine. 1 fr. 25 c., et 1 fr. 50 c. par la poste. Supplement a la notice historieque sur le Testament de la Reine ; in-4 ., 2 fr. 50 c., et 3 fr. par la poste. 40 PORTRAITS DES PRINCIPAUX ORATEURS DE LA CHAMBRE DES DEPUTES, suivis d'une courte notice sur tous les Membres qui composent la session de 1819 - 1820, avec deux vues coloriees de la salle des seances, et un tableau statistique, indiquant la place occupee par chaque Depute. 1 vol. grand in-8., 8 fr., et 8 fr. 50 c. par la poste. RELATION HISTORIQUE DES MALHEURS DE LA CATALOGNE, ou Memoires de ce qui s'est passe a Barcelone en 1821, pendant que la fievre jaune y a exerce ses ravages; suivis de pieces officielles communiquees par MM. les prefets, les consuls, les intendans et les medecins de la Catalogne et des Pyrenees orientales; par M. Henry , archiviste de la prefecture des Pyrenees orientales, 1 vol. in-8, avec 2 grav. Prix, 6 fr. et 7 fr. 50 c. franc de port par la poste. ENCYCLOPEDIE DES DAMES. Loin d'epuiser une matiere, On n'en doit prendre que la fleur. La Fontaine . Tous les journaux se sont empresses d'announcer avec eloge cette interessante collection. "C'est (dit l'un d'eux), une entreprise "tres-utile et tres-bien concue, que celle d'une petite encyclopedie "des sommites de la science; recueil agreable sans etre "futile, ou l'ignorance puisse apprendre, et l'instruction se souvenir; "qui soit assez complet pour ne rien omettre d'essentiel, "et assez reduit pour n'ecraser du poins d'un gros bagage, ni les "tablettes, ni les esprits; qui permitte, en un mot, a toute "personne douee de quelque intelligence, d'embrasser, avec peu "d'efforts, la statistique generale des connaissances europeennes; "tel est l'object important que se propose M. Audot, en "l' Encyclopedie des Dames ; ouvrages qui peut egalement profiter "aux hommes." Les ouvrages se vendent separement; ceux marques d'un asterisque * sont en vente. DIVISION DE L'ENCYCLOPEDIE DES DAMES. Traite Elementaire de Mathematiques et de Mecanique , par M. Francoeur . 1 vol. avec beaucoup de planches. Astronomic ou Physique celeste , et Theories de la terre , par M. Francoeur , 1 vol. fig. Physique , par M. Bory de Saint-Vincent , 2 vol. avec beaucoup de figures. Chimie , par M. Bory De Saint-Vincent , 1 vol. fig. Histoire des inventions et des Decouvertes qui, depuis l'origine du monde, ont influe sur le sort et la civilisation du genre humain, par M. Ph. Chasles , 2 vol. fig. * Cabinet d'Histoire naturelle , forme des productions du pays que l'on habite, avec la methode de classement, l'art d'empailler les animaux et de conserver les plantes et les insectes, dedie a M. le baron Cuvier par M. Boitard , Naturaliste. 2 vol. fig. Histoire naturelle des Mineraux , par M. Bory de Saint-Vincent, 1 vol. fig. * Botanique , par M. Boitard . 4 vol., dont un, sous le titre de Flore de la Botanique des Dames , est compose de 104 planches, contenant 400 figures de plantes en miniature, les plus jolies et les plus interessantes. Histoire naturelle des Mammiferes , par le meme Auteur. 3. vol. fig. Histoire naturelle des Oiseaux , par le meme Auteur. 2 vol. fig. Histoire naturelle des Reptiles, des Poissons et des Crustaces , par le meme Auteur, 1 vol. fig. Histoire naturelle des Coquilles et des Mollusques nus , par le meme Auteur. 1 vol. fig. Histoire naturelle des Insectes, des Vers et des Zoophytes , par le meme Auteur. 3 vol. fig. Physiologie , par M. le docteur Pariset , 1 vol., avec des figures representant les organes des principales fonctions de la vie. Hygiene , par le meme Auteur. 2 vol. Gymnastique . - Equitation, Chasse et Peche , par M. ***, ancien officier de cavalerie. 1 vol. fig. * La Toilette des Dames , par M me Elise Voiart . 1 vol. fig. * Manuel de la Maitresse de Maison , ou Lettres sur l'Economie domestique , par madame Pariset . Deuxieme edition. 1 vol. fig. * La Maison de Campagne , par madame Aglae Adanson . 3 vol. * Atlas de Geographie ancienne et moderne et d'Astronomie , par M. Perrot , compose de cartes. Geographie , 6 vol., avec beaucoup de figures. Le Pantheon , par M. de Jouy , de l'Academie francaise. 6 vol. fig.; cet ouvrage presentera, sous le double aspect philosophique et poetique, les Mythologies indienne, grecque, scandinave, et leurs differentes branches. Histoire generale , par Millot , de l'Academie francaise, retouchee, enrichie de details historiques, et continuee jusqu'a nos jours par un professeur d'histoire. - Histoire Ancienne . 6 vol. fig. - Histoire Moderne . 10 vol. fig. Moeurs, Usages, Ceremonies des Peuples et Condition des Femmes depuis les premiers temps , par M. de Roquefort , auteur du Glossaire de la langue romane, etc., 6 vol., ornes d'un tres-grand nombre de figures d'antiquites, meubles, costumes. etc. * Du beau dans les arts d'imitation , avec un examen raisonne des productions des diverses ecoles de peinture et de sculpture, et eu particulier de celles de France, par M. Keratry. 3 vol., avec 4 fig. * Histoire de la Musique , par madame de Bawr . 1 vol. * Histoire de la Danse chez les Peuples anciens et modernes , par madame Elise VoiArt . 1 vol. fig. * Principes de Logique, de Rhetorique, de Versification, de Lecture a haute voix et declamation , par M. Coeuret de St.-Georges , avocat. 1 vol. * Cours de Litterature ancienne , extrait de la Harpe , et degage des parties les plus abstraites, par madame de Bawr . 2 vol. Cours de Litterature francaise , par madame de Bawr . 8 vol. Le prix de chaque volume in-18, broche avec une couverture imprimee, est de 3 francs (et le double sur papier velin), pour les personnes qui souscrivent a l'Encyclopedie complete. Il y aura seulement un supplement de prix a payer pour les figures d'histoire naturelle que l'on desirerait coloriees; ce qui n'ajoutera qu'une depense d'environ 25 francs pour le tout. IMPRIMERIE D'A. EGRON. ESSAI SUR LA DANSE ANTIQUE ET MODERNE. PARIS. 1823.