1^ G ^^ ^'- ^ The John Carter Brown Library ± i f ^ Brown University "^ S ® ^ Purchased from the ^ ¥ Louisa D . Sharpe Metcalt Fund ^ Bïtranx Mmtreraittr mÊimÊam ^mmnniaB fmm ■HHfan DE LA DANSE. PAR MOB.EAU DE SAINT-MERY; CONSEILLER D'ETAT, MEMBRE DETLUSIEUES SOCIÉTÉS SAVANTES ET LITTÉUAIRES. A PARME. IMTRIMÉ PAR BODONI. 180I . ta^>âHBtC« DANSE. ARTICLE EXTRAIT d'un OUVRAGE INTITULÉ : NOTIONS COLONIALES. PAK OPvDKE ALPHABETIQUE . CET ARTICLE ÉTÉ RÉDIGÉ AU COMMENCEMENT DE l'année 1789- ^^m^ DEDIE AUX CREOLES. PAR LEUR ADMIRAT£VR. MOREAV DE SAINT-MERY, 5^« ÉiiKâai^if^:i= AYEB.TISSEMENT. Ce morceau ayant été lu dans quelques Sociétés littéraires de Paris , il en a paru deS traits si incorrects et si défigurés, que l'Auteur a cru devoir le publier en entier et tel qu'il l'a composé en I 7 8 9 . C'est un des nombreux arti- cles d'une espèce à! Encyclopédie Coloniale > entreprise dans le dessein de familiariser l'Europe avec des idées justes sur les Colo- gniiTiiafc^s^ nies, en les lui présentant dans un ordre qui devait aider et sim- plifier les recherches, et qui ra- menait souvent la comparaison des diverses Colonies entr'elles. L'adoption du titre simple de Notions Coloniales était née de la persuasion qu'un seul hom- me ne peut oser promettre un ouvrage encyclopédique , et du désir qu'avait l'Auteui' d'exci- ter des plumes plus savantes à perfectionner et même à rectifier ce qui serait sorti de la sienne. Des obstacles de plus d'un genre enchaînent encore le zèle qui avait inspiré ce plan . immÊÊKÊÊÊÊÊÊÊSi DE LA DANSE. Xl serait extrêmement ridicule de cîier- clier f£ïielle a pu être l'origine delà dan- se, puisque ce serait lui en supposer une autre q;ue celle de tous les grands mou- vemens de l'ame qui appartiennent aux passions . En effet, celui qui éprouve un transport d'allégresse , l'exprime par des mouvemens semlîlables en tout a ceu.x de la danse j et si cette joie est commune à plusieurs individus, il est naturel que s' unissant presque involontairement, par les mains, par les bras, d une ma- nière qui les enchaîne en quelque sorte I Mit L'Amoïir, ce grand précepteur, aura dit à son tonr (jiie la voix mélodieuse d'une bergère ajoutait encore C£uelc£uc chose au plaisir. Enfin la découverte des instrnmens de musique sera venue prêter à la danse des charmes inconnus jus(ju alors, en la rendant plus animée, en la prolongeant d'avantage; et Syrinx plaintive sous les lèvres brûlantes du Dieu Pan, aura porté dans l'ame, des sensations nouvelles, et de noiivelles se- mences de volupté. Ce taWeau raccourci c[ui offre ce- pendant une longue suite de siècles, nous mené à pressentir tous les progrès de la danse. TTous concevons comment se prêtant aux caractères des divers peuples et même aux idées des différen- tes classes du même peuple? elle a pu recevoir toutes les modifications; et ne pouvoiis-nous pas voir dans le même jour, la joie pure des habitans des champs , cju'une musette ou un violon ^'^^wmammrmm K^iioMMi^u'» mÊÊÊm^mmtéam cliscord fait sauter en rond avec des monvemens que la légèreté ne conduit pas, et la magie enchanteresse des Gixi- mard, des Saulnier, des Miller, des d'Auberval, des Vestris, des Gardel, des Ttéodore, des Nivelon, des Lato- rie, dont les grâces et la volupté, di- rigent cliaqfue pas. Les anciens avaient des danses solem- nelles (jui prenaient un caractère ana- logiie aux personnages q;u'on célébrait, à l'événement qxxoa rappellait. Tantôt graves, tantôt vives, cjixelcpefois prési- dées par la pudeur la plus