METHODE POUR EXERCER L'OREILLE A LA MESURE, DANS L'ART DE LA DANSE. METHODE POUR EXERCER L'OREILLE A LA MESURE, DANS L'ART DE LA DANSE. Par M. BACQUOY-GUEDON, ci-devant Danfeur du Theatre Francois. Le Prix eft d'une livre feize fols Broche . A AMSTERDAM, Et fe trouve a Paris, chez Valade , Libraire, rue Sait Jacques, vis-a-vis la rue des Mathurins. METHODE POUR EXERCER L'OREILLE A LA MESURE, DANS L'ART DE LA DANSE. LES bornes que me prefcrit le titre de ce petit Ouvrage, ne me permettent point d'entrer dans un grand detail fur l'Art de la Danfe. Il me fuffira de dire que fon origine remonte jufqu'aux premieres focietes; & que la voix & le gefte, interpretes des paffions, auffi anciennes que les hommes, ont produit naturellement le Chant & la Danfe, qui ne font autre chofe que le refultat & A le temoignage expreffif des differentes fenfations recues ou communiquees. La Danfe a fuivi, dans fes progres, la marche de tous les Arts puifes dans la nature; d'abord des expreffions fimples, uniformes, mais patheriques. Les befoins & les plaifirs des hommes s'etant bientot multiplies avec leurs paffions, les obfervations fe font auffi accumulees. Il a fallu recourir a la Methode; les principes, les regles fe font erablis, & l'Art a fervi de fupplement a la nature. Ainfi s'eft formee la Danfe, qui fait maintenant un des principaux agremens de la fociete. Il n'eft point de Nation, qui n'ait fenti la neceffite de cet Art aimable. Il femble meme avoir fuivi les progres de la civilifation chez les differens peuples; & a mefure qu'ils fe font polices, la Danfe a paru y devenir plus en honneur. Les Grecs, les Romains, dans leurs jours les plus floriffants, etoient d'excellens Danfeurs. Nous ne leur en cedons guere aujourd'hui, nous autres Francois; & l'on peut affurer, fans prevention, que nous avancons de jour en jour, a grands pas, a la perfection de cet Art. Au refte, il ne faut pas croire que les Anciens n'aient envifage dans la Danfe qu'un pur objet de plaifir. Les avantages phyfiques qu'ils avoient en vue dans tous leurs exercices, ont du la leur prefenter comme une occupation effentielle. En effet, quand la Danfe ne contribueroit qu'a faciliter la tranfpiration, qu'a donner plus de jeu aux articulations, plus de reffort aux mufcles, enfin plus de foupleffe & d'agilite aux differentes parties du corps, c'en feroit affez, je crois, pour prouver fa neceffite. Quant a fon utilite, elle eft, ce femble, affez generalement reconnue. Et pourrions-nous en douter, nous, fur-tout, qui dans les chofes d'agrement, avons fu nous rendre, pour ainfi dire, nos voifins tributaires? En France, la Danfe fait partie de la belle education: c'eft elle qui donne cette demarche noble & ce maintien gracieux, fi neceffaire pour s'annoncer dans le monde avec quelqu'avantage; car l'on fait que-notre premier abord decide fouvent la bonne ou mauvaife opinion que l'on peut prendre de nous; & a cet egard, la Danfe paroit etre d'une utilite prefque generale. L'homme de merite auroit meme tort de la negliger: il doit fe fouvenir que le diamant le plus precieux refteroit brut, fans la main qui le polit, & que d'ailleurs un peu d'art ne fied pas mal aux dons meme les plus precieux de la A ij nature. Quant a ceux qui ont le malheur de n'en etre pas favorifes, on ne fauroit trop leur recommander la culture d'un art qui les met a portee de compenfer, en quelque forte, par les qualites exterieures, ce qui leur manque abfolument du cote du fond. Ce preambule, qui m'a paru neceffaire, indique affez que mon but principal eft d'augmenter le nombre des amateurs de la Danfe, en tachant d'en rendre le gout plus general encore qu'il ne femble l'etre. Mais il eft indifpenfable, pour remplir ces vues, de commencer par detruire les obftacles qui pourroient en arreter, ou du moins en retarder les progres. J'en choifis un feul, que je vais effayer de combattre, mais qui renferme tous les autres, & qui me femble d'autant plus difficile a vaincre, qu'il paroit etre fonde fur un ancien prejuge prefque generalement adopte. La plupart de ceux qui conviennent fans peine de l'utilite, & meme de la neceffite de la Danfe, font en meme-tems perfuades qu'un certain nombre de perfonnes doivent abfolument renoncer a l'efpoir d'y reuffir jamais. Il femble, a les en croire, que la nature leur ait refufe les qualites effentielles a l'exercice de cet Art. Ce grand defaut confifte a n'avoir point ce que l'on apelle de l'oreille pour la mefure . Ce vice eft incurable, dit-on; & voici a peu-pres fur quoi cette, decifion eft fondee: C'eft qu'il n'eft pas plus poffible de donner de l'oreille pour la Danfe a ceux qui en manquent , que de rendre jufte une voix naturellement fauffe. Outre que cette comparaifon ne me paroit pas abfolument exacte, je me contenterai de repondre, que la jufteffe ou la fauffete de la voix dependent d'une bonne ou mauvaife organifation; que, lorfque l'organe eft reellement defectueux, il faudroit pouvoir le reformer, afin de rendre la voix plus jufte: mais il ne s'agit ici que de la fauffete apparente de l'oreille. Or, le remede peut etre employe avec fucces; car on peut affurer que l'oreille ne paroit fauffe, que parce qu'elle n'a point ete affez exercee; & comme dans la Danfe, il ne s'agit que de l'habituer & de la rompre fur la mefure, on peut la lui rendre fenfible, par une maniere particuliere de la faire battre; & c'eft-la precifement l'objet que je me propofe dans cette Methode. J'ai dit qu'il ne s'agiffoit ici que de la fauffete apparente de l'oreille , car je ne pretends nullement produire dans mon Eleve, une qualite que la feule nature peut nous difpenfer; mais je cro A iij du moins pouvoir developper, & meme forcer le germe a paroitre dans celui que perfonne n'en jugeroit fufceptible. Cette decouverte me femble d'autant plus utile, qu'elle ne rebute, ni l'Ecolier, ni le Maitre. Combien de fujets ont ete abandonnes fur un fimple foupcon d'inaptitude, qui auroient pu s'illuftrer dans la carriere agreable de Therpficore. Un long exercice dans l'art d'enfeigner la Danfe, joint au defir de me rendre utile a la fociete, m'ont fait reflechir fur les moyens de remedier a cet inconvenient. Je me trouve en etat, apres une pratique conftante, d'affurer maintenant le public, que je fuis parvenu a mon but, & quelque, defefpere que foit un fujet fur cet article, je reponds de le former entierement. J'en ai un garant infaillible; c'eft une experience plufieurs fois repetee, & prefque toujours avec le plus grand fucces A iv (1) . Tout le monde fera a portee de s'affurer de mes principes, puifque je les mets au jour; & j'ofe efperer que deformais on ne fera plus abandonner la Danfe a nombre de fujets, par la raifon fi univerfellement recue, qu'il eft impoffible de bien danfer, lorfque l'on n'a point d'oreille pour la mefure. Quelque prevenu que je puiffe etre en faveur de ma Methode, je prie cependant les perfonnes qui pourront y trouver des deauts, de vouloir bien me communiquer leurs obfervations; je recevrai recevrai toujours les avis des perfonnes eclairees, avec toute la gratitude poffible. Je me flatte encore que l'on ne me croira pas conduit par l'interet perfonnel, puifque je mets tout le monde a portee de profiter de ma decouverte; & fi je favois quelque chofe qui put donner une plus grande preuve de mon zele, ainfi que de mon defintereffement, je la donnerios fans hefiter. DU MENUET. Le Menuet eft une forte de Danfe qui, felon M. l'Abbe Broffard (2) , nous vient originairement du Poitou. Cette Danfe l'emporte, fans contredit, fur toute autre, tant par fa nobleffe que par fa nobleffe que par fa gravite. Le mot Menuet (en italien Minuetto ) vient du latin Minuere , qui fignifie diminuer, ralentir, &c. parce que dans cette efpece de Danfe, les pas font moins precipites, les mouvemens du corps moins vifs & plus ralentis. M. Peecour l'a beaucoup perfectionne par les changemens qu'il y a faits. La figure du Menuet etoit un S, il y a fubftitue un Z, ce qui lui donne infiniment plus de grace & de regularite. Il eft bon de remarquer d'abord que le pas de Menuet contient deux mefures muficales, qui fe diftinguent en bonne & en faufee mefure. La bonne fe marque en frappant dans la main, & la fauffe a cote de foi. Jufqu'ici l'on n'a employe que cez unique moyen pour former a la mefure l'oreille de l'Ecolier: mais ce moyen m'ayant paru infuffifant dans la pratique, pour donner de l'oreille a certains fujets, j'ai obferve de plus pres la nature; & apres beaucoup d'experiences, prefque toutes heureufes, j'ai trouve que les douze nouveaux moyens indiques ci-apres, n'eroient pas de trop pour developper mes principes. La Mufique peut etre confideree comme une efpece de difcours. Elle a comme lui fes phrafes entieres, & fes phrafes partielles; mais la ponctuation qui fe marque dans le difcours par des fignes vifibles, doit fe faire fentir dans la Mufique, a la chute de chaque phrafe, ou portion de chant: ainfi, dans le menuet danfant, qui eft, comme on le fait, un morceau mufical, dont les mefures font a trois tems & en nombre pair, on fe trouve affujetti aux memes regles, en obfervant cependant que chaque phrafe & chaque portion de phrafe muficale fe terminent toujours par la fauffe mefure. Dans la vue de ne rien laiffer a defiret aux perfonnes qui voudront fe fervir de cette Methode, & pour que l'on ne m'impute point d'avoir omis quelque chofe dans ce traite, j'indiquerai, dans mes notes, la quantite des tems muficaux qui s'emploient, tant dans la bonne mefure que dans la fauffe, pour le Menuet, ainfi que dans la Contre-Danfe, &c. ce qui facilitera l'Ecolier qui fera Muficien, ou qui aura quelque notion de la Mufique, pour battre la mefure des differens moyens que je donne dans cette Methode, tant pour le Menuet que pour la Contre-Danfe. Quant a celui qui n'en aura aucune, on lui enfeignera fimplement les moyens & on lui fera diftinguer les tems & les mefures, par le tire & le pouffe de l'archet, comme je le dis ci-apres. Mon intention n'eft point d'offenfer M M. les Muficiens amateurs, en difant que cela facilitera l'Ecolier qui fera Muficien, car il arrive fouvent que de tres-bons Muficiens ne danfent point en mefure; fur-tout dans le Menuet, par l'habitude qu'ils ont contractee de frapper toutes les mefures, & cette grande habitude les detourne quelquefois de l'attention qu'il faut avoir d'employer toujours deux mefures muficales pour faire le pas de Menuet, & que de fes deux mefures, nous ne frappons que la premiere, que nous nommons la bonne; ce qui fait que nous comparons meeme la mefure du Menuet-Danfant, pour fa valeur, a celle de 6/4, comme je le dis ci-apres (3) . Je dirai donc qu'avant de commencer a faire battrre la mefure a mon Ecolier, je lui explique, 1 . que l'on prend deux mefures muficales pour faire le pas de Menuet (4) ; que ces deux mefures fe diftinguent, comme je l'ai dit ci-devant, l'une en bonne, & l'autre en fauffe; que la bonne fe marque en frappant dans la main, & l'autre a cote de foi (5) . 2 . Je lui explique de meeme que chaque phrafe & chaque portion de phrafe fe terminent toujours par la fauffe mefure. En confequence, je lui fais battre la mefure des trois premiers moyens, & je parcours les autres de fuite, a mefure qu'il les comprend. Une fois bien exerce aux 7, 8 & 9 e moyens, je lui coupe quelquefois la mefure pour eprouver fon oreille, apres l'avoir averti, cependant, d'arreter fa main, lorfqu'il fentira qu'il ne fera plus en mefure, pour la reprendre, & que la mefure peut etre coupee de deux manieres; la premiere, par la repetition d'une mefure, & la feconde, par la fuppreffion dans le courant du Menuet, ou a la fin d'une phrafe ou portion de phrafe, autrement dit fur la fauffe mefure. Dans les commencemens, je lui fais fentir auffi la bonne mefure par le coup d'archet. MOYENS. Le premier moyen confifte a marquer la bonne mefure, en frappant en meeme-tems les deux genoux des deux mains qui leur correfpondent; enfuite lever les mains pour marquer la fauffe mefure, en les faifant tomber chacune de leur cote. Les deux mains fe relevent pour revenir frapper la bonne mefure fur les genoux, & continuer le meeme mouvement (6) . 