austère, d'autrefois capables de l'alarmer, elles peignaient toujours ou le génie d un peuple, ou ses opinions. Quelq;ïvefoi3 la danse était destinée à retracer l'image des combats, afin que jusques dans ses plaisirs, le guer- rier pût nourrir son ame des sentimens qui le faisaient voler à la gloire; et le souris d'une jeune beauté annonçait n\\ l Spartiate qjxel serait le pris de ses ex- ploits . Un fait glorieux était repro- duit, de la même manière , sons les yeux d'nn peuple tout entier, et l'a— monr de la patrie, réveillé dans les coeurs avec tout le prestige des sens 5 y faisait répéter le serment de vivre et de mourir pour elle . Quel moyen plus puissant pour enflammer ces hommes, qu'un grand courage rend qTi.elquefois les bienfaiteurs de leur pays, lors(ju'ils sont assez vertueux pour redouter eux- mêmes d'en devenir le fléau; crue ces danses où le triomphateur s'enivrait encore en contemplant la peinture de ses belles actions, d'où l'on avait fait disparaître l'affreux aspect du carnage, pour ne donner à la victoire que des charmes séducteurs! Il n y a pas eu jusqu'aux religions qui n'ayent adopté des danses propres les maintenir, à les propager, ou a conserver l'idée de leurs hases primiti- ves; le souvenir des danses célèbres con- sacrées à Bacclms est arrivé jnscjïi'à nons. Le tems n'est pas encore très- éloitrné où, parmi les Chrétiens mêmes, à certaines époqnes et dans des jours remar(jual)les 5 les prêtres et les fidelles se tenant par la main, dansaient en rond dans les églises, en admettant à cette expression d'une joie sainte, les vierges timides dont le regard Inimtle et les ctarmes innoceus, montraient le plïis bel ouvrage de la nature. La danse cbez les penples civilises est assujettie, comme pres(jïie toutes les autres parties de leiirs moeurs , aiix caprices de la mode; tandis q\\e les peuples simples ou sauvages; pour me servir de l'épitbète f£ue l'orgueil em- ployé à leur égard, conservent une danse, en (juelcpie sorte invariable. Une pltis grande somme d'idées offrant plus de combinaisons, la variété en tout genre ne pevit guère être l'attribut Jiii^L qTie d'un peuple pltis perfectionné; et peut-être la danse des divers peuples pourrait-elle serrir. comme d'échelle graduelle, pour connaître leur desrré de civilisation. On sent, par exemple, qn iine vie uniforme, des jours con- sacrés presqrie tout entiers à se pro- curer les premiers tesoin» de la vie, sont peu favoralles aux progrès de la danse . Cependant cette règle ne saurait être regardée comrae absolue , parce qTi elle est encore dépendante et du climat et du senre de nourriture de cliac[ue peu^ple . Sous les Zones que la nature a li- vre'e; à un froid excessif, elle n'a créé qne d..es êtres capatles de lutter con- tinuellement contre elle , et de traver toutes ses rigueurs. Otligés de s'en- terrer, pour ainsi dire, pendant un long espace de tems , forcés par des vents impétueux , et par toutes les agi- iMlN tumBÊmtti tations de l'atmosplière, à vivre pres- que sans cominiLiiication les uns avec les autres , ils prennent quelc£ue chose de la férocité des bêtes fauves auxc[uel- les ils ont arracté leurs vêtemens . En un mot, l'itomme de ces affreux climats n'a q;ue la force en partage; mais la force produit la rudesse des moeurs, et si elle n'éteint pas la sensibilité, elle émousse du moins ces sensations déli- cates (jui appartiennent à la volupté. Comment la danse ^ cette fille du plaisir, oserait-elle se montrer au milieu de glaces et de neiges presq[u'éternelles ! Dans les