2 . La bonne mefure fe marque en frappant des talons (7) le plancher, tandis que les deux mains tombent fur les genoux. La fauffe fe marque par les mains qui tombent fur les cotes, en meeme-tems que les talons fe levent (8) . 3 . Les deux mains marquent la bonne mefure en frappant fur les genoux, tandis que les talons la marquent par leur releve pendant que les mains tombent fur les cotes, pour marquer la fauffe mefure, les talons la marquent en frappant fur le plancher, & toujours alternativement (9) . 4 . Les mains confervent le meeme mouvement, a l'exception que l'on marque en frappant des talons fur le plancher, la bonne & la fauffe mefure (10) . 5 . La bonne mefure fe marque par le frappe des deux mains fur les genoux, & la fauffe, par le frappe d'une feule main, tandis que l'autre la marque a cote, ainfi de fuite alternativement, en obfervant de commencer a battre la fauffe mefure par la main droite. 6 . Repetition du precedent moyen, en ajoutant le frappedes deux talons, pour marquer la bonne mefure, & le frappe d'un feul talon, pour marquer la fauffe, le tout conjointement avec les mains correfpondantes (11) . 7 . Marquez la bonne mefure en frappant le genou droit de la main droite; & tandis que celle-ci marque la fauffe a cote, la main gauche la bat fur le genou gauche, pour marquer enfuite la bonne en tombant a cote: la main droite B reprend dans ce tems la bonne mefure, comme on l'a dit, & ainfi de fuite alternativement. 8 . Meme mouvement, excepte que chaque talon frappe en meme-tems que la main tombant fur le genou (12) . 9 . Marquez la bonne mefure en frappant de la main droite fur le genou droit immobile, tandis que le talon gauche frappe. Marquez la fauffe en frappant de la main gauche fur le genou gauche, immobile a fon tour, pendant que le talon droit frappe auffi. La main qui ne tombe point fur le genou, marque toujours l'autre mefure a cote (13) . 10 . La main droite marque la bonne mefure en frappant fur le genou correfpondant, tandis que la gauche la marque a cote, pendant que la droite fe leve & marque la fauffe a cote; la main gauche, qui s'eft levee avec la droite, frappe trois fois fur le genou gauche (14) . 11 . On battra la bonne mefure en frappant de la main droite fur le genou correfpondant; la fauffe, en la laiffant tomber a cote de foi; & pendant ces mouvemens, la main gauche battra fur le genou gauche tous les tems de la bonne & fauffe mefure (15) . 12 .Dans ce dernier moyen, les fix tems fe marquent toujours de la main gauche, comme dans le moyen precedent; la main droite, pendant ce tems, frappe la bonne mefure fur le genou droit, pour marquer enfuite a cote de foi la fauffe qui fe fera fentir en meme-tems par le frappe du talon correfpondant. B ij DE LA CONTRE-DANSE La Contre-Danfe eft une forte de Danfe moins grave que le Menuet, & que la plupart des anciennes Danfes figurees; elle eft appellee ainfi parce que plufieurs perfonnes danfent enfemble, & reperent en meme-tems les memes mouvemens ou les memes figures. Ce mot eft forme du mot Latin Contra , & du mot Allemand Dantz . La mefure de cette Danfe eft, comme on le fait, compofee de deux tems, l'un nomme fort & l'autre foible (16) . Selon l'ufage des Maitres de Mufique, le fort fe marque en frappant d'une main dans l'autre, & le foible en la levant. Cette maniere eft auffi adoptee par les Maitres de Danfe. Voice douze nouveaux moyens que je donne pour former a cette mefure l'oreille de l'Ecolier (17) . On peut faire remarquer aux perfonnes qui ne font point de l'Art, que de tout tems, les Maitres de Mufique ont diftingue les tems dans les trois differentes mefures fimples, par le fort & par le foible, quoiqu'ils foient toujours de valeur egale. Je le fais auffi pour faire diftinguer aux Ecoliers le frappe (foit de la main ou du pied) & le leve; que le tems fort eft roujours celui qui fe marque en frappant, & le foible en levant, comme dans certaines Contre-Danfes Allemandes, lefquelles commencent ordinairement par le tems fort, & finiffent par le foible. La difference qu'il y a dans les Francoifes & Angloifes, eft qu'elles commencent affez B iij generalement par le leve, ou tems foible, & finiffent par le frappe, ou tems fort (18) . Quand il s'agit de faire battre la mefure de la Contre-Danfe, ce que je fais ordinairement, conjointement avec celle du Menuet, en partageant egalement les moyens de l'une comme de l'autre; c'eft-a-dire que fi je ne fais battre que deux moyens de la mefure du Menuet, j'en fais battre autant de celle de la Contre-Danfe, pour faire voir a mon Ecolier le rapport qu'il y a de l'un a l'autre: pour lors, il eft neceffaire que l'Ecolier fache que cette mefure fe bat a deux tems (19) , l'un nomme fort, & l'autre foible; que le temps fort (comme je l'ai deja dit) eft celui que l'on marque en frappant dans la main, & le foible, lorfque la main fe leve; que chaque phrafe ou chaque portion de phrafe muficale fo termine toujours par le tems fort, fur-tout quand l'air commence en levant; fi au contraire il commence en frappant, la phrafe ou la portion de phrafe finira en levant, comme dans certaines Contre-Danfes Allemandes, & autres (20) . Apres cette explication, je fais battre les differens moyens a mon Ecolier, & lofqu'il a acquis un peu d'habitude fur les 7, 8 & 9 e moyens, je lui coupe la mefure; & quand il s'appercoit qu'il n'y eft plus, il faut alors qu'il s'arrete, afin de B iv la reprendre fur le tems fort; car la mefure peut etre coupee egalement de deux manieres, comme je l'ai dit pour le Menuet; c'eft-a-dire, par la repetition d'une mefure, ou par fuppreffion, dans le courant de l'air, ou a la fin d'une phrafe, ou portion de phrafe. MOYENS Le premier moyen confifte a marquer le tems fort, en frappant en meme-tems les deux genoux des deux mains qui leur correfpondent, & le tems foible, en les relevant, pour continuer enfuite le meme mouvement. (21) . 2 . Le tems fort fe marque en frappant des talons le plancher, tandis que les deux mains tombent fur les genoux. Le tems foible fe marque par les mains qui fe relevant, ainfi que les talons. 3 . Les deux mains marquent le tems fort en frappant fur les genoux, & tandis qu'elles fe relevent, le foible fe marque en frappant des talons (22) . 4 . Les mains confervent toujours les memes mouvemens, a l'exception que les talons marquent par leur frappe le tems fort & le foible. 5 . Les pieds immobiles. Les deux mains marquent le tems fort en frappant fur les genoux correfpondans. On leve enfuite la main droite, qui doit marquer le tems foible par un fecond frappe fur le genou droit, tandis que la main gauche le marque par fon leve. Les deux mains reviennent enfuite fur les genoux; apres quoi la gauche recommence ce que la droite avoit fait, & ainfi de fuite reciproquement, ayant toujours foin que la bonne mefure fe marque avec les deux mains fur les genoux (23) . 6 . Pour marquer le tems fort, frappez des talons, & laiffez tomber en meme-tems les deux mains fur les genoux; levez la main droite, ainfi que le talon droit, & marquez le tems foible par le frappe du talon droit, tandis que la main drote rerombe du talon droit, tandis que la main droite retombe une feconde fois fur le genou correfpondant; & pendant ce tems, la main & le pied gauche fe levent: ce tems foible fe marque reciproquement par le frappe de la main & du pied gauche, comme on l'avoit fait du cote droit; le tems fort fe marque conftamment comme il a ete explique (24) . 7 . Marquez le tems fort en frappant le genou droit de la main droite; & pendant que cette main fe releve pour marquer le tems foible, la gauche le marque en frappant fur le genou gauche, le tout alternativement. 8 . Meme mouvement, excepte que chaque talon frappe en meme-tems que la main tombant fur le genou. Il eft a obferver que lorfque la main & le talon frappent, l'autre main & l'autre talon doivent fe lever fur le meme tems. 9 . Marquez le tems fort en frappant de la main droite fur le genou droit; dans le meme tems levez le talon droit, & frappez avec le talon gauche: pour le tems foible, frappez fur le genou gauche de la main gauche, & dans ce meme tems levez le talon de ce cote, tandis que vous frapperez du talon droit, le tout alternativement. 10 . La main droite marque le tems fort en frappant fur le genou correfpondant; pendant ce tems, la gauche le marque en fe levant, & lorfque la main droite fe leve pour marquer le tems foible, la main gauche frappe les deux quarts de la mefure dont ce tems foible eft compofe; enfuite la main droite refrappe le tems fort, pendant que la gauche fe releve, & elle recommence ce qu'elle a fait ci-devant (25) . 11a. Se fouvenant toujours que cette mefure eft compofee de deux tems, l'un nommee fort & l'autre foible, on marquera de la main droite, en frappant fur le genou droit, le tems fort; & on la relevera enfuite pour marquer le tems foible, tandis que la main gauche battra fur le genou gauche chaque quart de mefure, ou chaque noire, le tout fans interruption. 12 . Dans ce dernier moyen, la main gauche conferve toujours le meme mouvement, pendant que la main droite marque fur le genou correfpondant, le tems fort, & le talon du meme cete le foible. Dans ce meme tems la main droite fe leve pour le marquer auffi. Ces principes paroitront peut-etre au premier coup d'oeuil trop compliques, ou trop embarraffans; mais il faut faire attention que dans la pratique, les difficultes s'evanouffent d'elles-memes, lorfqu'on etablit de juftes gradations pour le developpement des idees. C'eft ainfi qu'en exercant mes Ecoliers, je ne les amene que par degres, & prefqu'infenfiblement, du fimple au compofe. J'emploie telle lecon, par exemple, a tel ou tel moyen; je varie de tems en tems les airs, pour eviter le degout & l'ennui; enfin, je fais contracter a mon Ecolier l'habitude de marquer la mefure avec fermete & affurance, en le forcant, pour ainfi dire, de fe redreffer lui-meme dans fes differens mouvemens, que j'affecte de traverfer en lui coupant la mefure. Ce ne fera donc qu'apres avoir fuivi les procedes que je viens d'indiquer, qu'on pourra fe decider, ou pour, ou contre ma Methode: j'ofe efperer que l'experience qu'on en fera ne tournera point au defavantage de fon Auteur. Je donne ici fix airs & fix Menuets analogues aux differentes manieres de battre la mefure. Les deux premiers airs font une mefure de 3/2, lefquels ne font compofees que d'une ronde & d'une blanche dans chaque mefure: Meffieurs les Maitres de Mufique font battre cette mefure a trois tems lents; mais comme dans le Menuet nous ne faifons marquer que les mefures, & cela de deux en deux, je fais frapper mon Ecolier fur la ronde de la premiere mefure; je lui fais lever la main fur la blanche, pour marquer enfuite la feconde mefure a cote de lui, fur l'autre ronde; enfuire relever la main fur l'autre blanche, pour refrapper fur une autre ronde qui commence la troifieme mefure, &c. C'eft la meeme chofe pour le troifieme & quatrieme air, mefure a 3/4, a l'exception que le mouvement, quoique marque, eft un peu plus vif; que l'on frappe fur une blanche, & qu'on leve la main fur une noire, &c. Dans le cinquieme & fixieme air, les mefures paires font compofees d'une blanche pointee, & les impaires de trois noires; le mouvement eft moins lent qu'aux premiers airs, fans cependant rentrer dans le mouvement ordinaire. Dans