climats tempérés au con— ta'aire, la renaissance des beaux jours excite dans toi\s les êtres un mouvement secret dont le charme irrésistible sem- ble procurer une existence nouvelle. L'horizon s'éclaircit, l'azur des cieux reparait, la terre reprend sa verdure, les prés commencent à s'émailler, 1 air est devenu un baume réparateur; par- 10 toTit la nature est douce et suave, et les feus de l'astre cjui la féconde, em- belissent encore ses Lrillantes dra- peries: tout semtle avoir une anie es 1 entr'ouvrir au plaisir . C est alors gne la jeunesse, lienreuse , même de son inexpérience, vient folâtrer au milieu des danses ctampêtres, et goûter un cliarme délicieux , (jui ne peut être vraiment senti a oammÊÊSi 20 fondent dans le ccetir de cette jeune Créole, à larjnelle la nature semMe avoir tout prodigr.é pour séduire, lorsqu'en arrivant au bal, tons les regards se tour- nent vers elle! Un art enoKantenr a pré- sidé k sa toilette; et il l'a d'autant mieux servie, (ju'il a su se cacher dans son propre triomplie. Il n'est pas une fleur, pas un noeud, aatteinens de main et le cKant à cliœnr . J'ignore d'où elle a pris son nom, mais sou effet est tel sivr les nègres, cjii'ils dansent «jnelcpefois jasc[n'à tomLer en défaillance . Ce n'est rien encore qne le Vatidoïix, si on le compare à Don Pédre ou Dan- se à Doit Pèdre, antre danse nègre, eonnne aussi dans la partie de l'Ouest de Saint-Domingue, depuis 1768. Don -Pèdre est le nom qne portait un nègre du (jïiartii-^r dci Petit-Goave, d'origine espagnole, et qvii , par Tin caractère hardi et certaines pratiques supersti- tieuses, avait acquis, parmi les nègres, un crédit assez grand pour être dénoncé à la justice comme un clief de projets alarmans . La danse qui porte son nom consiste, .-■omme le Vaudoux, dans l'agitation des épanles et de la tête ; mais cette agita- tion est extrêmement violente, et povi'v i 4a l'accroître encore, les nègres toivent en s'y livrant , de l'ean-de-vie où il*s imaginent de mettre de la pondre à canon (jn'on a bien broyée. L'effet de cette boisson , bâté et augmenté par leurs moiivemenS) a une si grande in- fluence sur tout leur être, (ju'ils entrent dans une véritable fureur, dans des convulsions réelles; ils dansent en fai- sant d'borribles contorsions, jusqu'à ce qu'enfin tombant dans une sorte d'épi- lepsie t£ui les renverse, ils sont dans un état qui semble les inenacer de la m^ort , Il a falhi interdire sévèrement Don Pedre , parce qu'il causait de grands désordres et qu'il réveillait des idées contraires à la paix publique . Soit pré- vention, soit effet électriqiie, les spec- tateurs eux-mêmes partageaient cette ivresse , et au lieu de cesser leurs chants eu voyant naître la frénésie, ils re- doublaient les éclats de leurs voix, pré- cipitaient la mesure, et accéléraient la 43 crise en la partageant jusc[u'a un certain ar le Chica ? Quelle comparaison pour- rait-on e'taLlir , par exemple, entre cette danse et celle des Caraïbes nus, de l'ile Saint-Vincent, qui se prennent sons les bras , deux à deux , et (jui en gloussant c£uelç[nes sons monotones et lugubres, se plient et se relèvent alternativement, durant des heures entières , et croyent avoir dansé. Il y a peut-être de com- •saun entre les Caraïbes et les inventeurs du Chica, l'amour de la danse et l'effet du climat; mais cjuelle diffe'rence de lueeurs il faut nécessairement supposer! Cette observation me rappelé presc^ue involontairement les malheureux uatu- -SUJBHS^VHH W^a MB asm 49 lels de Saint-Domiugvie , qui