les fix Menuets fuivants, les mefures font plus variees, & par confequent approchent davantage de la nature du Menuet pour le Chant. Quant aux fix airs & aux fix Contre-Danfes que je donne auffi, je prends les memes precautions pour amener mon Ecolier a la mefure par des gradations infenfibles. Ainfi les deux premiers airs ont une mefure defignee par le C barre: cette mefure eft plus lente que quand elle eft marquee par un 2, & elle fe bat de meme a deux tems. Les mefures ne font compofees que de deux blanches; ainfi on frappe fur la premier blanche d'apres la ligne perpendiculaire, & on leve la main fur la feconde, &c. Le troifieme air, mefure defignee par un 2, eft la meme chofe, a l'exception que le mouvement eft un peu plus vif, quoique defigne par le mot marque. Les quatre, cinq & fixieme airs font un peu plus variees, & le mouvement un peu plus vif, fans cependant reffembler au mouvement ordinaire. Dans les fix Contre-Danfes fuivantes, les mefures font plus variees, & fe rapprochent par confequent pour le Chant, (comme pour le mouvement) de la nature de la Contre-Danfe. Je n'ai pour but dans les fix premiers airs pour la mefure du Menuet, ainfi que dans les fix pour la mefure de la Contre-Danfe, que de faciliter & regler a l'Ecolier le mouvement de la main, mouvement qu'il acquerra facilement, s'il a quelque notion de la Mufique, quand une fois il aura compris que dans la mefure a 3/2,il faut frapper la bonne mefure fur la ronde, lever la main fur la blanche, &c. & cela dans les deux premiers airs. Dans les deux fuivants, qui font une mefure a 3/4, il doit frapper fur la blanche, lever la main fur la noire, & la laiffer tomber enfuite a cote de foi fur une autre blanche, &c. Lorfque l'Ecolier n'a aucune connoiffance de la mufique, je lui fais entendre qu'il faut frapper la bonne mefure, foit des mains ou des pieds, lorfque l'archet va en tirant, & qu'il faut lever les mains, lorfqu'il va en pouffant, afin de les laiffer tomber a cote de foi, pour marquer la fauffe mefure fur un autre coup d'archet qui fe donnera en tirant, & toujours alternativement. Les mouvemens de l'Ecolier etant ainfi regles, il battra fans difficulte les trois premiers Menuets, de meme que les trois premieres Contre-Danfes fur lefquelles on pourra fort a propos lui couper la mefure. Il en eft de meme des trois derniers Menuets & Contre-Danfes, quant a la maniere de les battre. Puifque chaque mefure eft compofee de noires, l'on fera frapper les tems pour le Menuet, & les quarts de tems pour la Contre-Danfe, c'eft-a-dire, autant de fois qu'il y a de notes ou de coups d'archet, & cela de la main main gauche, ainfi que je le dis dans les moyens dix, onze & douze (26) . Les douze airs pour la mefure du Menuet font en Sol, & ceux pour la Contre-Danfe font en Re, afin qu'il n'y ait point d'interruption dans les lecons, par la neceffite ou fe trouveroit le Maitre de preluder chaque fois qu'il changeroit de Menuet ou de Contre-Danfe. On evitera en meme-tems par ce moyen de jetter de la confufion dans l'orielle de l'Ecolier qui n'eft point encore accoutumee aux changemens de ton. Son oreille fe formera ainfi peu a peu a la mefure, durant l'efpace, a peu-pres de trente-fix lecons, fi toute fois il veut fe preter aux lecons de fon Maitre; car toute l'habilete poffible, toute l'affiduite & les foins les plus conftans, tombent en pure perte, fans la docilite & l'attention reciproque de l'Eleve: c'eft une verite generalement reconnue. C J'ai ajoute aux quatre premiers Menuets, & aux quatres premieres Contre-Danfes, un Mineur, pour faire fentir a mon eEcolier les nuances qu'il y a dans la Mufique, & en meme-tems lui donner ce gout & cette fenfation que la Mufique excite naturellement, en lui faifant obferver qu'il faut frapper fort au Majeur, & doucement au Mineur, fans cependant ralentir le mouvement. Quand mon Ecolier eft parvenu a battre la mefure fur tous les moyens, tant du Menuet que de la Contre-Danfe, qu'il fait diftinguer la bonne mefure d'avec la fauffe, ainfi que s'arrater a propos quand il fent qu'il n'eft plus en mefure, pour la reprendre enfuite, & qu'il s'appercoit auffi lorfqu'on la lui coupe, je lui montre pour lors a reprendre cette mefure fans s'arreter, & cela fur les douze moyens, tant pour le Menuet que pour la Contre-Danfe. MANIERE DE REPRENDRE LA MESURE SANS S'ARRETER DANS LE MENUET. Dans le premier Moyen, lorfque l'Ecolier n'eft plus en mefure, foit par la fuppreffion de mefure ou par la repetition, dans le courant de l'air, a la fin d'une phrafe muficale ou portion de phrafe, que cette coupe s'eft faite lorfque les mains marquoient la fauffe mefure; il faut qu'il laiffe tomber une feconde fois les mains chacune de leur cote, & enfuite qu'il refrappe des mains fur fes genoux, & il fe retrouvera en mefure. Si au contraire le Maiitre lui coupe la mefure dans le moment qu'il frappe des mains fur fes genoux, il faudra qu'il recommence le meme mouvement, & il fe retrouvera en mefure (27) . C ij 2 e Moyen. Memes principes que ci-deffus pour les mains comme pour les pieds. 3 e Moyen. L'on frappera deux fois de fuite des talons, & l'on laiffera de meme tomber deux fois les mains, chacune de leur cote, & l'Ecolier fe retrouvera en mefure. 4 e Moyen. Memes principes pour les mains; car pour les pieds, ils feront toujours en mefure. 5 e Moyen. Si le Maitre couple la mefure par fuppreffion, & cela dans le moment que l'Ecolier bat la fauffe mefure de la main droite, il faut que l'Eleve laiffe tomber la main droite a cote de lui, & que la gauche frappe en meme-tems fur fon genou correfpondant, qu'il refrappe apres cela des deux mains fur les genoux, & marque enfuite la fauffe mefure de la main droite, &c. Si on lui coupe la mefure par fuppreffion dans le courant de l'air, a la fin d'une phrafe ou portion de phrafe, lorfqu'il bat la fauffe de la main gauche, il fera le contraire de ce qui a ete marque ci-deffus. Si au contraire on lui coupe la mefure par repetition, il ajoutera un frappe de la main fur laquelle on l'aura coupe, & l'autre main retombera une feconde fois a cote, en obfervant que la phrafe finiffe de la main gauche. 6 e Moyen. Memes principes qu'au cinquieme, tant des mains que des pieds. 7 e Moyen. Si le Maitre coupe la mefure par fuppreffion, ou repetition, & cela dans le courant de l'air, a la fin d'une phrafe ou portion de phrafe, l'Ecolier refrappera une feconde fois de la main fur laquelle on lui aura coupe la mefure, l'autre main tombera une feconde fois a cote, & c'Ecolier fe trouvera en mefure. 8 e Moyen. Meme precaution, tant pour les mains que pour les pieds. 9 e Moyen. Meme chofe, a l'exception que le pied doit etre oppofe a la main. 10 e Moyen. Memes principes pour la main droite; la gauche feulement, en place des trois frappes, en fera fix, & l'Ecolier fera en mefure. 11 e Moyen. Meme principes pour la main droite, car la gauche fera toujours en mefure. 12 e & dernier Moyen. Soit que l'on coupe la mefure, comme je l'ai dit au premier, cinquieme & feptieme Moyens. l'Ecolier repetera le meme mouvement de la main & du talon, & fe retrouvera en mefure: pour la main gauche, elle continuera toujours fon meme mouvement. Malgrele rapport que les moyens pour la Contre-Danfe ont avec ceux du Menuet, tant pour la facon de les battre, que pour celle de reprendre la mefure fans s'arreter, j'ai penfequ'il etoit a propos de les divifer en deux parties, afin que l'Ecolier foit a portee, par la feule infpection du titre, de faire ufage des moyens relatifs a l'efpece de mefure qu'il voudra battre. MANIERE DE REPRENDRE LA MESURE SANS S'ARR ETER DANS LA CONTRE-DANSE. Dans le premier Moyen, lorfque le Maitre coupe la mefure, foit par repetition de mefure, foit par fuppreffion dans le courant de l'air, a la fin d'une phrafe ou portion de phrafe, que cette coupe s'eft faite lorfque les mains marquent le tems fort; il faut que l'Ecolier refrappe une feconde fois des deux mains fur les genoux correfpondans, & il fe retrouvera en mefure. Si au contraire on lui coupe la mefure fur le tems foible, il faut que l'E colier recommence une feconde fois ce tems par le releve des mains, & il fe retrouvera en mefure (28) . C iv 2 e Moyen. Meme chofe que ci-deffus pour les mains comme pour les pieds. 3 e Moyen. On laiffera tomber une feconde fois les mains fur les genoux correfpondans; de meme on frappera deux fois des talons fur le plancher, & l'Ecolier fe retrouvera en mefure. 4 e Moyen. Meme principes qu'au precedent Moyen pour les mains, car pour les pieds, ils feront toujours en mefure. 5 e Moyen. Si la mefure eft coupee par fuppreffion, repetition dans le courant de l'air, a la fin d'une phrafe ou portion de phrafe, dans le moment que l'Ecolier frappe le tems fort par les mains tombant fur les tombant fur les genoux correfpondans, il refrappera une feconde fois & il fe trouvera en mefure. Si au contraire la mefure eft coupee par fuppreffion, &c. dans l'inftant que l'Ele frappe le tems foible de la main droite, il refrappera une feconde fois de cette main, & il fe retrouvera en mefure: meme chofe pour la main gauche. 6 e Moyen. Memes principes qu'au precedent, tant pour les mains que pour les talons. 7 e Moyen. Si le Maitre coupe la mefure par repetition de mefure, ou fuppreffion, & cela dans le courant de l'air, a la fin d'une phrafe ou portion de phrafe, dans le moment que l'Ecolier frappe le tems fort de la main droite, il faudra qu'il refrappe une feconde fois de la main droite, & que la gauche faffe de meme un fecond mouvement par fon leve, & l'Ecolier fera en mefure. On obfervera la meme chofe pour le tems foible de la main gauche. 8 e Moyen. Meme precaution, tant pour les mains que pour les pieds. 9 e Moyen. Memes principes, avec la difference que le pied doit etre oppofe a la main. 10 e Moyen. Meme precaution pour la main droite, a l'exception que la gauche, pour fe remettre en mefure, frappera les quatre quarts de la mefure, au lieu de deux, & l'Ecolier fe retrouvera en mefure. 11 e Moyen. Memes principes, & cela, pour la main droite; car pour la gauche, de tele fac on qu'on la traverfe, ou qu'on lui coupe la mefure, foit par fuppreffion de tems ou repetition, elle fera toujours en mefure. 12 e & dernier Moyen. Memes principes, comme je l'ai dit au douzieme Moyen pour le Menuet, tant pour la main droite que pour le talon; & pour la gauche, comme au precedent Moyen: c'eft-a-dire qu'elle continuera toujours fon meme mouvement. Apres cet exercice, je n'ai plus qu'a faire comprendre a mon Ecolier, l'ufage que l'on fait de la mefure, & fon application dans les trois fortes de pas de Menuet, &c. Pour parvenir a faire marquer la mefure avec exactitude dans le pas de Menuet, & a faire faire toutes les parties de ce pas, conformement a l'air mufical, fi mon Ecolier a de l'intelligence, & qu'il fache la Mufique, je lui recommande de fe reffouvenir, 1 . que le pas de Menuet en general, eft compofe de quatre pas, qui font deux plies & deux marches; que ce pas, foit en avant, a droite ou a gauche, commence toujours du pied droit, & finit du pied gauche, par la raifon que le nombre des pas eft un nombre pair: 2 . que ce pas contient fix tems, compris dans les deux mefures que nous prenons pour le faire; enfin, que pour faire ce pas, fuppofons en avant, il doit etre placee a la quatrieme pofition; approcher le pied droit en pliant a la premiere; enfuite gliffer ce pied devant foi, & cela fur une noire, que je fuppofe preceder la ligne perpendiculaire (29) ; relever ce premier pas fur la premiere noire, d'apres cette ligne; refter le tems de la noire; pofer le talon droit a terre fur la valeur d'un point que je fuppofe de meme apres cette noire; approcher le pied gauche a la premiere pofition fur la valeur d'une croche; plier, gliffer