avaient des danses historiques, une espèce de pyr- rhicjue et des danses aussi voluptueuses ijue le Cliica . Ils étaient nus, je le sais, inaisl'lîis- toire noiis a assez révélé de faits pour ijue nous devions penser q^ne les Indiens des quatre grandes Antilles étaient ve- nus du Continent . Sans doute ils avaient eu une communication quelconque avec «les peuples assez civilisés poitr savoir que les cliarmes q\i'on soustrait à des re- •:'àrds trop curieu-x, sont quelquefois plus puissans. Cette pensée avait évidemment présidé à l'origine des danses qui lear étaient devenues propres j et si le repro- elie que des historiens ont fait à ces dan- ses d'être trop lascives, était fondé, cet excès, n'en doiitons pas, était, comme ceux du Chica, l'effet de la nudité qui ne permet plus de sentir les nuances déli- cates qui séparent la volupté de i'otsf- nité. /■' •' 5o Mais les Caraïbes qui étaient etix- mêmes des émigrans , établis dans les petites Antilles, n'avaient anciine ide'e de ces danses des Indiens, dont ils étaient les imj,lacal)les ennemis. De fruel(£iie point cjn'ils fussent partis pour arriver dans cet ArcLipel, on n'y con- naissait si\rement pas de danses inspi- rées par le plaisir : leurs moeurs sangui- naires l'auraient épouvanté . Et ne faudrait-il pas plutôt demander compte de cette ingénieuse découverte , 4 cette contrée, (jue les beaux arts et le goût le plus pur ont rendue immortelle; à cette contrée où l'on dit ijue Socrate livré au plaisir de la danse, montra jusc[u'où pouvait aller le triomphe d'As- pasie ? La Grèce était sous un climat tem- péré , et située de manière que ses babi- tans , qui firent éclore tous les germes de volupté, pouvaient facilement propao-er leur doctrine séductrice, et en Asie, et en Afrique, Nous savons que les Perses «Ef^Qi 99il Si placés dans la première, ont Jes danses vives et amourenses . En Egypte, an jour oli l'hymen fait briller son llaml^eal^, des danseuses ne viennent-elles pas of- frir à la nouvelle epoiise, dans d'aimables jeux, l'image encore voilée des mystères (jue ce iDien ordonne de célébrer, et u'inviteut-elles pas la vohipté à lïii pré- parer des couronnes ? Il me semble c[ne la passion de toiite l'Asie mineure, poul- ies danses C£ue l'amour semblait y avoir enseignées, n'est pas sans analogie avec le Cliicaj et si Horace, le chantre des plaisirs, a cru devoir se montrer sévère pour la danse Ionienne, j'ai déjà dit" qu'on pourrait aussi censurer de la mê- me manière l'espèce de frénésie à la- f£uelle le Chica conduit c[uel(Tuefois. Je ne puis me défendre du penchant (jui me ramène toujours vers la Grèce, quand je remarque qu'une danse qui peignait principalement l'histoire de Thésée et d'A.riadne, y portait le nom m^mji 52 <3e Candiote , et cpie l'on dit à Saint-Do- mingue d'nn africain, d'nn nègre créol, occupé de plaisir, et cliérissant snr-toiit la danse, qu'il est Candiot. Est-ce le liasard c£ui a fait tant de rapproctemens; et ce Lasard est-il donc si impérieux q^ïi'il ne soit pas permis d'aller cKercter l'origine du CLica cliezun peuple q;ui a rempli l'IJuivers entier dn bruit de sa gloire, de sa célébrité dans totis les gen- res, sur-tout de sa délicatesse exqTiise pour tout ce c[ui respirait la volupté? Qu'on considère encore une fois la danse des Caraïbes de Saint-Vincent, et l'on sera convaincu c[ue le Ciica ne peiit avoir été inventé t[ue par des liommes dont l'imagination brûlante suppléait à ce fjue les yeux ne devaient pas ap- percevoir. n N , V aman •> r ■ »• irz^ s^ El