enfuite ce pied fur la valeur de la noire qui precede la feconde mefure; relever ce fecond pas fur la premiere noire, d'apres la feconde ligne perpendiculaire; marcher enfuite deux petits pas en avant vite & fur les pointes, de facon que fur la feconde noire l'on baiffe le talon gauche; enfuite on approche le pied droit en pliant a la premiere pofition, pour recommencer un autre pas, &c. (30) Je donne de meme a mon Ecolier les principes pour les autres pas de Menuet, & apres lui avoir demontre ces pas, je les lui fais exercer en danfant fon Menuer. Si mon Ecolier n'a aucune connoiffance de la Mufique, je me contente de lui dire qu'il faut relever le premier pas du pas de Menuet fur la premiere note de la bonne mefure, ainfi que le fecond pas fur la premiere note de la fauffe; par confequent, qu'il faut que le plie & le gliffe du pied fe faffent avant. J'explique auffi a mon Ecolier les principes de la mefure pour les pas ufites dans le Menuet, comme annonce, pas grave, &c. ainfi que ceux de la Contre-Danfe. Quand une fois il eft bien sur de la mefure, je la lui coupe afin de l'eprouver; & lorfque je vois qu'il s'arrete, qu'il attend l'inftant de la bonne mefure pour s'y remettre, c'eft-la que je lui enfeigne la facon de la reprendre fans s'arreter, & cela, dans les trois fortes de pas de Menuet, &c. Je lui dis donc qu'il y a fix endroits differens dans la figure du Menuet ou l'on peut lui couper la mefure, qui font, 1 . fur la fauffe mefure du premier pas de Menuet en avant; 2 . fur la fauffe mefure du fecond; 3 . fur le fecond pas du premier a droite; 4 . fur le fecond du deuxieme; 5 . fur le deuxieme pas du premier a gauche; & 6 . fur le deuxieme du fecond pas de Menuet. Je lui enfeigne le moyen le plus facile pour prevenir la faute ou l'Ecolier tombe malgre lui, etant oblige de refter court, & d'attendre le moment le plus favorable pour fe remettre en mefure, ce qui lui fait manquer fouvent la figure, le tout provenant de ne point favoir la facon de la reprendre, fans s'arreter. Ce moyen, le voici: Je dis a mon Ecolier que lorfqu'il s'appercoit que je lui ai coupe la mefure, & cela fur le fecond pas du premier pas de Menuet en avant, il faut, qu'apres l'avoir fini, il faffe un coupe du pied droit en avant (31) ; qu'enfuite il reprenne fon fecond pas de Menuet en avant, & il fe retrouvera en mefure. Si je lui coupe la mefure fur le deuxieme du fecond pas de Menuet en avant, il le finira de meme; fera enfuite un coupe de cote, & continuera de faire fes deux pas de Menuet a droite. Si je lui coupe la mefure fur le deuxieme pas du premier pas de cote a droite, il le finira; ajoutera un coupe de cote, & fera fon fecond pas de Menuet de cote. Si au contraire la mefure eft coupee fur la fauffe du fecond pas a droite, il ajoutera de meme, apres fon pas fini, un coupe de cote, ou un petit mouvement fur les deux pointes. S'il fe trouve hors de mefure au fecond pas du premier pas de Menuet a gauche, il fera un coupe par deffous, apres avoir toujours fini fon pas. Si enfin je lui coupe la mefure fur la fauffe du fecond pas de Menuet a gauche, il fera un coupe en avant, & enfuite continuera fes deux pas de Menuet fuivant. Je lui coupe de meme la mefure fur les pas ufites dans le Menuet, & lui montre auffi la maniere de la reprendre fans s'arreter, &c. J'ai fait des airs de differens mouvemens, que je donne a la fin de cette Methode, & que je fais battre fur les moyens ordinaires (32) , qui font, le Menuet, le Paffe-pied qui fe bat en mefure du Menuet, & les fuivans pour celle a deux tems, excepte cependant la boiteufe qui doit fe battre a un tems, fon mouvement etant defigne par le terme Italien, Preftiffimo (33) . Je me fers d'une method a peu-pres femblable, pour les fourds & muets de naiffance, en les habituant, par des fignes vifibles, a connoitre qu'il faut frapper la bonne mefure lorfqu'on tire l'archet; que le voyant lever, ils doivent auffi lever la main, & la laiffer enfuite tomber a cote d'eux, fur un autre coup d'archet qui fe trouve en tirant. Je les habitue de meme a la mefure des Contre-Danfes, autrement dit, la mefure a deux tems; de forte qu'en jettant les yeux fur l'inftrument, ils parviennent a reprendre la mefure dans le Menuet, &c. lorfque je la leur coupe, & a diftinguer l'une d'avec l'autre; c'eft-a-dire, la mefure du Menuet d'avec celle de la Contre-Danfe. REFLEXION REFLEXION SUR LE MENUET ET SUR LA CONTRE-DANSE. Le Menuet, comme je l'ai dit, l'emporte fur toutes les Danfes. On peut le comparer a celles que les Lacedemoniens appelloient Danfes de l'innocence, ou a celles que les Romains nommoient Danfes de l'hymen. Les unes & les autres n'exprimoient que des paffions honnetes; elles ne refpiroient que la douceur & la decence. Notre Menuet a le meme avantage; il y joint celui de peindre l'amour modere & embelli par une aimable dignite. Rien n'eft plus propre, je l'ofe dire, a donner aux jeunes gens cette affurance qui fied fi bien, quand elle n'approche point de la licence, & cette contenance qui feduit, enchante, & difpofe a l'eftime. Par quelle fatalite une pareille Danfe eft-elle negligee? Un Philofophe en trouveroit peut-etre la caufe dans les moeurs actuelles qui influent principalement fur les plaifirs. Pour moi qui ne dois rien blamer, je me contenterai de reprefenter au public, & fur-tout aux parens, qu'il eft a craindre qu'ils ne faffent un tort reel a leurs enfans, en leur permettant de quitter trop tot le Menuet, & en ne veillant pas a ce qu'ils s'y exercent frequemment, lorfqu'ils font fortis des mains de leurs Maitres. Je profiterai auffi de cette circonftance pour foumettre au jugement du public & aux Virtuofes de l'Opera, dont la reputation eft fi meritee & fi generalement repandue, quelques idees pour la plus grande perfection de la Danfe du Menuet. On fait que la compofition muficale du Menuet doit etre de 4, 8, 12, 16 mefures, &c. c'eft-a-dire de quatre, ou d'un multiple de quatre. MM. JJ. Rouffeau & d'Alembert, en ont donne cette definition: le premier ajoutant, que les divifions principales devoient etre faites avec le meme foin, & que l'attention du Muficien devoit etre de faire fentir, par des chutes bien marquees, ces divifions par quatre, pour aider l'oreille du Danfeur, & le maintenir en cadence. On ne peut trouver de regles plus fatisfaifantes & mieux exprimees. C'eft d'apres elles qu'ont ete compofes les excellens Menuets de MM. Rameau (34) , Mondonville, le Clerc, Cupis, Exaudet, Colleffe, Lemaire, Aubert, Alexandre, Gluck, & autres; mais tous les Compofiteurs ne fe font pas aftreints a ces regles. Nous avons des Menuets dont la totalite des mefures n'eft pas un multiple de quatre. Je parle de ceux qui ont 18, 22, 26, 30, 34 & 38 mefures: il eft donc impoffible qu'ils foient multiples de quatre dans toutes leurs quantites partielles, puifque, comme on le fait, il n'y a dans chaque Menuet que deux divifions, qui chacune font repetees deux fois. Enfin, il y en a qui font bien multiples de quatre dans la totalite, tels que ceux de vingt mefures, mais dont les divifions pechent contre les regles, chaque divifion ayant dix mefures. Je demande s'il ne feroit pas avantageux de retrancher de la Danfe, ces Menuets qui fe trouvent vicieux, & je me fonde fur ce qu'il eft impoffible, en les fuivant, que chaque phrafe muficale D ij foit marquee par le Danfeur. Pour etablir cet accord qui me paroit defirable, il feroit bon que les Violons commencaffent l'air du Menuet dans le moment que les Danfeurs feroient en place: qu'apres avoir laiffe paffer les quatre premieres mefures muficales, le Danfeur otat fon chapeau, en employant quatre autres mefures; que ce meme nombre de mefures fut obferbe pour la reverence (35) ; qu'il en fut de meme pour gliffer le pied, fe faire face & baiffer le bras; que la deuxieme reverence enfin fe fit egalement en quatre mefures. Alors commenceroient l'efpece de tour que fait la Dame, l'efpece de demi-tour que fait la Dame, l'efpece de demi-tour que fait l'Homme en la conduifant par la main, ce qui emploie huit mefures; & les deux pas de cote qui fe font enfuite a droite, & qui occupent quatre mefures, au moyen de quoi les Danfeurs feroient toujours alternativement a la fin de chaque phrafe, ou chaque repos a l'une des extremites, ou dans l'un des angles du Z, dont le Menuet fait la figure. Cette precifion, dans la fituation, eft, on ne peut plus fatisfaifante pour le Danfeur, & pour l'homme de gout qui eft fpectateur : elle peut contribuer auffi a rappeller l'attention de l'un des Danfeurs, s'il lui arrivoit de perdre ou d'anticiper quelques mefures. Les Menuets faits fuivant ces regles, & qui s'accorderoient avec cette pratique, concilieroient la Danfe & la mufique, & phraferoient dans l'une comme dans l'autre (36) . Il eft vrai, & c'eft la feule objection qui fe prefente a moi, qu'en ne faifant que trois pas, fuivant l'ufage, pour donner la main gauche, y compris le pas grave, & revenir a fa place, la phrafe ou le repos ne feroit pas termine; c'eft, a ce qu'il me paroit, le feul inftant ou; la Danfe ne fuivroit pas la Mufique. Afin d'y remedier, je propoferois D iij d'ajouter dans cet endroit l'eequivalant d'un pas de Menuet, par une pirouette d'un quart de tour a gauche du pied droit, & par un coupe du pied gauche en avant, ce qui feroit le parallele du balance en ufage lorfque l'on finit de donner la main droite (37) . Si je ne me trompe point, avec cette petite precaution, & quelques autres que le gout & la politeffe peuvent indiquer, comme de retablir l'ufage des gants & du chapeau fur la tete, &c. la Danfe du Menuet feroit noble & parfaite. Les perfonnes qui voudront connoitre la regularite ou l'irregularite de la compofition muficale d'un Menuet, n'auront qu'a le battre fur le cinquieme moyen. S'ils finiffent chaque divifion par battre de la main gauche, le Menuet fera bon; autrement il fera vicieux (38) . Au furplus, quelque preference que merite le Menuet, quand il eft bien compofe & bien danfe, je ne penfe pas qu'il doive eclipfer toute autre efpece de Danfe. Je fais que dans les arts, & furtout dans les arts agreables, il eft dangereux d'admettre un genre unique qui exclue les autres. Ainfi, apres avoir infifte fur la fuperiorite du Menuet, je dirai que les Contre-Danfes ne doivent pas etre rejettees; qu'elles infpirent la gaiete qu'elles communiquent la joie & une efpece d'egalite qu'elles peuvent etre d'une grande reffource dans une fociete nombreufe, & qu'elles peuvent meme augmenter la force du corps. Je voudrois feulement qu'on ne permit aux jeunes gens de s'y livrer, que lorfqu'un long exercice du Menuet a developpe toutes les graces dont ils peuvent etre pourvus. Peut-etre feroit-il auffi a defirer que l'envie d'imiter les Etrangers ne nous portat pas uniquement vers les Contre-Danfes Allemandes & Angloifes, qui ne font compofees que de fautillemens & de trepignemens propres a faire prendre au corps de mauvaifes habitudes; qu'on y confervat les reverences & les bienfeances; qu'on n'y fit point entrer, du moins pour la jeuneffe, dont on veut former le coeur, des fituations d'une lubricite outree, qu'on ne fouffriroit point dans tout autre tems; qu'on rappellat l'ufage des Contre-Danfes Francoifes, dont les expreffions font moins fortes, & les mouvemens mieux regles & enfin qu'on n'oubliat pas entierement nos anciennes Danfes figurees, qui etoient pleines d'angremens, telles que la Mariee, la Forlanne, l'Aimable Vainqueur, l'Allemande-Franccoife, le Menuet de la Reine, le Menuet-Dauphin, &c. F I N. SECONDE PARTIE, Contenant des Airs de differens mouvemens, pour exercer l'Oreille a la mefure, dans le Menuet & dans la Contre-Danfe. Par M. BACQUOY-GUEDON, ci-devant Danfeur du Theatre Francois. Graves par Madame CROISEY.